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Pectus est quod disertos facit. ∼ Pédéblogueur depuis 2003 (178 av LLM).

Un garçon d'Italie

Il écrit vraiment formidablement bien ce Philippe Besson. J’ai encore été happé par son style et son sens de la narration. Deux qualités qui m’impressionnent toujours chez les jeunes écrivains de sa veine. L’histoire en elle-même est intéressante, un homme, Luca, meurt noyé dans un fleuve à Florence dans des conditions un peu mystérieuses (suicide, assassinat ?). Il a une petite-amie, Anna, avec laquelle il refuse de s’engager, et pour cause, il vit en parallèle une relation charnelle et fraternelle avec un jeune prostitué Leo. Le livre s’articule autour de ces trois personnages qui sont tour à tour narrateur en autant de courts chapitres que de soliloques de chacun.

Le plus original est le fait que Luca, lui-même, raconte son histoire alors qu’il est déjà mort à la première page. Son discours de « mort » est vraiment bien tourné et insolite. On le suit de sa récupération dans le fleuve, à la morgue, jusqu’à l’enterrement et enfin six pieds sous terre. Leo et Anna tentent de faire leur deuil, chacun de leur manière, avec leurs forces, leurs faiblesses et leurs incompréhensions. Chaque protagoniste s’interroge sur l’autre et par là sur eux-mêmes. C’est un livre intimiste et posé, un livre tout en touches impressionnistes et en délicatesse. Anna est celle qui souffre comme une femme, avec passion et opiniâtreté. Elle finit par apprendre l’existence de l’autre, et éclairer les zones d’ombre de son ami disparu. Leo souffre aussi mais il se refuse à exposer ses sentiments, pour la simple et bonne raison qu’il est l’amant honteux, l’homme de l’ombre. Il n’existe pas, se rend à l’enterrement incognito et n’a personne à qui confier son ire et son profond chagrin. Luca est mort et il angoisse à l’idée que sa vie soit entièrement dévoilée, l’ambiguïté étant qu’il aime les deux, tout en ne s’engageant avec aucun. Aussi tout au long du livre, chaque narrateur évolue et livre ses pensées, ses réactions aux questions et réponses des uns et des autres. J’ai beaucoup aimé cette forme de roman qui permet de se glisser dans la peau de chacun, et donc de donner l’opinion de chacun sans jamais les juger (ou alors uniquement par le truchement du narrateur suivant). L’histoire est assez prenante et captivante dans ce qu’elle développe en matière de sentiments et de confusion des sentiments. Elle nous plonge dans cette étrange intrigue aux effluves policières mais résolument placée sous le signe de l’amour.

Malgré tout, je ne suis pas complètement emballé par le bouquin pour le simple fait que je suis resté sur ma faim. En effet, le roman est court, beaucoup trop court à mon goût. Je pense que la mise en scène est à peine ébauchée et c’est déjà la fin, une fin assez réussie tout de même, mais qui ne fait qu’effleurer la surface des gens, alors que j’aurais voulu tellement plus explorer les personnages et leur émotions. Je me dis donc en définitive « so what ? » alors que je l’ai lu d’une traite et avec beaucoup de délectation, alors que le style est d’une grande qualité, que les personnages sont attachants et bien campés et que cette approche de la bisexualité demanderait encore bien des développements. On peut aussi tourner cela en qualité, se dire que Philippe Besson est un écrivain de la pudeur, qu’il laisse au lecteur la possibilité de laisser courir son imagination et de plonger dans une atmosphère le temps d’un souffle, puis de s’en extraire aussitôt. Mais non… j’aurais voulu plus, attendu mieux. J’ai été tellement submergé par « En l’absence des hommes » que j’ai été un petit peu dépité par celui-ci, même s’il en a la carrure et la qualité littéraire. « Un garçon d’Italie » reste un bon roman mais dont l’aura ne s’étend pas à la mesure de l’histoire vécue par ses protagonistes.

Un garcon d Italie - Philippe Besson

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  • Je suis aussi resté sur ma faim par le caractère abrupte de cette fin, justement.
    Cela laisse temps de place, temps de vide, de non dits (le passé du personnage principal qu’on devine, et tout un tas d’autres détails).
    Et finalement, je me suis dit, c’est ça qui est bien, je peux constrruire ma propre vision du personnage, de Luka, de d’Anna ou de Léo (j’ai lu ce livre il y a presque deux mois, alors excusez les erreurs)… J’aime cette liberté laissée à l’ami lecteur.
    Le style du roman était pour moi une découverte. Le plaisir que j’ai eue à lire cet ouvrage est justement lkié à ce mélange d’évasion, de pudeur et non dits …
    Bref, j’ai vraiment aimé.

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