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Pectus est quod disertos facit. ∼ Pédéblogueur depuis 2003 (178 av LLM).

En l'absence des hommes

Ce bouquin de Philippe Besson m’a été ardemment conseillé par Elliott, et je l’ai donc acheté dernièrement. C’est un petit bouquin mais qui recèle une grande valeur, il se lit très vite mais m’a laissé une impression très forte. Le roman est divisée en trois parties relativement distinctes par le fond et la forme, et bizarrement j’ai d’abord été agacé puis intrigué et enfin complètement sous le charme de la plume de Besson.

Il faut savoir que c’est un bouquin très pédé dans l’intrigue, puisqu’il s’agit du récit des amours et amitiés singulières d’un adolescent de 16 ans (Vincent), en pleine guerre de 14-18, avec d’un côté un écrivain célèbre de 45 ans « surcharismatique » (un certain Marcel P.), et de l’autre un charmant jeune soldat de 20 ans (Arthur), fils d’une gouvernante. Vincent est un garçon de très bonne famille de cette époque encore très marquée par l’aristocratie française. Un jour d’été 1916, il rencontre dans un salon mondain un écrivain et journaliste aussi célèbre pour ses romans que pour son goût des jeunes hommes. Vincent est complètement fasciné et sous le charme de cet homme. Néanmoins, le soir même, Arthur, le fils de son ancienne gouvernante, rentre du front pour une semaine de permission et lui avoue son amour. Les deux jeunes hommes entament alors une relation charnelle et sentimentale. La première partie du bouquin narre ces relations bicéphales où Vincent, le jour, rencontre Marcel et assume une relation platonique (amicale ?), tandis que la nuit, Arthur le retrouve et ils font l’amour avec passion. La seconde partie est épistolaire, il s’agit des échanges de lettres entre Vincent et ses deux compères qui entérinent l’amour pour Arthur (de retour au front) et une loyale et franche amitié avec Marcel. Finalement, la troisième partie fait le lien entre tous les personnages de la manière la plus ahurissante.

L’écriture est absolument superbe, le style est tout à fait conforme à l’époque et aux milieux qui sont évoqués. Cela donne des phrases très bien tournées et dotées d’un vocabulaire précis, et étrangement c’est une écriture qui est vivante et fluide (alors qu’on s’attend à un style ampoulé un peu âpre). En outre, après quelques pages, on devine aisément que Marcel, puis Marcel P., un écrivain de génie, à la fois journaliste et plutôt porté sur les jeunes garçon, qui voue un véritable culte à sa mère, ne peut être que Marcel Proust. C’est donc un sacré challenge qu’a relevé l’auteur, de mettre en scène et faire s’exprimer un tel protagoniste.

Mais ce sur quoi je voulais insister, c’est mon impression qui a complètement évolué du début à la fin du roman. Vraiment au commencement, j’ai senti le roman typique Rue Sainte-Croix de la Bretonnerie, et j’ai été assez crispé. Et puis, cette histoire d’un éphèbe aristo qui partage ses journées à pérorer et confabuler avec Proust, et ses nuits à se rouler dans la fange avec un pue-la-sueur m’a irrité. Et puis, j’ai senti que se profilait une relation assumée par Vincent où, il faisait la dichotomie entre une relation platonique avec un de ses pairs et donc socialement acceptable, tandis qu’il ne pouvait pas se permettre une véritable union avec un être d’une caste inférieure. Mais je me suis leurré, ça doit être du à mon côté prolo de base allergique aux bourges élitistes. Et petit à petit, grâce à un texte au style somptueux, à une intrigue à laquelle j’ai peu à peu adhérée, et la seconde partie du bouquin (les échanges de lettres m’ont beaucoup ému ; car, oui, je suis une midinette. Arf.), j’ai vraiment accroché et aimé cet ouvrage. En effet, Vincent tombe sincèrement amoureux d’Arthur et réciproquement, et Marcel devient un ami proche et un confident loyal pour Vincent. En définitive, c’est le récit d’une très belle histoire d’amour, romanesque et passionnelle à souhait, à laquelle bien sûr les homos peuvent facilement s’identifier. La présence de Proust est un formidable clin d’oeil et donne un souffle épique et historique à l’intrigue amoureuse.

En l absence des hommes - Philippe Besson

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  • Evidemment, je suis content que ce livre t’aie plu. Ce livre est pour moi, comme je le dis si souvent mon préféré. Pourtant, je sais, il y en a des meilleurs. Sans doute. Mais cette histoire, ce style d’écriture, cette fluidité des mots, les lettres, le roman, Vincent… C’est un tout. Moi aussi, je dois être un midinette. En tout cas, seul ce livre à ce jour a reussi à m’arracher une petite larme…

  • On en avait causé au tél, methinks. J’ai pas pu le finir, les répétitions m’ont gonglé, “crispé” justement. M’enfin “De gustibus et coloris non disputandam” ;o)

  • Je confirme, c’est un excellent livre.
    Résultat : j’ai lu sa dernière parution : Un garçon d’Italie.
    Lecture rapide – Histoire à 3 voix.
    Simple – Facile – Directe.
    Le bonheur.

  • L’histoire est effectivement interessante et je ne regrette pas de l’avoir lue. Les personages sont vivants. Pourtant, je reste sur un sentiment très mitigé. D’une part ce n’est pas, comme tu le dis, un style conforme à l’époque : Besson n’écrit pas comme Barrès ou Leroux, P. Bourget ou d’autres “fin de siècle”, c’est sans importance d’ailleurs, il n’y a pas de raison qu’il le fasse. En revanche, il semble sortir d’une lecture très très intensive de M. Duras et de façon maladroite. Un style fort comme celui de M.D. est vite un embarras pour d’autres… Ce n’est pas le premier dans les années 90 à avoir cherché à la plagier ou tout au moins à l’imiter.
    Enfin, quoiqu’il en soit, ça se lit bien et c’était un bon moment.
    Pour ce qui est de la vie au front, connais-tu LE FEU de H. Barbusse et LA COMEDIE DE CHARLEROI de Drieu la Rochelle ?:blah:

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