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Pectus est quod disertos facit. ∼ Pédéblogueur depuis 2003 (178 av LLM).

Souvenir olfactif

Habituellement, j’ai plutôt des souvenirs liés à l’ aspect visuel d’une chose. Je vois un truc et hop, ça me projette un flash-back et cela me fait penser à quelque chose lié. Parfois ces souvenirs éclairs sont très perturbants quand vraiment attachés à des événements forts en affect et en émotion. Cela peut presque produire un choc. Je pense que les plus émouvants sont ceux de l’enfance. Mais finalement, on a l’habitude de repenser à des images passées.

Par exemple, quand je suis allé à pied jusque la maison de ma grand-mère (qui est chez ma môman à présent), j’ai revu certaines choses qui ont fait tilt tant donné que je suis passé devant mes écoles maternelles, primaires et mon collège ! L’école primaire revêt toujours la plus grande émotion, et surtout quand je revois certains arbres de la cour. Ils étaient déjà là, il y a 22 ans. Bizarrement, je me souviens d’énormément de choses de cette époque, de beaucoup de situations, de pensées et de ressentis.

Mes souvenirs d’école sont presque exclusivement liés à une copine, Marie-Aude. Et la raison est bien simple, je l’ai rencontré à la rentrée du CP, et nos parents nous ont jeté l’un avec l’autre, vu qu’on était autant terrorisé. Et nous sommes devenus amis, comme ça ! Et nous sommes restés côte à côté à la même table en CP, CE1, CE2, CM1, CM2 ; 6e, 5e, 4e, 3e. Bon après, on a fait des pieds et des mains pour se retrouver dans un lycée différent, sinon on se serait mutuellement assassiné, mais c’est une personne avec qui j’ai vécu beaucoup d’espiègleries de gamins. Dire qu’aujourd’hui, elle est maman de deux bambins !

Quand j’ai vu cet arbre la dernière fois, je me suis souvenu d’un après-midi de CE2 où nous en avions touché l’écorce, et après maintes tergiversations philosophiques nous avions alors pris conscience du monde. Je m’en souviens super bien. On s’est regardé, et on s’est dit qu’à ce moment précis, des milliards de gens vivaient simultanément à nous. Et on a trouvé ça dingue, j’ai le souvenir d’un vertige immense, et le sentiment d’un pouvoir fabuleux né de cette prise de conscience. Oui oui, on était un peu barré… :mrgreen:

Je me suis aussi fabriqué moi-même des « appels aux souvenirs ». En fait, c’est une mallette en osier qui contient ma correspondance d’ado et mes photos de classe, mais aussi des tas de petits objets insignifiants qui symbolisent des moments « importants » du passé. Vraiment c’est tout et n’importe quoi… j’ai la copie d’école d’un dialogue écrit entre un pote et moi un après-midi de cours, un cailloux poli de la plage de Dieppe (voyage de fin d’année de CM2) donné par Marie-Aude, une décoration de glace de mes vacances en Corse et même un poil de pubis de Nicolas après une soirée arrosée en fin de première où il m’en avait fait cadeau pour mon anniversaire. Je l’ai collé dans un scotch, et j’ai mis le tout sur un post-it. Arf arf. Evidemment, il y a aussi mes journaux intimes (dès 1991) qui en disent tant pour moi seul.

Et puis pour les souvenirs auditifs c’est simple, j’enregistrais tous mes messages de répondeurs dès mon arrivée sur Paris. Ainsi, j’ai conservé des moments hallucinants avec mes amis qui m’appellent en chantant, pleurant ou riant, des plans internet qui hésitent à laisser un message, des ex qui rappellent, des petits-amis qui rompent en direct, ces mêmes qui rappellent pour annuler le message précédent etc. Une mine !

Hier soir, en arrivant à la Défense, c’est l’odeur d’une bonne femme. Cela n’arrive que très rarement, je pense une fois tous les deux ou trois ans, c’est pour cela que c’est souvent un effet d’une rare intensité. J’ai croisé quelqu’un avec le parfum de ma grand-mère, et boum, tout est revenu en mémoire. C’est dingue, parce que je n’ai pas tout de suite reconnu la fragrance, et puis hop, je me suis arrêté de marcher et en un éclair, tout m’était revenu en mémoire. Je me suis écarté du flot des gens, car je ne pouvais pas continuer comme cela, comme si rien ne s’était passé. Elle est morte il y a dix ans, et je suis content de conserver cette rémanence d’elle en moi.

Et puis cette femme est un grand symbole pour moi. Mon grand-père était plutôt du genre alcoolique et violent, et ma grand-mère a fini par divorcer et élever seule dans les années 50 ses quatre gamins. Elle a travaillé toute sa vie pour subsister, avec le même acharnement, la même foi en la vie et une imperturbable dignité. Combien de fois m’a-t-elle raconté qu’elle avait du recourir aux créances de tous les magasins de la ville, et que petit à petit, elle avait fini par tous les rembourser rubis sur l’ongle. Elle riait en me racontant des anecdotes dingues comme la fois où elle est allée, pendant la guerre, chercher du bois sur l’ancien terrain d’aviation à plusieurs kilomètres, seule en hiver et avec sa vieille brouette, seule solution pour se chauffer. Et puis, je captais des signes, même si elle ne racontait pas souvent les moments les plus tristes. J’ai aussi compris en catimini des bribes de conversations de-ci de-là. Cet homme que j’ai toujours entendu sous le nom de « l’oncle Michel », cet homme gentil et adorable qui était en convalescence chez ma grand-mère (je ne connais toujours pas son lien de famille exact… tabou). Et je sais qu’ils sont tombés amoureux, qu’ils ont du avoir une aventure alors que cela aurait été perçu comme un scandale, et qu’il est finalement mort de tuberculose, la laissant une fois de plus sur le carreau. Ouai je sais, le genre « chanson réaliste » des années 30…

J’avais vraiment une relation privilégié avec elle. Elle m’a donné le goût de la lecture et de la culture. Elle m’a acheté des tonnes de bouquins, et puis elle me faisait écouter de la Grande Musique aussi (c’est comme cela qu’elle appelait la musique classique) parce qu’elle savait que j’y étais sensible (mouaaaaaaaarf). Et surtout, elle m’a donné juste avant de mourir un livre auquel je tiens comme à la prunelle de mes yeux. Il s’agit d’une de ces anthologies de la poésie française reliée en cuir et à la tranche dorée. Cela reste une de mes lectures fétiches, certains soirs je prends comme cela une partie du bouquin, et je me lis quelques poèmes. Ainsi, je suis à la fois dans mes pensées et dans les siennes.

Je me dis que c’est bon de se souvenir comme ça, c’est douloureux, mais c’est un juste tribut. Un rêve éveillé tout en émotions, comme j’espère encore en avoir beaucoup.

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