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Pectus est quod disertos facit. ∼ Pédéblogueur depuis 2003 (178 av LLM).

La Tour de la Défense (à la MC93)

Une pièce de Copi de 1978 c’est un exercice de nawak de haut vol, et en effet ce fut largement le cas pour celle-ci. Et pour le public c’est aussi une bouffée d’oxygène avec une telle fureur sur la scène qui emporte tout avec elle. Un rythme endiablé qui démarre au quart de tour amène une énergie dingue autant dans la mise en scène que dans l’histoire qui est déroulée. Cette pièce est l’allégorie de la tachycardie.

Voyez un peu un aperçu de la situation… La pièce s’ouvre sur un appartement cossu (année 70) au 13ème étage d’une tour de la Défense avec une belle vue sur Paris, où un couple homo ne tarde pas à se prendre la tête en ce beau soir de réveillon (31 décembre 1976). On sent bien les deux mecs dans l’impasse avec Jean (Marcial Di Fonzo Bo, aussi le metteur en scène), un styliste glam et torturé, et Luc (Clément Sibony), le bellâtre qui veut se tirer pour aller aux Tuileries.

Sur cette première scène de ménage débarque Daphné (Marina Foïs), la voisine barrée, qui vient de prendre un acide et qui tripe chez les deux pédés. Elle déprime aussi allègrement car elle apprend à ses voisins que son mari John (Jean-François Auguste) a enlevé leur petite fille à New York. Ensuite arrivent Micheline (Pierre Maillet) le travelo, qui se la joue grande dame névrosée, et Ahmed (Mickaël Gaspar), le bel arabe de service à la sexualité ambiguë… Tout ce petit monde fête donc la nouvelle année avec plus ou moins de bonheur… entre farce, drame, expériences culinaires surréalistes, infanticide et sexualité débridée !

Une soirée de réveillon avec des gens paumés, marginaux et névrosés… ça ne vous dit rien ? Eh bien, cela m’a vraiment fait penser au « Père Noël est une ordure » dont la version théâtrale date de 1979, soit un an après cette pièce-ci. Dans les personnages (le trav, la gourde, le sérieux etc.), les thèmes (notamment la misère affective) et surtout les pointes d’humour noir et grinçant, on retrouve vraiment une verve et une veine similaire au spectacle du Splendid. Evidemment, chez Copi la facette homosexuelle est bien plus intéressante et habilement ciselée.

D’ailleurs je reste stupéfait de découvrir une pièce de 1978 aussi trash et subversive, alors qu’aujourd’hui aucun auteur ne pourrait écrire un truc pareil. Cela montre bien que l’évolution des moeurs ne suit pas forcément une logique de libération « affine » comme on pourrait instinctivement le croire.

Pour faire racoleur, sachez que le spectacle vaut encore plus la peine que « Love ! Valour ! Compassion ! » en terme de nudité frontale. Eh oui, le premier réflexe du reubeu lorsqu’il arrive sur scène est de se dessaper entièrement pour laisser apparaître de biens jolies proportions. Et par la suite, nous assistons aux corps dénudés des deux homos et de Marina Foïs complètement défoncée à l’acide. Il y a aussi quelques sodomies éparses sous la douche ou au lit, dont une avec le travelo.

Une des réussites de la pièce réside dans son décor et l’occupation de l’espace scénique, ainsi que des éléments d’habillages sonores et visuels. Le public est séparé en deux séries de gradins qui se font face, et la scène entre les deux publics est une reconstitution de l’appartement très « seventies » des deux homos. On voit donc salle, cuisine, balcon, chambre et salle de bains… mais les deux publics ont un angle de vue différent (à 180°) à la fois de l’espace scénique et donc des personnages. On a donc vraiment l’impression d’être les témoins de l’histoire, et d’être immergé dans la scène. Cela donne aussi un côté très télévisuel à l’ensemble, ce qui est renforcé par les technologies employées. En effet, un écran semi-transparent s’abaisse de temps en temps pour afficher quelques projections (générique au début, film de cul homo à un moment avec belle scène de fellation, explosion, incendie etc.). On entend aussi beaucoup de bruitages et de musique. Enfin, la durée de la pièce (1h40) contribue aussi pas mal au format cinéma ou télévisuel.

L’occupation des lieux par les personnages est une belle prouesse du metteur en scène qui donne encore plus de dynamisme aux scènes. Les comédiens bougent dans tous les coins, et cela participe autant à l’histoire que cela permet aux publics de profiter du spectacle. Et puis on suit avec saisissement l’intégration d’un boa qui remonte par les WC (légende urbaine des années 80 en effet) que le reubeu tue, puis prépare pour le réveillon, avec ensuite les personnages qui bouffent cela avec délectation (en plus du rat que le serpent avait dans le bide) et gros giclage de raisiné. Je vous assure, impossible de bailler aux corneilles !

Les comédiens sont plutôt bons dans l’ensemble, avec une mention spéciale pour Marcial Di Fonzo Bo et celui qui joue le trav, Pierre Maillet. Je suis un peu plus circonspect pour Clément Sibony, mais ce n’était pas une catastrophe non plus. Par contre, Marina Foïs est géniale. Evidemment, on la retrouve encore dans un rôle bien taillé pour elle. Quand il s’agit de jouer les folles hystériques en pleine montée d’acide, on peut vraiment lui faire confiance.

Vous pouvez vraiment passer un très bon moment en allant voir cette pièce qui est drôle et bourrée de traits acrimonieux, dont les personnages ne sont pas que marrants et au final avec une histoire qui passe facilement de la comédie au drame le plus surréaliste.

La Tour de la Défense - Copi - MC93

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  • Il y avait eu une version au théâtre de la Tempête à la Cartoucherie (mais oui, je bouge hors les murs) très intéressante et tout aussi trash dans le traitement. Le public en gradin aussi en profitait. J’ai vu le spectacle de la régie et la réaction du public était parfaite aussi.
    Bien sûr, c’est un peu convenu de louer le génie de Copi, je suis le premier à le faire. APPARTE : je me souvient d’une de ses prestation déguisé en bonne avec une souris comme animal de compagnie s’exclamer : “C’est fooooooooooooooouuuuuuuu non ?!” pour une pub Perrier.
    Je pense qu’il y a des auteurs contemporains qui sont aussi talentueux que lui, mais nous sommes dans une société frileuse qui se vautre dans le confort matériel, moral et qui refuse de réfléchir.
    Chouette la pièce à lieu à Bobigny, je pourrais avoir des invits? :-)

  • Pour ceux qui kiffent Marcial di Fonzo Bo, il vient boire des coups soit au Delaville Café, soit au Merci Charlie (boulevard Bonne nouvelle). Je sais pas pourquoi, mais à chaque fois, il s’installe à la table à côté de moi :love:

  • Eh eh tu es venu chez moi … on aurait pu se croiser là je t’aurai dit “hum matoo tu viens boire un verre ?” mais bon j’habite pas du coté de la maison de la culture de boboche :(

  • Salut, je trouve que vous avez bien cerné cette pièce. Je la mets en scène pour mon projet d’école ( je suis dans une école de théatre), seriez-vous comédien car je cherche 3 comédiens pour les rôles de Micheline, John et Ahmed. Si vous connaissez des personnes intéressées par ce projet, merci de faire circuler l’info. Sinon, si vous aimez le théâtre de di Fonzo Bo, savez-vous qu’il joue actuellement au Palais de Chaillot, avec Marina Foîs, dans une pièce qu’il a mis en scène ? Je ne l’ai pas encore vue mais je pense que le travail de ce metteur en scène est à suivre et rien de tel que ses spectacles pour faire un pied de nez à la morosité.

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