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Pectus est quod disertos facit. ∼ Pédéblogueur depuis 2003 (178 av LLM).

Ousmane Sow sur le Pont des Arts

Je sais que cela peut paraître incongru, mais je me baladais sur les bords de Seine il y a quelques jours. Je reluquais, comme d’habitude, les étals des bouquinistes et j’errais autant dans ma tête que dans mes pas. En voyant quelques couvertures usées de bouquins d’art de seconde main, je me suis mis à penser à ce qui m’avait vraiment ému dans le domaine. Mon regard s’est alors posé sur le Pont des Arts qui était à quelques minutes à pied d’où je me trouvais.

Je me suis alors soudainement remémoré cet événement majeur qui m’avait vraiment marqué à l’époque, et certainement l’une des premières fois où l’art me toucha de manière aussi directe et puissante. Il s’agissait de l’exposition d’Ousmane Sow qui s’est déroulée sur le Pont des Arts, une expo gratuite et libre que 3 millions de gens ont visité pendant ce printemps 1999.

Je n’avais jamais entendu parlé de ce type avant cette exposition qui avait le mérite de couvrir une bonne partie de sa vie artistique. Cet homme, Ousmane Sow, est un sénégalais de Dakar (né en 1935) qui sculpte, ou modèle plutôt, des statues d’humains d’une taille légèrement supérieure à la norme (1,5 fois plus grand que nature en gros). Ce sont des représentations d’africains en majorité, l’artiste en saisit les postures et les activités quotidiennes des principales tribus ou ethnies africaines. La fabrication de ces statues est complexe et secrète, il s’agit d’une structure filaire métallique qui est recouverte de papiers, cartons, terres, peintures et autres matériaux de récupération.

Le talent immense de cet homme réside en partie dans le réalisme des gens qu’il figure ainsi. On peut voir son oeuvre comme un vrai témoignage ethnologique africain, mais aussi comme des statues d’une beauté stupéfiante et d’une expression saisissante. Cependant, il ne fait pas que reproduire ou transfigurer une réalité, il manifeste aussi son implication politique par ses oeuvres. A cette expo, on pouvait notamment voir sa série sur la bataille de Little Big Horn. Il fait un rapprochement entre les africains et les indiens d’Amérique qu’il représente lors de cette victoire indienne sur les colonisateurs.

Là où son travail est le plus bluffant c’est dans la manière dont les visages qu’il modèle sont à la fois précis et réalistes mais peuvent aussi apparaître comme une matière brute et indomptée. En outre, j’avais été étonné de constater que les statues restaient dehors quelles que soient les conditions climatiques. Et j’avais lu qu’au contraire, Ousmane Sow ne voulait pas qu’on couvre les oeuvres, même pour les protéger de la pluie, car le temps et les intempéries faisaient évoluer la matière et les pigments colorés en leur donnant un caractère alors unique et naturel. En effet, j’ai du voir l’exposition une douzaine de fois pendant plusieurs mois, et on constatait que les textures avaient évolué ainsi que les couleurs et l’aspect général des statues. Cela renfrognait les figures de certains, rendait plus réalistes les peintures corporelles d’un Nouba ou bien transcendait le regard d’un guerrier Masaï.

Ousmane Sow - visage nouba Ousmane Sow - visage Masaï

Nouba, Masaï, Zoulou, Peulh, Ousmane Sow explore des ethnies africaines que l’on ne connaît souvent que de noms, et il leur donne une existence tangible dans la représentation quotidienne de ces hommes et femmes. On les voit dans des rituels sacrés comme des danses ou la scarification, comme des guerriers en arme ou bien en train de sacrifier une bête, ou simplement de se faire tresser les cheveux. Chaque oeuvre est singulière, elle possède un souffle et une force uniques. Mais l’ensemble créé du coup un sentiment extrêmement fort, et on ne peut pas rester insensible à une telle démonstration.

La fin de la visite correspondait à la bataille de Little Big Horn où les émotions étaient encore plus exacerbées par le fait que le créateur ait concrètement reconstitué des scènes de combat. On y voit notamment, figé dans un mouvement agressif, des indiens et soldats qui se tirent dessus et un cheval immense qui tombe abattu. Flippant. Impressionnant. Haletant. Déroutant. Bouleversant.

Autant dire que j’aimerais bien qu’on reproduise une exposition similaire un de ces quatre… ;-)

Ousmane Sow sur le Pont des Arts - 1999 - Nouba Ousmane Sow sur le Pont des Arts - 1999 - Masaï Ousmane Sow sur le Pont des Arts - 1999 - Peulh Ousmane Sow sur le Pont des Arts - 1999 - Little Big Horn

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