MatooBlog

Pectus est quod disertos facit. ∼ Pédéblogueur depuis 2003 (178 av LLM).

“L’Ecrivain” et “L’imposture des mots” (Yasmina Khadra)

J’ai poursuivi ma découverte de Yasmina Khadra par ces deux livres que je chronique exceptionnellement ensemble parce qu’ils forment une sorte de “tout”, même si le premier est un roman autobiographique et le second une réponse sous forme d’essai romancé à une presse courroucée par les révélations du premier ouvrage.

En effet, Yasmina Khadra est un homme malgré son choix de pseudonyme (les deux prénoms de son épouse), et en plus de cela c’est un militaire de carrière (son père est aussi militaire). Il a publié plusieurs romans (la plupart sur des thèmes liés à la guerre civile dans les années 90 et l’islamisme) qui ont eu énormément de succès en Algérie mais aussi en France et ailleurs, et il a décidé au bout d’un moment de révéler son identité et de vivre de sa plume. Le bouquin “L’Ecrivain” est passionnant puisque l’auteur raconte sa propre histoire et sa construction personnelle en tant qu’écrivain. On le surnommait ainsi alors qu’il était cadet à l’école militaire et qu’il était connu pour ses talents dans ce domaine. “L’imposture des mots” est la réponse aux scandales et polémiques qui ont éclaté suite à cette découverte, en effet les militaires ne sont pas spécialement en odeur de sainteté auprès des intellectuels algériens ou français. Je lisais aussi que beaucoup de femmes et féministes pensaient sincèrement que Yasmina était une femme, et on avait nourri les plus belles espérances sur ce talent féminin à l’acuité si extraordinaire et au talent littéraire plus à prouver. Donc réaliser qu’il s’agissait d’un homme, et qui plus est militaire, a causé bien des désillusions… Yasmina Khadra habite depuis cette période en France, et le second bouquin se passe tout le temps dans notre pays. Les journalistes ont aussi soufflé le chaud et le froid laissant l’auteur parfois dans un grand trouble, et une solitude dont il parle avec beaucoup d’émotion et de sincérité.

L’autre chose que je voulais évoquer m’a été rapportée par des algériens qui m’ont écrit directement par email pour m’expliquer que Yasmina Khadra était un plagiaire et reconnu comme tel (c’est la mode…). Apparemment en effet, un bouquin serait reconnu comme tel et certains ont de gros doutes sur un de ses best-sellers. L’auteur lui s’en défend tout à fait. Je ne prends aucun parti dans ces polémiques, et je me suis rassuré sur le fait que les quatre bouquins lus sont bien de lui et bénéficient d’une plume brillante et qui m’enchante.

On reconnaît déjà dans le récit de l’enfance de Yasmina Khadra les prémices des deux premiers romans que j’ai lu, avec quelques personnages dont on imagine facilement la transposition de sa vie réelle à sa vie de papier. Et dans le second j’ai beaucoup aimé que l’auteur soit en conversation avec quelques uns de ses personnages les plus marquants, et pas les plus sympathiques. Il y a d’ailleurs le nain Zane avec qui il converse assez violemment, et cela a encore renforcé l’effet qu’avait eu sur moi ce curieux protagoniste.

Je me suis peut-être fait avoir, et j’admets être candide, mais j’aime vraiment la manière dont il se raconte avec ses souffrances, ses hésitations, sa relation tourmentée avec son père, la brutalité de sa formation militaire, et finalement tout ce qu’il a tiré de bon de cette expérience. Bien évidemment en tant que militaire et notable de cette société pourrie qu’il décrit aussi dans ses bouquins, il est parfois difficile de le mettre d’un côté ou de l’autre… Bon ou mauvais ? Ce serait tellement facile si l’on pouvait être aussi manichéen, mais les choses sont toujours plus complexes et nuancées. L’Ecrivain nous explique surtout le rapport à l’écriture et l’amour des mots, la relation particulière à la langue française qui me touche beaucoup, et cette nécessité impérieuse et foncière de coucher tout et rien sur le papier.

L’imposture de mots se termine bien pour l’écrivain qui conservant droiture, sang-froid et loyauté envers ses idées, et qui par une lettre ouverte à ses détracteurs, finit, j’ai l’impression, par imposer sa tempérance et son indécrottable respect de l’armée algérienne et de ses opinions, aussi contrastées soient elles.

"L'Ecrivain" et "L'imposture des mots" (Yasmina Khadra)

Les publications voisines

Post navigation

  • Hello matt,
    Fervente lectrice de ses bouquins malgré toute la polémique qui les entoure, je te recommande fortement “l’attentat”, une plongée au coeur du conflit israélo-palestinien.

  • peut-on dire que dans l’imposture des mots il adopte une certaine distanciation entre lui en tant qu’auteur et quelques uns de ses personnages?

Répondre à salima Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

:sourire: 
:clindoeil: 
:huhu: 
:bisou: 
:amitie: 
:mainbouche: 
:rire: 
:gene: 
:triste: 
:vomir: 
:huhuchat: 
:horreur: 
:chatlove: 
:coeur: 
:doigt: 
:merde: 
:ok: 
:narval: 
:mitochondrie: 
:croa: