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Symphonie N°10 de Philip Glass par l’Orchestre Français des Jeunes à la salle Pleyel

L’Orchestre français des jeunes a fêté ses 30 ans et pour l’occasion ils ont commandé une dixième symphonie à Philip Glass. Bien leur en a pris, car j’ai donc pu découvrir cette toute nouvelle oeuvre de mon idole de la musique contemporaine à Pleyel il y a déjà quelques temps. Je ne connaissais pas du tout cet orchestre qui est une formation plutôt originale puisqu’il s’agit en fait de donner à de futurs musiciens professionnels une première expérience de la vie d’orchestre. Aussi ses interprètes changent tous les ans, et sont sélectionnés parmi les meilleurs potentiels français (sur concours).

Le niveau de l’orchestre était en tout cas tout à fait satisfaisant (mais bon il faut avouer que je suis loin d’être un grand mélomane), et j’ai été subjugué par cette nouvelle oeuvre de Philip Glass. On pourrait résumer cela en deux mots : puissance et gravité. Oh ce que c’est sombre et terriblement noir, comme une vision funeste et assurément pessimiste de je ne sais quoi. Mais quelle maîtrise dans le jeu, l’expression et la narration, encore une fois Philip Glass compose une musique qu’on imaginerait illustrer à merveille un film du genre Koyaanisqatsi (dont il avait composé la bande originale).

Evidemment on n’est pas dépaysé, et les amateurs de Glass y trouvent leur content de répétitions inlassables de (magnifiques) motifs familiers, et d’instruments fétiches. Mais ce côté lugubre du message est très original quand on pense à ses autres symphonies.

Et sinon la puissance, on la trouve dans la force allégorique des thèmes, dans le souffle lyrique de certains moments qui vous portent vraiment “très haut” et sont à vous filer la chair de poule. Philip Glass c’est aussi une composition qui parfois nécessite un vrai rapport physique entre le musicien et son instrument. On sent que ses partitions comportent parfois des trucs un peu barbares et on voyait là clairement les interprètes autant galérer que prendre leur pied, et souvent même se regarder les uns les autres avec complicité. Certains passages mettent particulièrement en exergue cela, et on les voit taper sur les cordes, les archets semblent prendre feu tant ils doivent s’activer, et on voit bien qu’arriver au bout de cette épreuve comporte une vraie dimension de résistance au stress et de “sport”. A la fin des mouvements, on voyait les musiciens se congratuler du regard, et sourire en grimaçant, heureux d’avoir pu accomplir l’oeuvre. Leur jeunesse les rendait aussi moins coincés on dirait, et il y avait un côté très “frais” à voir autant qu’écouter ces jeunes artistes.

J’ai adoré ces moments à la tension dramatique extrême et qui me faisaient penser à tout ce que j’aime dans les morceaux pour quatuors de Glass. Donc encore une fois du très bon Philip Glass, même si une telle noirceur est surprenante, et même si elle est nuancée par une sacrée beauté formelle.

Symphonie N°10 de Philip Glass par l'Orchestre Français des Jeunes à la salle Pleyel

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  • Permettez que je partage avec vous mon enthousiasme à la réception de la dernière symphonie de Philip Glass. Ce n’est sans doute pas un hasard si l’extraordinaire vitalité de l’oeuvre correspond à la jeunesse des interprètes pour qui elle a été composée. Il en est enfin fini des longs mouvements pompeux et répétitifs à en devenir assommants: la spontanéité et l’imprévisibilité de l’orchestration sont de retour sans être rythmiquement révolutionnaires. La forme brève livre sans doute la vérité de Philip Glass là où les longs développements sont artificiels. Quant au final, il est une intensification croissante, proche du délire, tel que le concevait Sibelius bien que nous sommes loin de “la pure eau froide” et plus proche du “cocktail” dans lequel les influences viennent se mêler pour le meilleur et le pire. Ce final représente une antithèse de celui de sa huitième symphonie qui, dans une coda abrégée, explorait “un climat de crépuscule profond et de nuit éternelle” selon les propos d’Alex Ross.
    Evidemment, cette musique conserve les défauts de ces qualités – verre à moitié vide, verre à moitié plein -, il est difficile de se défaire de certaines habitude tenaces de composition quand on a été un maître de la musique minimaliste et répétitive. On comprend mieux la radicalité des tenants de la musique atonale, dodécaphoniste et sérielle quand on mesure que certains compositeurs sont capables de suivre avec brio un chemin tout autre et de libérer l’héritage dont nous avait privé tout un pan de la création musicale depuis la seconde école de Vienne qui voulait “[par son invention assurer] la suprématie de la musique allemande pour les cent ans à venir”. La où certains ont perçu une libération de la musique par le dodécaphoniste, je ne vois qu’une aliénation de plus, c’est à dire l’invention de réglés venant s’imposer à la force créatrice qui est formatrice de règle. Réjouissons nous que ses cent ans prennent fin et que l’oeuvre de Philip Glass ait enfin pris un tournant salutaire, déjà annoncé dans sa huitième symphonie – c’est à dire un retour aux formes classiques qui emportent avec elles toutes les influences extérieures (ce qu’elle a jusqu’alors toujours réussit à faire sans imploser).

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