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Pectus est quod disertos facit. ∼ Pédéblogueur depuis 2003 (178 av LLM).

20 centimètres

Lorsqu’on vend un film dont la filiation à un réalisateur ou à un style est aussi forte et évidente, on peut facilement tomber dans une impasse. Soit on trouve que le film est un pale succédané de son illustre modèle et on est déçu, soit on peut même être choqué d’avoir été berné par un tel rapprochement, ou bien on peut-être conquis par une oeuvre qui prend le meilleur de ses prédécesseurs tout en y ajoutant sa propre originalité.

J’avais entendu et lu le rapprochement manifeste entre ce film et les anciennes oeuvres d’Almodovar, ce qui n’est pas une mince assertion. Et quand on parle des premières oeuvres, il s’agit donc des plus choquantes et jubilatoires, celles sous le signe de la movida et des ambiguïtés sexuelles hautes en couleur. En effet, j’ai retrouvé dans « 20 centimètres » une partie des qualités d’Almodovar, avec une énergie passionnée, le mélange et la confusion des genres et des rôles sexuels, un humour aussi décapant que potache, une tendresse absolue envers ses personnages et des dialogues incisifs. Mais Ramon Salazar n’a pas non plus la maîtrise d’Almodovar, son film distille quelques maladresses qui finissent un peu par grever le récit, et même si la forme est sympathique, le fond manque un peu de substance. L’épaisseur psychologique des personnages n’est pas autant travaillée et révélée par la mise en scène.

Mais il faut avouer que c’est un joli coup. Le film est résolument drôle et ses comédiens ont l’air de s’en donner à coeur joie. Et puis l’idée de base est parfaite. Marieta est une transsexuelle (narcoleptique !!) qui se prostitue afin de payer l’opération qui la privera enfin de son sexe d’homme. Or le titre du film qui est aussi la taille de son sexe est un des facteurs qui la rendent particulièrement attractive auprès de ses clients, mais qui, elle, la traumatise encore plus. On suit quelques étapes de la vie de Marieta avant qu’elle ne subisse son opération : ses derniers doutes, quelques rencontres et picaresques aventures aux « pays des trans madrilènes ».

Le film s’attaque aux difficiles et complexes conditions de vie des trans, mais en profite aussi pour évoquer d’autres différences telles que celle du colocataire de Marieta qui est un nain (charmant !) qu’elle a pris sous son aile, et avec qui elle a une relation assez passionnelle. Il y a les autres trans du coin, celles du trottoir, celles de son immeuble, et c’est l’occasion de joutes verbales dont les insultes sont toujours très imagées. Il y a aussi la grosse voisine qui est une amie, et dont Marieta garde souvent le fils. L’auteur insiste beaucoup sur la fascination qu’exerce transsexualité, et encore plus le gigantesque engin de Marieta. D’ailleurs, la rencontre amoureuse d’un livreur de fruits et légumes du marché, à côté le livreur de la pub Coca est un petit joueur, donne lieu à quelques retournements de situation ironiques.

L’ennui est qu’une fois que les bases de l’histoire sont posées, on n’est pas surpris de ce qui arrive du début à la fin. Et du coup, cela donne une narration assez convenue. Agréable mais pas aussi ébouriffante que le sujet pouvait le laisser présager. Le réalisateur a pourtant rajouté à son film un élément original : les nombreuses crises de narcolepsie de Marieta sont l’occasion de rentrer dans son subconscient. On a alors droit à des mini-clips de comédie musicale où elle chante des tubes tout en jouant à « West Side Story » avec les autres comédien(ne)s. Ces moments sont plutôt réussis et entraînants, mais un peu long ou alors trop nombreux (5 ou 6 fois je crois). Le film s’étire alors en longueur assez inutilement et s’essouffle malgré toute sa bonne volonté.

A noter : une Rossi de Palma toujours aussi fabuleuse. Je suis totalement fan de cette actrice à la gueule extraordinaire, à la classe unique et dont le jeu me convainc toujours.

Il s’agit clairement d’un film queer, et qui plaira donc à un public pédé. Il y manque un truc pour moi, un truc qui aurait pu l’élever un peu et lui donner plus de teneur et de consistance. Mais j’ai tout de même passé un très bon moment, j’ai retrouvé avec bonheur des vues familières de Madrid et j’ai aimé l’histoire de cette femme en devenir avec son problème tragicomique de taille de bite démesurée, ainsi que ces personnages truculents et l’univers almodovarien.

20 centimètres

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