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Pectus est quod disertos facit. ∼ Pédéblogueur depuis 2003 (178 av LLM).

« Equus » au Théâtre Marigny

Au vu des bons échos que j’avais glané ça et là, j’ai voulu voir cette pièce qui a tant fait parler d’elle outre-Manche et Atlantique. Nous n’avons pas de Daniel Radcliffe pour égayer le tout, mais Julien Alluguette nu est une jolie cerise sur le gâteau. Heureusement, je n’allais pas voir la pièce pour cela, mais force est de constater que c’est tout de même le meilleur souvenir qu’il m’en reste. Je suis extrêmement contrarié par cette pièce car je n’ai jamais été autant schizophrène dans mon opinion. En effet, je l’ai beaucoup aimé dans la forme, et je n’ai pas du tout accroché dans le fond !

Il s’agit d’une pièce de Peter Shaffer de 1973 qui évoque un adolescent, Alan Strang (Julien Alluguette), avec de gros problèmes psychiatriques. En effet, ce dernier pris d’un coup de folie a, une nuit, crevé les yeux de six chevaux dans un hara dans lequel il travaillait. Il est envoyé dans un hôpital par le juge pour y être soigné par le docteur Dysart (Bruno Wolkowitch, le comissaire de « P.J. »). Le psy va tenter de libérer Alan, en lui faisant revivre les faits de cette funeste nuit…

Commençons par le meilleur : la mise en scène de Didier Long m’a vraiment conquise. J’ai adoré le décor minimaliste avec ses subtils deus-ex-machinas. On a aussi tous les personnages qui “assistent” à presque toute la pièce, en intervenant tour à tour, et aussi des astuces de mise en scène très simples et habiles pour figurer telle ou telle scène du passé. Par exemple quand Alan revit son enfance avec ses parents au bord de la plage, je voyais très bien la scène alors que c’était le même décor dépouillé et noir. Mais les comédiens et leur manière d’occuper l’espace suffisaient à projeter une illusion bluffante. Donc vraiment une scénographie et une gestion de l’espace qui m’ont énormément plu.

Ensuite, il faut aussi reconnaître une atmosphère qui colle très bien au drame et à l’ambiance glauque de la pièce. Les chevaux aussi qui sont joués par des humains, avec des têtes en fils de fer, sont impressionnants, et participent à la beauté toute formelle du spectacle. La scène est d’une grande mobilité, et elle découvre au fur et à mesure des décors totalement inattendus.

J’ai bien aimé les comédiens, mais surtout Julien Alluguette qui a l’air particulièrement à l’aise dans son rôle. Bruno Wolkowitch est assez décevant, malgré quelques éclairs, parce qu’il déclame parfois un peu à côté de ce que j’attendais, et cela ôte pas mal de crédibilité à son personnage. Au final, j’ai vraiment été très fan de la mère (Joséphine Fresson) d’Alan Strang, que j’ai trouvée la plus juste et touchante.

Donc vraiment, un beau spectacle dont les effets visuels et chorégraphiques sont réussis. Un show qui attire l’oeil et qui ne laisse pas insensible, une ambiance mortuaire et singulière qui accroche bien au départ. Mais alors il y a quelque-chose de terrible pour moi : j’ai trouvé l’histoire complètement conne !! Merde alors !

Autant j’ai adhéré aux postulats de base, et j’en attendais beaucoup. Ce garçon très perturbé qui voue un culte aux chevaux, et finit par crever les yeux de six d’entre-eux. Un garçon qui a des relations presque physiques avec ces animaux, c’était quelque-chose qui m’intéressait. Mais les dialogues sont dignes d’un téléfilm de M6 du dimanche aprème ! On croirait vraiment au scénario le plus classique et éculé, avec une accumulations de clichés incroyables sur la psychanalyse. Et ne parlons pas du psy qui se confie à son patient, ou des gros lieux communs sur la relation avec les parents et les traumatismes de l’enfance. Tout est tellement cousu de fil blanc que je ne pouvais pas accrocher, et surtout c’était servi par des dialogues d’une platitude affligeante, et d’une confondante banalité.

Et puis, je n’ai pas compris la raison pour laquelle les chevaux sont joués par des mecs directement chopés dans le Marais. Là, il y a un jeu cryptogay qui m’échappe, je ne vois aucun intérêt à l’avoir mis en scène de cette manière. A la rigueur, si leurs visages avaient été couverts de têtes de chevaux, on aurait pu comprendre, mais là on dirait que c’était un truc juste fait pour le public pédé. Bizarre… De même pour la scène très affriolante et agréable où Julien Alluguette est tout nu, et qui, en effet, nous montre bien son rapport charnel et intense aux chevaux. Mais tout de même… Cette mise à nue n’était absolument pas essentielle à la tension dramatique de la scène à mon avis.

Bref, c’est dingue, mais autant j’ai beaucoup aimé la forme, mais pas le fond. Tous les éléments sont là pour créer un spectacle de qualité, avec de l’originalité et un potentiel terrible pour véhiculer des émotions. Mais je ne comprends pas comment on peut nous servir cette histoire de cette manière… Du coup, je me dis que le texte a peut-être beaucoup vieilli, et que cette sauce psy à deux balles était encore originale à l’époque. De même que les scènes de ballet cryptogay faisaient plaisir aux connaisseurs… Je ne sais pas…

Donc je garde en moi les qualités formelles de la pièce, et… putain ce cul !!!!

L’avis des copines : Laurent, Matthieu, Colin Ducasse.

Equus au Théâtre de Marigny

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  • Revoir le film de Sydney Lumet de 77 (avec Richard Burton) pour vraiment apprécier les circonvolutions psychologiques de l’histoire. J’ai l’impression que cette version française a expurgé tout les remises en question des certitudes, de la normalité et du mysticisme d’une oeuvre qui est assez difficile d’accès.

  • Curieux ce que tu dis du fond. Moi je la trouve plutôt bien foutue cette pièce, avec cet ado qui projette son Surmoi sur des chevaux et ce psy qui comprend soudain (à la différence de la juge) que la normalité est une notion culturelle et non médicale. Peut-être la traduction française est-elle mauvaise ?

    Sinon, ayant eu le livret de la pièce entre mains, je pense que la mise en scène que tu décris n’est ni plus ni moins que celle voulue par l’auteur lui-même. Il faudrait que j’aille voir pour me rendre compte, mais j’ai un peu peur de ne pas supporter la VF.

  • Pascal> Bah justement toutes les tirades du médecin sur la notion même de folie ne passent pas du tout pour moi. J’ai encore une fois l’impression que c’est un téléfilm américain à deux balles quand il fait son “bon sang mais c’est bien sûr” sur le sujet, après cinq minutes de réflexion (je pense que l’écoulement du temps n’est vraiment pas le point fort de la pièce). Alors que dans le fond, je suis d’accord et je l’ai écrit, j’ai trouvé que le sujet même était intéressant, et le trip cheval m’a bien plu.

  • J’ai vu la pièce à Londres avec bien sur Danieeeeel Radcliffe, assez bizarement moi c’était l’inverse, le fond m’a beaucoup plus vampé que la forme. Et Radcliffe avait aussi donné un jeu plutôt bien alambiqué, en plus d’une volonté de se démarquer, voir de se dévêtir de son rôle de Harry Potter.

  • Bon alors, maintenant qu’on a bien analysé la pièce, on voudrait tout de même savoir l’essentiel : il a une grosse nagui Julien Alluguette ou pas ?

  • Les traductions des pièces sont souvent faibles, je partage ton point de vue. Et là, cela a l’air d’être le cas.
    J’hésite vraiment, je ne sais pas si je vais aller voir cette pièce…

  • moi jai adoré cette pièce, je crois que cest les dernières alors courez y franchement, c’est très touchant…
    et pour linfo, oui, il a une grosse nagui mister alan strang (enfin du moins de ce que j’en ai vu sur scène et d’un peu loin) avis aux amateurs

Répondre à elias 2 Annuler la réponse

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