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Pectus est quod disertos facit. ∼ Pédéblogueur depuis 2003 (178 av LLM).

« Le Joueur d’Echecs » à l'Espace Marais

J’ai découvert cette nouvelle de Stefan Zweig comme à peu près tout le monde je pense, c’est-à-dire au lycée en cours de français. Le « Joueur d’Echecs » fut un de mes premiers « chocs » littéraire, et j’en garde un souvenir particulier. J’avais été frappé par la force du récit, et stupéfait par une telle ampleur déliée en si peu de pages. Je tombais alors amoureux du style, du ton et de la plume de Zweig que depuis j’ai dévoré dans tous ses écrits. Cette fois-ci, il s’agit d’une pièce qui est adaptée de cette célèbre nouvelle de l’auteur autrichien et que j’ai vue au théâtre « Espace Marais ».

L’endroit est un peu particulier, il s’agit d’un de ces petits théâtres parisiens à l’équipement un peu sommaire, sans rideau, sans scène non plus puisque les comédiens jouent à même le parterre. Avec peu de moyens, mais d’habiles subterfuges, le lieu est correctement « déguisé », et au final on rentre complètement dans l’ambiance de la pièce. Tout cela grâce à quelques fumigènes, une bande sonore qui exprime à la fois l’époque (Lili Marlène de Dietrich) et la situation (sirène de bateau, vagues). On se croit sur un paquebot qui fait route vers l’Argentine… De plus une passerelle en hauteur avec des échelles figurent une coursive avec beaucoup de réalisme, et ajoute à l’artifice pour nous isoler sur ce navire avec nos protagonistes.

Nos protagonistes justement : il y a principalement le narrateur autrichien, le champion du monde d’échec hongrois, le richissime écossais et le fameux joueur d’échec autrichien aussi. Le narrateur apprend que le champion du monde d’échec est sur le navire. Il veut absolument lui parler. Pour cela, il utilise l’amour-propre d’un écossais fortuné et un peu benêt pour payer le champion hongrois, et au comportement caractériel, afin qu’il se mesure à eux aux échecs. Le champion accepte pour l’argent mais les dédaigne complètement. C’est alors que débarque un passage mystérieux, à l’accent autrichien, qui les conseille sur la stratégie de jeu à adopter, une tactique qui s’avère gagnante. L’homme semble un génie des échecs, un génie anonyme… Le narrateur le prend à part et apprend sa curieuse histoire, et son rapport extraordinaire au jeu d’échec. Le champion est piqué dans son orgueil, et cette fois c’est lui qui demande une autre partie…

La pièce suit parfaitement l’ordre du bouquin, et Zweig écrivant beaucoup de dialogues et mettant en scène correctement ses personnages, on n’est vraiment pas dépaysé ou dérouté si l’on a lu le livre. Au bout d’un moment, pris par les personnages, par l’ambiance et par les dialogues, on se pense dans un film. L’impression est remarquable et très agréable. De plus, les passages de flash-back du joueur sont très bien mis en scène, et par des jeux de lumière et de comédie deviennent limpides et fluides. La tension monte puis vient à son comble, et en tant que spectateur on a vraiment la chair de poule. Le côté palpitant, la tachycardie de l’histoire, qui va crescendo, fonctionne terriblement bien dans cette interprétation.

Après je ne suis pas dithyrambique sur les comédiens, comme j’avais par exemple pu l’être pour les deux acteurs de « Inconnu à cette adresse ». Il n’en reste pas moins que c’était tout à fait honorable, et que ça valait largement le coup. Mais le rôle du champion hongrois par exemple m’est apparu surjoué et trop caricatural (dans les mimiques surtout). Les deux autrichiens, piliers de la pièce, s’en tirent vraiment très bien et, malgré quelques maladresses, m’ont largement convaincu. La mise en scène est enlevée et assez adroite, elle n’a rien d’extraordinaire, mais elle est à saluer dans son énergie et sa manière de correctement servir et mettre en valeur le texte.

Cela m’a vraiment fait plaisir de voir une pièce tirée cette nouvelle que j’aime tant, et il est tellement facile de trahir un texte, que j’applaudis d’autant plus cette entreprise. Là, ces comédiens au contraire illustrent à merveille tout ce que j’ai pu ressentir (et trembler d’effroi) à la lecture du bouquin, qualité première de ce spectacle.

Le Joueur d'Echecs de Stefan Zweig à l'Espace Marais

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  • (quelques difficultés pour accéder à ton blog, ton serveur rame un peu, apparemment)

    J’ai découvert Stephan Zweig vers mes 18 ans, après qu’un de mes premiers amants, un prof de philo, m’ait offert “La Confusion des Sentiments” pour m’aider à comprendre ses sentiments à lui. Cela m’avait bouleversé (et aussi effrayé, je dois le dire).

    En tout cas, c’est fou le nombre de gens que je connais et qui ont découvert cet auteur au lycée. Je ne comprends pas pourquoi je ne l’ai pas étudié à l’époque. “La Confusion des Sentiments” ou “Les Vingt-Quatre Heures de la Vie d’une Femme”, c’est quand même terriblement contemporain et aurait pu susciter l’intérêt de nombre d’élèves.

  • Ah oui, du coup, ça me fait penser ce que je voulais remarquer et que j’ai oublié de dire. Une petite coquille : “mais elle est à saluée” => “mais elle est à saluer”.
    (tu peux effacer ce commentaire après avoir fait la modif, mon Matoo)

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