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Pectus est quod disertos facit. ∼ Pédéblogueur depuis 2003 (178 av LLM).

Impuretés

J’avais été agréablement conquis par l’écriture de Philippe Djian, et sur les conseils de M., je me suis procuré son dernier roman qui avait l’air d’être pas mal.

Le roman se passe dans quartier plutôt chic et huppé sur une colline où tout le monde se connaît et se fréquente. Une famille relativement en vue, avec la mère star de cinéma sur le retour, et le père écrivain qui n’a rien écrit depuis vingt ans et surtout ancien junky, vit un drame qui ébranle la communauté. Leur fille Lisa est morte (plus ou moins défoncée après une soirée) noyée dans un lac, et leur fils de quatorze ans, Evy a assisté impuissant à la scène. Ce dernier complètement mutique et mystérieux serait peut-être responsable de la mort de sa soeur, mais rien n’est certain.

On suit donc par la plume d’un étrange narrateur les événements qui suivent ce drame (quelques mois après à priori) et la manière dont les uns et les autres parviennent à surmonter cette mort prématurée. En fait, elle met à jour des secrets et des tensions, des relations sur le fil du rasoir se délitent alors complètement, ou bien les jolis visages bourgeois et policés apparaissent avec leurs « impuretés », leurs violences et leurs souffrances aussi. Et l’on découvre, dans cet écrin de colline « hollywoodienne » une communauté rongée par les vices, et dont les générations sont toutes en crise. Ainsi que ce soit les parents, les enfants ou les grands-parents, tous sont en proie à des crises existentielles, une sexualité débridée, une consommation de drogue et de médicaments et des relations familiales destructrices et déstructurantes.

Joli programme non ?

Je qualifie le narrateur d’étrange car j’ai été surpris de cette manière de procéder de l’auteur, et à aucun moment n’est révélé le fin mot de l’histoire. En effet, la narration a tout à fait l’air d’être le fait de l’écrivain, et complètement objective, mais il y a quelques petits bouts de phrase qui font comprendre que le narrateur est plus impliqué que cela dans l’histoire. Ainsi à 6 ou 7 reprises seulement, le narrateur ajoute un petit bout de phrase qui l’implique « personnellement » dans le déroulement de l’histoire. Par exemple, lorsque quelques personnages sont dans une barque sur le lac, le narrateur ajoute « Et en effet, j’en témoigne, il remonta de la planque […] », alors qu’aucun des protagonistes n’est à priori le narrateur (qui sont tous appelés « il » ou « elle » dans le reste du roman). A aucun moment, on ne découvre donc qui est ce mystérieux protagoniste. Je reste donc avec mon mystère à ce sujet…

Le bouquin se concentre sur ce jeune ado Evy, qu’on découvre à la fois fragile et décidé. La perte de sa soeur est un terrible choc, mais aussi une sorte de nouveau départ où le garçon doit assumer un nouveau rôle dans la famille, ses amis, l’entourage de sa soeur, mais aussi les insinuations qui pèsent sur lui. Djian fait de ce héros, un être relativement sain dans cet univers pourri où le sexe semble tous les rendre fous et pervers, et où tous les gens sont plus ou moins dépendants d’une substance. Evy essaie de rester « pur » et de ne pas céder aux moeurs corrompues qui l’entourent (sa mère se fait sauter par son producteur, son père drague sa petite-amie etc.).

L’écriture de Philippe Djian est toujours aussi incroyable, et je suis très admiratif de son style, de son français classe et moderne. Ce qui change, c’est probablement la manière dont il use beaucoup plus de la vulgarité dans ses dialogues et ses descriptions, il dépeint ainsi avec un réalisme et crudité les joutes sexuelles banales des uns et des autres. Cela surprend parfois un peu dans les phrases d’un auteur qui manie si bien la plume, mais donne aussi beaucoup de force à son récit.

J’ai été rapidement pris dans l’histoire qui se joue à la fois dans un récit pur (il raconte vraiment quelque chose avec une intrigue et des péripéties) et dans les descriptions des moeurs, des personnages et des relations psychologiques qui les lient. Ce n’est pas un bouquin optimiste, mais pas non plus un truc dont on ressort spécialement déprimé, il s’agit plutôt d’un couvercle levé sur un petit monde de paillettes et de strass, et dont l’expression « miroir aux alouettes » convient plus que jamais.

Philippe Djian - Impuretés

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  • je suis tout à fait d’accord avec la description que tu fais du style de djian, j’ai cependant jamais pu accrocher ni avec sa vulgarité ni avec le fait que ses bouquins soient remplis de scènes intimes particulièrement détaillées .. et pourtant je suis loin d’une sainte nitouche .. mais je trouve son écriture malsaine

  • ça m’a l’air très intéressant, en tout cas tu m’as donné envie de lire ce livre, je vais donc noter le titre…je reviendrai pour te dire ce que j’en ai pensé !

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