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Pectus est quod disertos facit. ∼ Pédéblogueur depuis 2003 (178 av LLM).

Cosmopolis

Je n’avais jamais lu de roman de Don DeLillo, je le connaissais de réputation et j’avais lu quelques critiques savoureuses de ses anciens bouquins, aussi j’ai voulu m’y frotter. C’est un bouquin édité dans une collection que j’aime beaucoup pour la qualité de son papier et les proportions de l’objet relié (des parallélépipèdes allongés en longueur): Actes Sud. C’est aussi l’éditeur des romans de Paul Auster qui est un de mes auteurs favoris. Et Don DeLillo, pour l’écriture, mais aussi le cadre (New York) et les personnages énigmatiques m’a pas mal fait penser à Auster dans ce bouquin.

Le héros du livre, Eric Packer, est un jeune magnat de la finance de 28 ans, qui d’une start-up a fondé en quelques années un super-empire de la spéculation. Sa richesse est telle qu’il possède des millions de dollars et un patrimoine hallucinant. Il a notamment en sa possession une limousine extraordinaire avec le sol en marbre et un équipement Hi-Tech avant-gardiste, qui lui permet de travailler tout en se déplaçant. Il surveille ainsi des dizaines d’écrans de contrôle avec des cours de devises et d’actions, tandis qu’il reçoit ses employés ou qu’il se restaure. Ce jeune businessman est fiancé à une poétesse détraquée qui est aussi une héritière richissime, avec qui il entretient une relation singulière.

L’originalité de l’intrigue réside dans l’unité géographique : la voiture. Ainsi, quasiment tout le roman se tient dans l’enceinte de l’omnipotente limousine, protégé par un impitoyable chef de la sécurité, dans laquelle Eric reçoit tour à tour ses collaborateurs pour deviser d’un insoluble problème : le comportement du yen. Il doit traverser la ville pour aller chez son coiffeur, un trajet improbable puisque semé de toutes les embûches : manifestations, embouteillages, cortège présidentiel etc. Le héros-spéculateur a parié gros sur une chute de la monnaie nippone qui, contre toute attente, continue à grimper aux nues, et il essaie de comprendre les raisons de cette débandade. Ce trajet en plein New York est aussi un parcours initiatique où le héros tente de faire le point sur sa vie, de remettre en question son travail et ses idéaux, de trouver sa place dans la société et de retrouver un semblant l’identité.

C’est un roman noir et un auteur à la plume acrimonieuse qui livre une vision apocalyptique et au bord du gouffre d’un monde corrompu, un monde au capitalisme absolutiste et méphitique. Les cadres de sa boite qui défilent à l’arrière de la limousine sont des exemples vivants de cette société moderne et avilie qui déshumanise au maximum ses partisans. L’auteur dépeint alors un série de personnages dans des scènes saugrenues avec des dialogues incisifs et parfois ésotériques dans un domaine où se mêlent finance, technique et philosophie. L’environnement contribue à la mise en scène chaotique puisque des embûches jalonnent son parcours et montrent de manière flagrante la déliquescence de son univers.

Le héros ne trouve la rédemption qu’en abandonnant sa fortune et la protection de son véhicule, dans une mort prophétique (annoncé dès le début) où il se jette presque sciemment, car il a enfin trouvé un sens à son existence. J’ai été vraiment impressionné par l’écriture de Don DeLillo qui est précise, poétique et puissante. Le roman m’a tenu en haleine par la dynamique du parcours routier, qui va de concert avec la quête d’identité du personnage, et une intrigue qui, peu à peu, délivre son message et nous met en face d’une réalité bien étonnante.

Cosmopolis - Don DeLillo

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