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Pectus est quod disertos facit. ∼ Pédéblogueur depuis 2003 (178 av LLM).

« Jeffrey » au Théâtre Clavel

« Jeffrey » c’est une pièce qui a eu un grand succès à New York, et qui a été adaptée en film en 1994. C’est donc comme cela que je l’ai découvert ce « Jeffrey », un peu comme « Torch Song Trilogy » ou bien « Love ! Valour ! Compassion ! ». D’ailleurs, c’est le même auteur qui a signé les adaptations françaises de « Jeffrey » et de la version de « Torch Song Trilogy » que j’avais vue, Christian Bordeleau. Je trouve un sacré talent à ce type du coup pour ces adaptations tant en terme de texte que de mise en scène. Il s’agit de deux bons spectacles, même si « Jeffrey » ne m’a pas fait une aussi bonne impression.

Ces pièces dont je parle sont des oeuvres qui se focalisent à 100% sur la communauté gay, et qui sont extrêmement datées, il est donc assez difficile de les appréhender aujourd’hui avec le même regard qu’il y a dix ou quinze ans, car il s’est passé tellement de choses depuis. « Jeffrey » date de 1993, dans une période assez spéciale d’émancipation des homosexuels, une ère dont on saisit aujourd’hui les véritables évolutions morales de la société, et en même temps un moment charnière de l’épidémie de Sida. Ces quelques années, 1992-1995, très particulières, que j’ai à peine connu en tant que pédé (j’ai vaguement fréquenté le Queen en 1994-1995, puis vraiment le milieu gay en 1996), qui ont vu l’émergence des nouvelles thérapies (et surtout la trithérapie en 1995-96).

La pièce « Jeffrey » traite précisément de la peur du Sida chez son héros éponyme, un jeune comédien-loseur new-yorkais, serveur pour se faire de la thune. Ce dernier aime le sexe, mais il a tellement peur de la maladie et des déconvenues amoureuses qui en découlent, qu’il décide un jour de devenir chaste. No Sex ! Evidemment, alors qu’il a l’idée d’aller faire du sport pour compenser, il tombe sur un superbe mec qui le drague éhontément, Stéphane. Alors qu’il va céder à la tentation, Stéphane lui apprend qu’il est séropositif. Jeffrey prend peur, puis décide de ne pas donner suite. La pièce est alors une succession de rencontres et de saynètes qui confrontent Jeffrey avec ses peurs, ses fantasmes, ses désirs, ses aspirations et son choix de vie.

Le film n’avait pas eu une très bonne presse, mais moi je l’avais vraiment bien aimé. Ce film me parlait carrément, et c’est toujours le cas. Aujourd’hui le truc c’est que ça a drôlement vieilli, et que certaines lourdeurs ne passent plus très bien. Donc d’un point de vue formel, je trouve que l’adaptation française de Christian Bordeleau est excellente, mais je regrette qu’elle n’ait pas été dépoussiérée et expurgée de quelques moments longuets ou carrément superfétatoires. La scène avec le curé par exemple ne passe vraiment pas, et ne rime à rien. Celle où il se fait casser la gueule aussi, manque un peu de lien avec le reste (et dommage, Mère Thérésa revient normalement à ce moment dans le film) etc.

Donc quelques moments un peu chiants et qui alourdissent un peu la narration. Mais globalement, le spectacle est bon parce qu’il repose sur une histoire qui accroche, et surtout est servi par de très bons comédiens. Jeffrey (Julien Baptist) surtout m’a vraiment bluffé. Ce garçon est extraordinaire dans le rôle, et je lui ai trouvé un vrai talent. Sa prestance, sa voix et son jeu qui est tout en nuance et qui suit bien les évolutions du personnage, lui donnent une crédibilité qui porte vraiment le spectacle. Il est très conforme au Jeffrey original, tandis que Samuel Ganes (Stéphane) s’approprie plus le rôle, et avec pas mal de bonheur. Les seconds rôles sont à saluer, les mecs jouent pas mal de personnages et alternent facilement dans des profils vraiment divers, passant du rire au drame… Et puis, l’unique personnage féminin de la pièce, qui joue donc toutes les femmes, Emilie Coiteux, est géniale. Sacrée nana qui donne une énergie folle dans toutes ses interprétations, et qui est un pilier incontestable du show.

La mise en scène est très efficace, elle enchaîne avec beaucoup de fluidité et naturellement, des dialogues (parfois un peu laborieux, comme je l’indiquais) et des chorégraphies, des sortes de sketchs queers assez drolatiques, ainsi que des visions de Jeffrey plus ou moins fantasmées ou oniriques. On joue sur le répertoire de la folle tordue, de la culture et des moeurs gays, et forcément l’auditoire s’y identifie. Du coup, on est vraiment dans le produit très orienté, alors que « Torch Song Trilogy » distillait pour moi un plus grand (et salutaire) oecuménisme.

Donc globalement, un spectacle sympathique, bien joué, dynamique et rythmé, mais avec pas mal de maladresses ou lourdeurs qu’on doit plus reprocher à la pièce elle-même qu’aux comédiens ou à la mise en scène. Au contraire, la pièce vaut vraiment la peine pour les comédiens et ce qu’ils donnent d’eux même pendant le spectacle.

« Jeffrey » au Théâtre Clavel

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