MatooBlog

Pectus est quod disertos facit. ∼ Pédéblogueur depuis 2003 (178 av LLM).

Maurice

J’y repense depuis quelques jours, et il fallait bien que j’en poste au moins ces lignes…

Voilà un roman d’un auteur anglais des plus classiques et traditionnels, E.M. Forster, mais un roman qui s’inspirant de sa propre histoire, raconte une idylle de jeunesse avec un jeune garçon de son âge. Un roman qui fut écrit en 1914, et seulement publié en 1971 (après la mort de son auteur). Terriblement bien écrit, ce bouquin a été une vraie révélation pour moi.

Il y a dans ce bouquin ces deux passages, les dernières lignes du chapitre X et les premières du chapitre XI, qui s’enchaînent logiquement mais dont la séparation marque une évolution. Ils m’ont littéralement bouleversé la première fois que je les ai lus, et encore aujourd’hui ils me filent des frissons. D’abord le traumatisme de la lucidité qui vient comme une gifle énorme, et puis le soulagement et la force issus de la vérité et de la connaissance de soi, enfin.

Maurice rejette un ami avec lequel il a une relation plutôt ambiguë. L’autre, du coup, se terre dans le mutisme, et Maurice réalise alors la véritable nature des sentiments pour son ami. Un véritable choc…

Il avait vécu dans le mensonge. Ou plutôt il avait vécu de mensonges. Les mensonges sont la pâture habituelle de la jeunesse, et il s’en était nourri avidement. Il vivrait loyalement, même si personne désormais n’en avait cure, simplement pour la beauté de la chose. Il essayerait de ne plus se mentir à lui-même. Il ne prétendrait plus – pour commencer – qu’il était attiré par les femmes, alors que seuls les hommes l’attiraient. Il n’aimait et n’avait jamais aimé que les hommes. Maintenant qu’il avait perdu celui qui partageait son amour, il l’admettait enfin.

Et puis, une fois qu’il accepte la réalité, qu’il se réconcilie avec lui-même, il peut voir les choses autrement, et enfin vivre.

Après cette crise, Maurice devint un homme. Jusque-là – si tant est qu’on puisse évaluer les êtres humains -, il n’avait jamais été digne d’affection : il était conventionnel, mesquin, déloyal avec les autres parce qu’il l’était avec lui-même. Il avait maintenant à offrir ce qu’il y a de plus précieux. L’idéalisme et la sensualité entre lesquelles il se débattait, adolescent, s’étaient finalement fondus en un tout harmonieux et transformés en amour. Personne ne voudrait peut-être d’un tel amour, mais il ne pouvait en avoir honte, parce que cet amour c’était « lui », ni son corps ni son âme, mais tout son être qui s’exprimait à travers l’un et l’autre. Il souffrait encore et pourtant un sentiment de triomphe se faisait lentement jour en lui. La douleur lui avait révélé un lieu au-delà des jugements de la société où trouver un refuge.

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  • “un roman qui s’inspirant de sa propre histoire, raconte une idylle” – magnifique anacoluthe!!! :boulet: j’ai envie de te taquiner ce matin… je partage cette tendresse pour ce roman porte a l’ecran avec Hugh Grant quand il etait encore supportable :berk: … Allez, sans rancune, :salut: d’Alsace. Bises, N.

  • Tu devrais relire “confessions d’un masque” de Mishima… Les anglais sont vraiment trop obsédés par les conventions sociales pour savoir véritablement décripter l’âme humaine. Quant à Hugues Grant, il est à Rupert Everett ce que le mousseux intermarché est au champagne millésimé :pleure:. Tu fais un revival ado en relisant ce genre de bouquins ?

  • Et puis bizntôt sur les écrans européens la version cow boy de Maurice: Brokeback Mountain, d’Ang lee. On ira pas voir celui là ensemble Matoo, mais je serais quand même bien curieux de savoir ce que tu en penseras.

  • J’étais allé voir le film avec un (très beau) petit ami il y plus de dix ans. A la fin, il me dit, dommage que cela se termine aussi mal ! Il avait vu l’aspect social et trouvait affreux que Maurice partît avec un garde chasse. Evidemment, je trouve que le happy end est merveilleux (j’aime bien l’aspect économique aussi étant plutôt libéral, Maurice dit, je suis jeune travailleur etc. partons en Amérique).

    C’est fou comme les jugements moraux sont irréconciliables alors qu’ils nous donnent l’impression d’une objectivité et d’une nécessité absolue. Sur le coup, j’ai été vraiment dégoûté par ce petit ami tout en me réconciliant grâce à … non non : ô faiblesses de l’esthète ravi par le spectacle du beau, hélas :-) .

  • Ouèpe… n’empêche que James Wilby vient régulièrement hanter certaines nuits de solitude… Et voilà quand le tandem Merchant & Ivory donne dans le mielleux! Quant au bouquin, un vrai cataclysme. Un des rares bouquins que j’ai dévoré en une journée.

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