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Pectus est quod disertos facit. ∼ Pédéblogueur depuis 2003 (178 av LLM).

Champsecret

J’avais découvert Gilles Leroy au hasard d’une table couverte de bouquins, et j’avais été conquis par « Grandir ». J’avais été particulièrement stupéfait de trouver chez cet auteur la parfaite symbiose (à mon avis) entre ce que j’aimais dans la littérature américaine (le sens de la narration, l’épaisseur psychologique des personnages, les nombreux dialogues) et la littérature française (le style, la plume, les métaphores alambiquées, l’aphorisme enlevé, la poésie du langage et un brin de névrose qui trahit son auteur). Ajoutez à cela une de ces sagas familiales avec un personnage homo, et j’avais évidemment accroché. Malgré quelques faiblesses, je retenais avant tout une écriture fascinante.

Ce nouveau roman de Gilles Leroy ne ressemble pas du tout au précédent. Dans le fond comme dans la forme, et pourtant c’est cette même écriture, ce style brillant, ces sentiments exacerbés qui m’ont fait le lire avec autant d’avidité et de délectation. Ce n’est pas vraiment un roman puisque le narrateur (et le héros) est un écrivain qui s’appelle Gilles Leroy, et qui vit à la campagne, dans un endroit reculé : « Champsecret ». Ce dernier compose son livre sous forme d’entrées de journal (ou de blog ?), et nous découvre ainsi une année de son existence d’auteur. Mais ce n’est pas non plus un récit purement autobiographique. Il s’agit donc d’une sorte de fiction réaliste (ou une réalité fictionnelle, bref un roman en oxymoron), je suppose, qui permet de rentrer dans l’imaginaire, le bestiaire et l’univers d’un auteur qui ressemble beaucoup à Gilles Leroy. Un jardin secret et un jardin bien réel aussi qui sont au centre du roman, et dans lesquels l’auteur puise son inspiration.

Et à 48 ans, il ne doit pas être trop mal le sieur Leroy parce qu’il s’envoie tout de même un nombre considérable de jeunots du coin ! Il décrit bien la misère sexuelle des types du genre « honteuses » avec qui il s’envoie en l’air mais sans que jamais les autres n’affirment leur homosexualité. Rien à voir cependant avec des rapports comme ceux que l’on peut lire dans « Autobiographie érotique » de Benderson, on sent que les rencontres que fait le narrateur de « Champsecret » sont plus naturelles, inopinées et presque fortuites.

On lit donc dans ce roman sous forme de courtes entrées de journal, ce qui arrive dans la vie de cet écrivain parisien, retiré à la campagne. Il précise les mois, et ensuite on a des mentions éparses de jour de la semaine, parfois des dates, parfois même des moments non datés. J’ai beaucoup aimé la forme car c’est un mélange très intéressant entre une concision et un résumé factuel qui sied au journal, mais avec des digressions, réflexions et parfois une préciosité de langage qui sont beaucoup plus du fait de l’auteur. Cela donne un récit plutôt digeste et agréable à lire, d’autant plus qu’une structure narrative se dégage de l’ensemble avec une succession d’intrigues qui dirige l’attention du lecteur.

Ainsi plusieurs parties se dessinent avec des protagonistes comme le meilleur ami un peu zarbe, ou bien l’amie atteinte du cancer qui va mourir alors que ses pièces ont été des échecs (j’ai vraiment été touché par cette « histoire ») et bien sûr les garçons qui passent dans son lit pour un moment ou plus. Et puis il y a Zach qui revient tout au long du roman, et dont la relation prend la forme d’épisodes qui ne sont que des revers successifs, mais dont on sent l’attachement affectif et la sincérité de certains sentiments. Malgré tout, rien de solide ou de tangible dans ces relations « amoureuses »… et ça, ça m’a plutôt mis le moral en berne.

J’ai beaucoup aimé la petite dizaine de fois où l’auteur révèle les lapsus calami qui ont émaillé son manuscrit. On découvre alors quelques erreurs dont la portée psychologique n’est peut-être pas évidente, mais qui rend les faiblesses de l’écrivain encore plus attachantes. (Et il ya encore tant à dire… sur le titre du roman en lui-même ou les titres des différentes parties…)

Bref, je confirme avec ce livre, l’admiration que j’ai pour le style de Gilles Leroy. Quelle écriture… J’ai flâné dans son jardin avec beaucoup de plaisir, et j’ai découvert un peu plus l’homme en filigrane de l’écrivain (ou peut-être est-ce simplement l’illusoire impression qu’il veut donner à son lecteur). Mais encore une fois, quelle écriture, quelle écriture !

Champsecret - Gilles Leroy

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  • Hum, ça donne assez envie comme critique. Cadoit quand même assez frustant d’avoir la forme d’un journalmais qui ne s’étale que sur une année. Je suppose qu’il y a un évènement clé au début et un autre à la fin pour fermer le livre ou alors ça s’arrête brutalement?
    Ce serait gentil de nous dire si c’est du poche ou pas SVP Mr le Matoo :lol:, parce que bon, on est quelques uns à être des pauvresses sans le sou….:help:

  • Xavier> Ce n’est pas du poche, c’est sorti y’a pas très longtemps (tu cherches sur n’importe quel site de vente en ligne et t’as la réponse, nan mais oh ! :mrgreen:).

  • Sorti le 22 août dernier. Possible qu’il soit adapté en poche d’ici six mois… Sinon il est certainement disponible en bibliothèque gratuitement (pour les gens que ça ne gêne pas hein… ^^;)

    Content que tu aies aimé ‘Champsecret’, j’ai retrouvé dans ta critique ce que j’avais ressenti lors de ma lecture. Ce mec écrit divinement bien.

  • Je me suis permis d’utiliser une partie de votre analyse de ce bouquin sur mon blog. M’autorisez-vous à le publier et dans ce cas, voulez -vous que je cite les références du votre?
    Cordialement.H.Mesquida.

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