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Pectus est quod disertos facit. ∼ Pédéblogueur depuis 2003 (178 av LLM).

D'autres vies que la mienne (Emmanuel Carrère)

D’autres vies que la mienne (Emmanuel Carrère)

Ce bouquin de dingue… J’ai vraiment énormément accroché, et pourtant c’est un sujet assez curieux quand on y pense. Il s’agit exactement de ce que le titre suggère en somme. Emmanuel Carrère n’invente pas une histoire et pour une fois n’a pas tiré de substance de son propre cheminement, ou indirectement alors puisqu’on ne peut jamais se soustraire complètement d’un texte que l’on a créé.

Tout commence par le tsunami de 2004 et les vacances de l’auteur et de son épouse au Sri Lanka. Ils ont été témoins de cette catastrophe, et ce sont des amis qui ont perdu leur petite fille, Juliette. Emmanuel Carrère narre cela comme une anecdote, mais très rapidement son récit prend une ampleur extraordinaire. Alors je vous le dis tout de go ce n’est pas le bouquin le plus joyeux que j’ai lu. Huhuhu. On y lit donc le désespoir des parents et grands-parents, mais plus tard le livre s’oriente vers une nouvelle “histoire”. En effet, on assiste à la mort de la belle-soeur de l’auteur (aussi prénommée Juliette) d’un cancer. C’est l’occasion d’évoquer les enfants et le mari de Juliette, mais aussi son ami et collègue qui est magistrat comme elle. Les deux se font une réputation d’enfer en aidant le mieux possible les ménages surendettés dans les tribunaux.

Le fond est incroyable car c’est “histoire triste” sur “histoire triste”, et vraiment l’auteur en surface raconte les choses de manière plutôt factuelle et “anecdotique”. Mais on est rapidement submergé par son talent à raconter sans juger, et surtout à ne jamais verser dans le pathos, la mièvrerie ou le sentimentalisme. Et les évocations de la mort, de la perte d’un être cher, du lien familial, du lien amoureux aussi, sont autant d’occasions pour Emmanuel Carrère de faire entendre sa voix. Il ne s’agit certes pas de “ses vies”, mais il arrive à se raconter aussi à travers ces intrigues qui le touchent de si près (notamment à propos de sa compagne, dont on suit la relation qui va cahin-caha).

Il y a ces faits si tristes, mais c’est tout ce qu’il y a autour et que l’auteur articule si bien qui donne toute sa valeur à l’ouvrage. Et là l’émotion est à son comble, en même temps de certaines réflexions philosophiques qui interrogent simplement sur ses propres expériences, défaillances et accidents de la vie. Encore une fois, tout cela est traité avec une admirable simplicité, tout en bénéficiant de son habituelle plume, efficace et enlevée. Du coup le bouquin se dévore littéralement, laisse tout de même sur le carreau à la fin, mais tout en m’ayant donné la sensation de le quitter plus rasséréné et apaisé. Une belle aventure en littérature !!

D'autres vies que la mienne (Emmanuel Carrère)

Les publications voisines

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  • En parlant autour de moi de Limonov (du même auteur); que j’ai adoré, on m’a vivement conseillé celui ci. Ton billet m’y refait penser, je me note de l’acheter très vite

  • Il te reste en effet à lire (ou alors à chroniquer si tu l’as déjà lu …) “Limonov”.
    Et est-ce que tu as lu “Je suis vivant et vous êtes mort”, sa biographie de Philip K Dick ? Elle est passionnante (même si un peu moins bonne au point de vue du style littéraire, il s’est amélioré depuis).

  • Bonjour,
    je me permets un petit commentaire sur votre blog pour vous signaler que l’adaptation théâtrale de “D’autres vies que la mienne” d’après le récit d’Emmanuel Carrère se jouera à Paris à la Manufacture des Abbesse à partir du 17 mai puis tout l’été au Festival d’Avignon.
    Chaleureusement.
    David Nathanson / Cie Les Ailes de Clarence

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