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Pectus est quod disertos facit. ∼ Pédéblogueur depuis 2003 (178 av LLM).

Truismes

Voilà encore un de ces best-sellers que tout le monde a lu, mais qui avait échappé à ma curiosité. On m’a dit qu’il fallait que je corrige cela, et je me suis exécuté, j’ai donc découvert le fameux opus qui a rendu Marie Darrieussecq mondialement célèbre, ou en tout cas mondialement publiée : « Truismes » ! Et c’est dingue comme ce roman m’a tout d’abord bien décontenancé, et au final beaucoup plu, et comme je n’ai pas arrêté de trouver des relations avec des auteurs tout au long de ma lecture.

« Truismes » est un roman fantastique en même temps qu’une fable philosophique ou qu’un libelle féministe, et révèle selon les points de vue bien d’autres formes littéraires. De la même manière que j’ai pu y percevoir et établir des parallèles avec Amélie Nothomb, Paul Auster ou encore Georges Orwell. Le style est particulier parce que l’auteure ne cherche pas spécialement à écrire de la grande littérature mais plutôt de coller à la « réalité » de ses personnages, je lui reconnais aussi un talent tout particulier pour quelques descriptions sensorielles troublantes d’authenticité (on s’y croirait !).

La narratrice du roman est une femme mariée qui trouve du travail dans une parfumerie huppée. Nous sommes dans un univers qui ressemble au nôtre, mais avec quelques distorsions qui pourraient verser dans l’anticipation. Cette jeune femme se retrouve en définitive à se prostituer dans le cadre de son travail, et peu à peu, on comprend qu’elle se métamorphose en truie. Entre des va-et-viens dans ses formes physiques, et des rencontres inopinées, on suit les vicissitudes d’une femme qui essaie de s’en sortir dans la vie, et dans une société qui ne lui fait pas de cadeau.

Le bouquin a une veine résolument « années 90 » et c’est aussi en cela qu’il me fait penser à du Nothomb. Il est très incisif dans sa narration et possède un style « direct » et sans ambages qui donne beaucoup de rythme et d’énergie au récit. Et on retrouve ce personnage féminin ambiguë, ambivalent et en pleine mutation. De même cette société décrite est curieuse et intrigante. Et là j’y ai trouvé du Paul Auster, dans ces castes de gens aux comportements spécieux et aux moeurs barbares, et l’attitude de l’héroïne qui essaie de survivre à la ville (elle est très « Anna Blume » à certains égards). Et puis cette histoire de truie et plus globalement de métamorphose, en plus de la description d’une société légèrement anticipée, m’a furieusement fait penser à la « Ferme des animaux » d’Orwell, ou même à « V pour Vendetta ». Bref, mon esprit a beaucoup vagabondé ! Et j’ai aussi pris beaucoup de plaisir à lire le bouquin.

Si j’ai trouvé que le bouquin faisait bien sa dizaine d’années de publication, c’est aussi un de ces petits défauts. Il fait très daté et appartenant à une mouvance, qui lui donnerait presque un aspect désuet. Heureusement il est aussi doté de qualités qui lui permettent de s’affirmer, et j’ai été sensible à ses charmes. Notamment, comme je l’évoquais plus haut, il y a tous ces passages où l’héroïne, hétaïre involontaire, se « sent » comme une truie. Ils sont diablement bien écrits, et on se surprend à visualiser avec une fascinante acuité les émotions et les sensations de cette femme-cochon. Lorsqu’elle se met à manger des glands ou fouiller la terre pour trouver des racines, et à exprimer ses sentiments face à la nature, le bouquin fonctionne alors à la perfection.

Et puis, il y a ce sympathique traitement au vitriol de notre société phallocrate qui ne passe pas inaperçu. Le roman est indéniablement, et efficacement, une diatribe qui vise à montrer les conditions féminines dans notre civilisation moderne. L’auteure ne mâche pas ses mots, et ses métaphores, en recourant aux descriptions les plus crues et dégradantes. Mais encore une fois, je crois que tout cela fonctionne bien, et le roman à l’avantage de ne pas changer de cap, ou de ne pas se disperser. Cela reste une histoire incroyable, dont on veut connaître le dénouement avec empressement.

Truismes - Marie Darrieussecq

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  • Mouais… J’ai lu ce bouquin il y a des années… Bon, à l’époque, j’étais plus jeune et encore plus inculte qu’aujourd’hui. Je me souviens que le début était très prometteur et puis ça partait dans tous les sens et ça ne voulait pas dire grand chose au final. Je me souviens juste avoir rigolé quand l’un des gardes du corps la regarde en se disant: “Merde, le patron se fait tous les mannequins et nous, on doit se taper les thons” ou un truc dans le genre.

  • Même si ça fait lectrice de Elle, j’avoue adorer Darrieussecq. Truisme je l’avais lu à sa sortie et ça m’avait surpris. En fait tous les romans sont diffèrents, les thèmes peuvent se répéter mais le style assez peu. Moi qui déteste les nouvelles, le recueil “Zoo” m’a séduit pour l’univers qu’on y retrouve.
    SI tu as aimé la description des sensations, “le Mal De Mer” devrait te plaire.

  • pouark, j’ai détesté. Elle essaye de mettre ses lecteurs mal à l’aise, et étrangement, ca a tellement foiré sur moi que j’ai trouvé le roman pathétique et même risible. C’est un des rares bouquins que j’ai jeté (c-à-d. ni offert, ni donné à Emmaus/à l’hôpital) je trouvais ca trop mauvias pour l’infliger à d’autres:-)

  • Amusant je l’ai lu il y a peu de temps moi aussi, avec quelques années de retard comme toi. Ce que j’ai le plus apprécié, c’est la narration naive du point de vue de celle qui se transforme. Elle prend ça comme elle vient sans trop s’inquiéter. J’en connais pas mal qui auraient hurlé à sa place de se voir métamorphosés en cochon !
    Cela dit, c’est à peu près tout ce qui m’a plus dans le livre. Et pourtant je suis bon public (deviendrais-je difficile en vieillissant ?). Comme le dit un autre commentateur, ça part vite en sucette et je ne me suis pas laissé embarqué dans le délire politico-social. Ça m’a fait penser au meilleur des mondes d’Aldous Huxley (en beaucoup moins bien) mais la parenté avec la ferme des animaux de Orwell est là.
    Quelqu’un a lu son dernier bouquin dont on parle beaucoup : Tom est mort ?

  • Dans ce cas, tu devrais aimer Les Grands Singes, roman anglais Will Self. Le postulat de départ, c’est un prof de fac anglais qui se réveille un matin et trouve dans son lit, à la place de sa femme, une gueuon. Puis le point de vue s’inverse et notre prof se trouve pris pour un fou par tous les singes au milieu desquels il vit parce qu’il se prend pour un humain. Une jolie fable basée sur l’inversion du point de vue, avec au passage une analyse assez fine de la société anglaise et quelques drôleries sur les singes.

  • Je l’avais bien aimé aussi quand je l’avais lu à l’époque. Une critique efficace du machisme et de la société de consommation à outrance (les passages sur la pub et le marketing m’avaient bien plu). Et c’est vrai que l’héroïne a un petit côté “Anna Blum”, j’y avais pas pensé…

  • Pas si mal pour le style. Mais les sujets sont clichés. Les personnages absurdes n’était pas sans me rappeler Boris Vian. Par contre, j’ai trouvé le tout un peu vide. Il n’y pas de critiques sociales ici, ceux qui en ont vu les ont interprétées.

  • Je viens tout juste de fermer ce livre, que j’ai lu d’une traite. S’il n’émet aucune critique ouverte de la société, et qu’il restera effectivement identifiable aux 90’s, il en reste néanmoins marquant. Peut être est-ce du aux trois années qui se sont écoulées depuis les dernières critiques, mais pour moi, jeune diplômée post crise, il est visionnaire d’une époque qui part en cacahuètes, la révolution arabe, les scandales dont sont cibles à juste titre ou non et peu importe les politiciens les plus connus du monde, les centrales qui explosent, les faits divers les plus affreux les uns des autres qui défrayent les chroniques, les “Indignés”, et tant d’autres dérèglements de notre monde. L’insolente passivité de la narratrice face aux chamboulement de son univers n’est pas sans me rappeler la passivité dont nous faisons preuve devant notre écran de télévision à 20h.. Effrayés, indignés, mais au petit matin, on part tous au boulot bien sagement…

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