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Pectus est quod disertos facit. ∼ Pédéblogueur depuis 2003 (178 av LLM).

Les grands singes

J’ai eu envie de relire (pour la dixième fois je pense) ce bouquin de Will Self que je considère comme son meilleur (avec « Vice-versa »), et qui est un de mes livres favoris. L’intrigue est très simple, mais l’auteur est allé très loin dans les détails et dans l’étude de moeurs pour en donner un bouquin fantastique et fantasque dans tous les sens du terme.

L’histoire donc est vraiment claire, Simon Dykes est un artiste contemporain de renom qui mène une vie aussi passionnée que son art est tourmenté. Il fréquente une clique de gens de la jet-set londonienne, et passe la plupart de ses soirées à se droguer et à faire la « fête ». Or, un jour où il est particulièrement perturbé et qu’il prend de la coke et des ecstasy, il fait un mauvais trip. On le retrouve alors au matin, chez son amie, Sarah. Il est devenu un chimpanzé ! Le monde entier a changé, tous les gens sont des chimpanzés. Le monde est modifié comme si l’évolution avait substitué le chimpanzé à l’homme. On ne parle plus d’humanité mais de chimpanité !!

Evidemment, Simon pète un plomb et il est pris en charge dans un hôpital psychiatrique. On fait alors appel à un éminent professeur, Zack Busner, dont l’objectif est de permettre à Simon de retrouver le sens de sa chimpanité, et qu’il arrête de perdurer dans sa stupide illusion d’être un humain. En effet, le bouquin est vraiment construit comme si la civilisation dominante était celle des chimpanzés, et Will Self s’est amusé à effectuer (un boulot monstre je pense) une transposition bluffante d’intelligence, de lucidité et d’ironie. Il en profite pour épingler le milieu de l’art, la psychiatrie mais aussi plus largement nos idées reçues en terme de moeurs. En remettant comme cela l’univers dans la perspective du chimpanzé, il arrive à nous faire comprendre que nos comportements moraux sont tout relatifs et que si nous étions des chimpanzés, il y aurait bien des choses qui nous choqueraient, dans ces nouvelles normes.

Le bouquin est donc avant tout une grande démonstration de sagacité et d’humour acrimonieux de cet auteur qui tient la route pendant cinq cents pages avec des héros et héroïnes qui sont des chimpanzés et des guenons. Et Simon peu à peu se réacclimate à sa condition « chimpaine ». Il réapprend donc à digiter et à gesticuler plutôt que de continuer à vocaliser comme cela, à tort et à travers. Du coup, cette société repose sur des liens de hiérarchie régis par des relations de dominations soumissions entre les êtres. Le toucher joue alors un rôle prépondérant, les gens s’épouillent et se « bouchonnent » selon leurs liens sociaux.

Il doit aussi se faire à la copulation comme comportement social de base de la société chimpanzé « civilisée ». Aussi on apprend que Sarah et Simon en tant que couple monogame sont considérés comme des hérétiques, de graves débauchés. De même les relations sexuelles endogames sont faites pour créer des groupes de singes équilibrés, et Freud lui-même a basé ses études sur les gens qui n’ont pas été assez saillis par leurs parents etc. La relation sexuelle la plus épanouie doit durer le moins longtemps possible, et Sarah décrit Simon comme un super bon coup, car il durait moins de dix secondes !! Le fait de cacher son sexe est aussi extrêmement érotique dans cette société, et le cache-enflure pour les femmes est conçue comme une marque de provocation suprême.

Ce bouquin est vraiment un régal, c’est drôle, intelligent et on se fait prendre au jeu rapidement. A la fin, on se demande vraiment ce qu’on est finalement. D’ailleurs, dans ce livre Simon regarde « la planète des hommes » et se moque du ridicule des comédiens chimpanzés accoutrés en hommes. Mais surtout, cette manière de reprendre le comportement simien en le collant sur notre civilisation avec ce prisme de comportement primate est un moyen génial de mettre encore plus en exergue nos dysfonctionnements. Will Self livre là une grande Fable de LaFontaine et la morale est autant dingue qu’elle est géniale !

Les grands singes - Will Self

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  • BON. Faut que je fasse la prochaine fois une relecture de toutes tes critiques de bouquin avec de quoi noter à côté de moi. Marre de simplement baver devant mon écran devant des bouquins qui ont l’air en général passionnant et d’électrocuter mon clavier !

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