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Pectus est quod disertos facit. ∼ Pédéblogueur depuis 2003 (178 av LLM).

Le Crime de l'hôtel Saint-Florentin

J’ai attendu quelques mois pour la sortie en 10/18 du dernier opus de Jean-François Parot des aventures de Nicolas Le Floch, mon petit commissaire au Châtelet dont je me régale des enquêtes. Il s’agit du cinquième ouvrage avec ce même héros et son univers du Paris du 18ème siècle, et cela fait une quinzaine d’année que Nicolas a débarqué de sa Bretagne natale pour devenir magistrat, et peu à peu conquérir une certaine estime de ses monarques (Louis XV pendant les 4 bouquins, et maintenant Louis XVI).

J’ai reçu récemment un commentaire plutôt négatif sur une critique élogieuse du quatrième bouquin de Parot. Je n’écrivais pas encore mon blog à l’époque où j’ai lu les autres, mais j’aurais écrit à chaque fois de bonnes choses. Néanmoins, les reproches de ce commentateur sont assez fondés.

En effet, je reprochais à Parot, malgré la qualité globale de l’ouvrage, de ne pas assez fondre l’intrigue et les anecdotes historiques (qui montraient trop son envie d’évoquer le Paris du 18e mais sans réel intérêt sinon la démonstration de sa science), de ne pas toujours bien boucler ses histoires (les conclusions tombant un peu comme un cheveu sur la soupe) et d’insister un peu trop et trop précisément sur les recettes de cuisine (avec moult détails sur les ingrédients, la cuisson etc.).

Mais là où je ne suis vraiment pas d’accord avec les remontrances du même commentateur, c’est la manière dont il descend l’auteur en flamme. En effet, malgré ces maladresses, les bouquins sont écrits à l’aide d’une plume d’une virtuosité et d’une érudition extraordinaires. Cet écrivain manie la langue française et le style du 18e siècle avec un talent incroyable et d’une absolue délectation pour moi. Outre cela, la mise en place des événements, autant dans le contexte historique, la mise en situation de personnages réels, les détails sociaux, géographiques et culturels de Paris, démontre la maîtrise de Parot, et donne un crédit inattendu à de tels romans policiers historiques. Donc pas de pédanterie pour moi, mais plutôt un foisonnement d’anecdotes et de doctes informations qui régalent ma curiosité.

Or, le fait majeur de ce nouvel épisode de Nicolas Le Floch réside pour moi dans une amélioration notable de ces petites maladresses. Je pense que l’auteur affûte de plus en plus son style et son métier de romancier, et qu’il a certainement du entendre certaines critiques. En tout cas, j’ai adoré ce bouquin, et c’est certainement le meilleur de la série. Evidemment, Nicolas Le Floch est toujours aussi gastronome, et l’auteur parle encore de cuisine mais avec moins d’insistance et de détails, c’est plus fin. L’histoire aussi est beaucoup plus aboutie et fouillée, avec moins de personnages et une évolution dans l’intrigue plus agathachristiesque ou bien sherlockholmesque ! Faux-semblants et complots internationaux, crimes crapuleux et crimes politiques, sévices sexuels et hommes protégés par de hautes instances…

Nicolas Le Floch est plus ou moins mis à l’index depuis l’avènement de M. Le Noir au poste de Sartine. Mais le Duc de La Vrillière en personne, ministre du roi, fait appel aux services du commissaire afin de savoir qui a assassiné une de ses femmes de chambre dans son hôtel de Saint-Florentin. C’est alors que Nicolas met le pied dans une histoire bien plus complexe où il se retrouve de nouveau à servir directement le roi. D’autres crimes surviennent et compliquent encore l’affaire.

On retrouve tous les personnages secondaires qui me sont à présent bien familiers : Monsieur de Noblecourt, l’inspecteur Bourdeau, Catherine, le fils de Nicolas aussi qui a grandi, La Satin, Semacgus le chirurgien de marine, Sartine et sa folie des perruques etc. Les anecdotes historiques fleurissent à chaque page et c’est encore un vrai régal pour qui est un peu curieux de cette époque. L’auteur est aussi un peu moins candide qu’à son habitude dans ses personnages qui étaient un peu trop « gentils-parfaits » pour l’époque. Et notamment, la visite de l’hôpital de Bicêtre qui est difficilement soutenable avec sa « spécialité » des maladies vénériennes (et les traitements de l’époque) et des lieux d’internement d’aliénés ou de gens considérés comme tels par des parents (et qui le deviennent à fréquenter l’endroit).

Encore une fois, donc, un livre dans lequel je me suis plongé avec un vrai plaisir. L’univers qu’il décrit parait si proche (Nicolas habite le quartier Montorgueil !) et si lointain (que de bouleversement en quelques deux siècles) que cela en donne le vertige. On expérimente avec bonheur le charme désuet de ce 18e siècle qui augure bien des « revolutions » à venir.

Le crime de l'hôtel Saint-Florentin - Jean-François Parot

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  • Merci beaucoup pour cette présentation très complète qui m’a donné envie de découvrir cet écrivain…lequel semble marcher sur les pas de Robert Merle et de sa saga “Fortune de France”

  • Drôle, j’etais un peu inquiet au début de ton texte, car moi c qui me ravit chez ton “petit commissaire” – que j’ai toujours imaginé, grand brun bien foutu, epaules larges, hanches etroites…- c’est son goût pour les bonnes choses, les belles choses, le belle amitié et son plaisir à nous promener dans un Paris étrange- i.e.lointain pour nous -. J’aime l’odeur des diners chez Mr de Noblecourt, et les mines réjouies et impatientes des convives. Je trouve d’ailleurs que tous ses livres sont parcourues d’odeurs, certaines joyeuses et bonnes – le corps de sa belle maitresse mère de son fils – d’autres mortifères – les ecènes de dissection avec le bourreau de Paris – en voilà un personnage étrange et à l’étonnante personnalité – Les odeurs de charniers des suppliciers, les odeurs de la vie quotidienne dans Paris – les teinturiers de la Bièvre. Voilà ce qui me plait chez Parrot, et tant pis si l’intrigue n’est pas si bien ficelée!

  • Coïncidence ! Je viens de terminer “Le crime de l’hôtel Saint-Florentin” hier soir (ou plutôt très tôt ce matin…)et je tombe sur ce blog lors d’une recherche sur le Duc de La Vrillière sur le Net. Pour avoir travaillé sur l’époque et sur La Vrillière pendant mes études, j’avoue prendre un plaisir rare à lire ces romans (j’ai dévoré les 5 cet été). J’ai jeté un coup d’oeil à la critique peu amène (lien dans le blog)avant de lire la suite. Non ! les descriptions gastronomiques ne sont pas de trop ! Elles sont au contraire jubilatoires ! Et j’adhère complètement aux propos qui suivent dans le blog, au sujet des ordeurs par exemple. Certes, les dénouements sont parfois un peu décevants (et c’est vrai que Parot s’améliore …) mais sont-ils essentiels ? Parot nous donne à voir, à humer même ce 18e siècle si passionnant avec un tel réalisme que l’histoire en devient presque secondaire ! Du coup (et c’est la cause de ma présence ici), j’ai eu envie d’images de ce Paris et j’ai replongé avec délectation dans les tableaux de Chardin (certes un peu anciens par rapport à l’époque où Parot situe son héro mais dont l’atmosphère corespond bien, à mon avis). Voilà, c’est juste un petit mot pour dire mon plaisir encore tout chaud !

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