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Pectus est quod disertos facit. ∼ Pédéblogueur depuis 2003 (178 av LLM).

« Candide » de Leonard Bernstein au théâtre du Châtelet

Non seulement c’était bien, mais en plus c’était très bien ! Aucun des prosélytes lyriques ne s’attendait à un spectacle d’une telle qualité, tant dans la prouesse originale de Bernstein, que dans la mise en scène fabuleuse de Robert Carsen.

Cette oeuvre date de 1956 (50 balais donc !) et est très difficile à classer. En effet, on dirait bien une opérette, mais dotées de quelques airs opératiques, et puis une musique et des chorégraphies qui tendent vers la comédie musicale, et un rôle parlé pour Voltaire, narrateur du spectacle. La musique parait à la fois trop « écrite » pour passer pour de la comédie musicale, ou pour donner des airs populaires, et pourtant les accents de jazz et le « Glitter and be gay » en font un OVNI qui nous a accroché dès les premiers instants. Il y a aussi ce ton terrible qui scande l’ensemble de l’histoire, une irrévérence et des propos iconoclastes qui contrastaient terriblement avec les airs empesés du public. Fabuleux !

Car le « Candide » de Bernstein paraît bien éloigné de Voltaire (au moins de deux cents ans) à première vue, et au final c’est tout le contraire. Tout en le situant dans les années 50, tout en évoquant des situations contemporaines, l’auteur est d’une extraordinaire fidélité aux évocations voltairiennes. Il nous parle de tolérance, il montre les politiques dans toute leur tartufferie et ignominie, et il égratigne au passage bien des dogmes et préjugés de l’époque (raciaux, sexuels, sociaux… en passant par le Maccarthysme).

Bon bah tant pis, ne classons pas donc ! Apparemment c’est cette position médiane ou trouble qui avait fait d’un bide cette opérette à l’époque. Mais aujourd’hui, et servie par une mise en scène pareille, je pense que le spectacle a de quoi, au contraire, ravir un public large et ouvert d’esprit. Néanmoins, je comprends le danger de ne plaire alors à personne pour les mêmes raisons !

Robert Carsen joue a fond sur la thématique des années 50 pour les décors, et on se retrouve donc à regarder une scène transformée en un gigantesque écran de télévision cathodique. On a donc d’abord droit à un générique tout droit sorti de « Ma Sorcière bien-aimée », et un Voltaire qui nous indique le premier acte en nous faisant UN DOIGT D’HONNEUR ! Cela donne le ton de ce qui va suivre…

Nous sommes en « West-failure » (Westphalie) et le château du Royaume n’est autre que la « Maison Blanche ». Voltaire en personne nous explique (en français) que Candide est élevé avec un couple de frère et soeur nantis (Maximilian et Cunégonde), et suite à une idylle naissante avec la frangine, il se retrouve chassé de son petit monde. Leur précepteur, le Dr Pangloss, leur avait appris que « tout allait bien dans le meilleur des mondes ». De catastrophes en catastrophes, Candide va expérimenter cette maxime ainsi que le monde, moins ingénu que lui, qui l’entoure.

C’est une occasion pour Bernstein, comme Voltaire avant lui avec son roman, de critiquer et de faire un portrait au vitriol de l’Amérique de son époque. Et avec Robert Carsen, cela va encore plus loin, en nous livrant certaines scènes dignes de « South Park » (notamment une farandole d’adeptes du Ku Klux Klan qui pendent des juifs communistes tout en chantant et dansant gaiement) dans l’ironie grinçante et l’humour noir. Et puis voir les notables que rencontre Candide en Chirac, Berlusconi, Blair, Bush et Poutine, il fallait la faire ! Cunégonde endosse la panoplie « Marilyn Monroe » pour « Glitter and be gay » qui m’a marqué. Et dans tout cela pas une faute de goût, un rythme soutenu, un spectacle qui alterne moments plus graves, bouffonneries et lyrisme amoureux avec beaucoup de talent.

Bon par contre, je dois avouer que je ne suis pas fan des chanteurs avec micros, comme Kozlika le souligne aussi. Lorsque je vais entendre et voir une opérette dans un théâtre, j’aime que les voix soient assez puissantes et justes pour être « librement émises ». Là les microphones réduisent un peu l’émotion ou l’authenticité des paroles (en plus des couacs techniques). Dommage. Mais Candide, Cunégonde ou la Vieille étaient vraiment très bon, et Lambert Wilson n’est même pas mauvais (mais pas non plus sensationnel). Il y a aussi un côté comédie musicale new-yorkaise indéniable dans les chorégraphies et le jeu avec les décors qui donne beaucoup d’énergie et de vie à l’histoire.

Et puis toute cette irrévérence et ces pieds de nez à la bienséance, forcément ça me parle, et ça me plait !

L’avis de la copine : Kozlika.

« Candide » de Leonard Bernstein au théâtre du Châtelet

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