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Pectus est quod disertos facit. ∼ Pédéblogueur depuis 2003 (178 av LLM).

« Le Misanthrope » à la Comédie Française

Je continue donc mon périple des classiques à la Comédie Française, et cette fois c’était pour un des chefs d’oeuvre de Molière, et certainement un des repères du répertoire français.

Pour rappel donc, Alceste est le « Misanthrope », et il est à contre-courant de la société de son temps. Alors que tous prône la diplomatie, l’hypocrisie et les méthodes de cour, lui s’y refuse et n’y voit que compromission dans le genre humain. Alceste reste droit et franc, il ne se pliera pas à ces usages qu’il juge délétère à la condition humaine, même si cela doit lui en coûter. Et cela lui en coûte justement puisque la femme qu’il aime est un des fers de lance de ces pratiques qu’il réprouve…

On imagine sans peine la portée politique d’une telle pièce à une telle époque, puisque les défauts qui sont mis en exergue dans le texte sont l’exacte réplique des conventions du moment. C’est bien du Molière donc ! Et ce texte est d’une beauté incroyable, tandis que l’histoire mêle avec une impressionnante virtuosité tous les sentiments et toutes les passions. L’histoire d’Alceste est surtout très triste, et elle résonne parfois étrangement dans ce qui reste une « comédie ».

Et comme toujours, je suis épaté de constater à quel point le talent de Molière traverse le temps sans vraiment devenir obsolète. C’est d’ailleurs quelque-chose d’à la fois positif et négatif, puisqu’on peut s’émerveiller de cette universalité, et aussi se désespérer d’un telle permanence dans les plus vils comportements de notre société.

Les comédiens et comédiennes étaient très bons comme toujours, vraiment pas une ombre au tableau de ce côté là. Les décors aussi sont assez impressionnants, et à la fois moderne tout en respectant l’époque originelle, ce qui est un sacré challenge. En effet, la scène dévoile un pan de mur, un croisement de cloisons qui sont en partie transparentes, et rendues parfois opaques par de habiles jeux de lumières. Ainsi pendant la pièce, on aperçoit ce qui se passe avant l’entrée en scène ou après, mettant en relief les petits secrets d’alcôve ou bruits de couloir. J’aime les décors de la Comédie Française pour leur richesse, et les fastueux deus-ex-machina, donc à ce niveau là ça manquait un peu de mouvements et de surprises. Mais ces pseudos murs à clairvoie servent plutôt bien la mise en scène.

Là où j’ai vraiment été déçu, et je n’ai pas du tout accroché, c’est dans la mise en scène. Pourtant je suis assez ouvert aux explorations modernes des classiques, et j’aime bien qu’on bouscule un peu les traditions, ou qu’on réinterprète les anciens pour les remettre au goût du jour. Mais là vraiment, ce n’était pas nécessaire, et surtout cela a vraiment contribué à presque gâcher tout le bien que j’étais amené à penser du jeu des uns et des autres. C’est bien simple, les comédiens et comédiennes sautent d’un côté à l’autre de la scène, ils crient, ils gesticulent, ils font les folles, ils se courent après et ils s’embrassent sur la bouche (entre hommes). Si seulement cela correspondait un tant soit peu au texte, pourquoi pas. Mais là je l’ai ressenti comme un acte délibéré de mise en scène, une conduite d’acteurs très claire qui donne un truc plutôt bancal, et qui ne m’a pas plu du tout.

Les fins de phrases sont criées de manière agressive ou colérique, alors que ça n’avait pas l’air d’être nécessaire (ou alors autant y mettre le ton depuis le début de l’échange…). Certains mouvements scéniques paraissent plus chorégraphiés qu’autre chose, mais on n’en ressent ni la raison, ni le bénéfice. Bref, je suis resté assez hermétique à cette manière de concevoir le Misanthrope.

Reste que la pièce reste portée par un texte extraordinaire, et qu’on la jouera encore certainement longtemps.

« Le Misanthrope » à la Comédie Française

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  • J’ai vu cette production il y a quelques mois à l’occasion d’une tournée “en province”, et comme toi j’ai été très déçu par la mise en scène. Du coup, alors que le texte est excellent, j’avais trouvé le spectacle particulièrement long, et il me tardait qu’on en finisse.

  • Je suis allé la voir il y a quinze jours au même endroit. Mêmes réflexions sur le sur jeu des acteurs, mais j’ai surtout été déçu par le personnage d’Alceste qui est présenté comme un fou colérique bien plus que comme un aigri, ce qu’il est finalement. L’Alceste de Molière est un barbon vieillissant, celui-ci était beaucoup plus jeune, et cette jeunesse n’excusait cependant pas la demi folie.

    J’y retourne en juin pour la Mégère Apprivoisée que j’avais vue il y a quinze ans jouée par Sabine Paturel (oui, celle des bêtises et de P’tit bouchon), j’espère qu’elle sera mieux.

  • un lieu magique
    peut-être ma pièce préférée de Molière

    je crois que comme toi la mise en scène m’aurait horripilée… la Comédie Française peut produire des merveilles comme des navets, et rendre indigeste des merveilles

    ah si j’étais à Paris, je ferais bien un petit tour au Français…

    au fait… j’ai “enfin” publié le post que j’avais “dépublié” avec peut-être une ou deux modifs par-ci par-là

    bon, la prochaine fois que je viens à paname, on se rencontre, hein? depuis le temps qu’on se croise sur le net

    biz à toi et tes gentils lecteurs :salut:

  • J’ai vu l’année dernière le Misanthrope mis en scène par Benoît Lambert. J’en ai été ravie, c’était très particulier mais marchait très bien pour moi: une ambiance semi-moderne avec talons aiguilles et nuages de fumée de clope du plus bel effet, cloisons mobiles et translucides un peu comme pour toi, et surtout intermèdes musicaux extrêmement surprenants. Le personnage du poète imbu de lui-même (incapable de me souvenir de son nom) était enveloppé de lumières colorées et chantait des ballades tristes (qui me faisaient penser à Muse) en anglais!
    Etrange mais étrangement génial et immersif, j’ai adoré.

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