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Einstein on the beach de Philip Glass et Bob Wilson au Corum de Montpellier

Einstein on the beach de Philip Glass et Bob Wilson au Corum de Montpellier

Je vous ai déjà bien rebattu les oreilles à propos de Philip Glass dans ce blog, et là je ne pouvais évidemment pas faire l’impasse sur un événement si important. En effet, si j’ai d’abord découvert les morceaux de pure musique sérielle et répétitive, j’ai eu mon vrai coup de coeur pour Glass lors de l’écoute de sa fameuse trilogie d’opéras. Einstein on the beach en est le premier, et il fut présenté en 1976 à Avignon avec une mise en scène de Bob Wilson (dont j’avais tant été impressionné par le Quartett). Ces derniers sont aujourd’hui de véritables stars (dans leur domaine évidemment…) mais à l’époque des artistes à la carrière balbutiante. La trilogie est marquante par son ampleur, sa modernité, son originalité mais aussi ses qualités musicales intrinsèques. Les thèmes sont extraordinaires puisqu’ils sont autant de portraits de personnes qui, selon Glass, ont changé le destin de l’humanité ou ont influé son cours par leurs découvertes ou pensées, qui remettaient véritablement en question les crédos de leurs époques.

La trilogie se compose de Einstein on the Beach avec Einstein, Satyagraha pour Gandhi ou Akhnaten pour Akhénaton. Ce qui est drôle et inattendu c’est que les opéras sont joués dans les langues “originales” de leurs protagonistes, donc respectivement en anglais, sanskrit et égyptien (mais aussi akkadien et hébreu). Mais de tout ça, Einstein on the Beach est la création la plus radicale et décoiffante. L’opéra a été joué en 1976 pour la première fois, et la dernière fois en 1992, donc cette production est un événement d’une grande ampleur pour tous les fans à travers le monde.

On parle d’opéra pour Einstein on the Beach mais c’est bien plus que cela, il s’agit d’un spectacle total qui mêle danse, théâtre et musique, et qui révolutionne tous les genres qui le composent. C’est-à-dire que la musique n’est pas ce qu’on attend d’un opéra, et les chorégraphies totalement inimaginables ! Ne parlons pas de la mise en scène, la scénographie et les extraordinaires deus-ex-machina de Wilson, c’est simplement époustouflant ! On retrouve à peu près tous les codes familiers de Glass avec en figure de proue cette sacrosainte répétition et ces thèmes qui scandent les quatre heures et quelques de spectacle. La musique n’est pas vraiment symphonique mais jouée par un orchestre, mais très contemporaine et en partie synthétique, mais on entend beaucoup des instruments “nature”, mais on fait parfois jouer à des synthés des instruments de base, et on distord certains instruments, et les voix sont utilisées comme des sons tandis que des instruments résonnent comme des chants. Bref, ça foisonne d’inventivité et de force, et surtout la partition de Glass est portée par une pulsation répétitive captivante et hypnotisante. De la même manière la chorégraphie utilise les mêmes ressorts de répétition et de “motifs” gestuels. Incroyable !!

La difficulté de l’opéra réside dans sa longueur et son énorme potentiel à être ultra-chiant. En effet, pas d’histoire, pas vraiment de personnages, des éléments sériels et répétitifs qui finissent par user l’attention, et globalement un assoupissement garanti au bout d’une heure. Mais les choses sont claires pour Glass et Wilson, et les mêmes règles qu’en 76 s’appliquaient aussi ici. Donc l’opéra ne doit pas être une entrave à la liberté, et comme c’est répétitif et sans beaucoup de repères, les spectateurs on a la possibilité, et y sont même encouragés par les auteurs, à se lever, à aller faire une pause clope et globalement à faire ce qu’ils veulent.

Et autant j’ai adoré le spectacle et j’ai été passionné par ces quelques heures, autant au bout de deux heures j’en avais ma claque, et je commençais sérieusement à piquer du nez. Donc on est sorti, on est allé manger un morceau, et on est retourné voir la suite. Huhuhu. Cela ne m’a pas empêché de trouver l’opéra splendide à tous points de vue. La musique est géniale, les danseurs sont incroyablement talentueux, les chants sont fascinants, et les décors sont impensablement beaux et impressionnants.

L’opéra est dans un premier temps un peu surprenant dans le fond comme dans la forme, mais peu à peu les codes se mettent en place, et si on ouvre bien son esprit et qu’on se laisse prendre par la musique, les chants et la chorégraphie, on laisse vagabonder ses pensées, et c’est comme un flux et reflux d’idées, d’impressions… des mots qui s’impriment, et viennent scander ces motifs musicaux, ces mosaïques de mots qui se répondent en un écho infini… Le décor qui évolue comme un tableau de Mondrian, en lignes et en surfaces colorées, en jeux de lumière, avec autant de protagonistes qui évoluent dans cet univers foncièrement humain et humaniste. Tout est mélangé dans les décors, le passé, le futur, la nature et l’urbain, le manuel et l’industriel, la prison et le bureau, les moyens de transports…

Je vous assure que la vie vaut d’être vécue pour expérimenter des choses pareilles !!! Ok je suis dingue, mais sincère, et je crois avoir rarement autant ému que ce soir là. Il s’agissait vraiment d’un moment exceptionnel, et le public était globalement conquis par la richesse et puissance manifeste de cette oeuvre. Sa mère, sa race, c’était bien.

Philip Glass – Einstein on the Beach : Knee 5

Einstein on the beach de Philip Glass et Bob Wilson au Corum de Montpellier

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