MatooBlog

Pectus est quod disertos facit. ∼ Pédéblogueur depuis 2003 (178 av LLM).

Sleep no more au McKittrick Hotel

Sleep no more au McKittrick Hotel

Vous êtes à New York et bien évidemment vous voulez aller vous faire une comédie musicale à Broadway. Ok, ok. Mais vous avez aussi un truc vachement bien à tester en plein cœur de Manhattan pour beaucoup moins cher ($85), beaucoup plus original, interactif et jamais vu avant.

Nous sommes arrivés le samedi soir à 23h au Mckittrick Hotel, entre la 27ème rue et la 11ème Avenue, il n’y avait qu’une poignée de personnes à l’entrée qui attendaient. Nous avions réservé pour ce créneau horaire précis, et rapidement nous avons pénétré dans cet endroit sombre et un brin inquiétant. Après quelques minutes d’intendance (à l’américaine : efficience et politesse extrême), de lourds rideaux rouges s’ouvrent sur l’atmosphère feutrée et surréaliste d’un club de jazz des années folles. Et tout y est : la chanteuse aussi sexy d’une Jessica Rabbit, les musiciens en tenues classiques, les micros antédiluviens, la distribution d’absinthe au bar, et un mélange hétéroclite d’olibrius en tourisme tel que nous avec jetés de-ci de-là quelques personnages déjà bien campés.

Vous pouvez rester quelques temps là, mais rapidement un comédien directement issu d’un film avec Errol Flynn ou Douglas Fairbanks vous invite à démarrer votre expérience. Tout commence dans un ascenseur… On nous souhaite la bienvenue dans l’hôtel, et nous comprenons que les règles du jeu vont suivre. L’homme nous explique que nous allons pouvoir nous promener librement dans les 5 étages et 9300 m2 (!!!) mis à notre disposition et pendant le temps que l’on veut. On est libre de faire ce que l’on veut, d’aller où on veut. En revanche, il faut que l’on soit seul, et que l’on reste muet. On observe mais on ne se parle pas. D’ailleurs il nous conseille de nous perdre les uns les autres, et nous tend des masques style « Eyes wide shut » pour nous anonymiser et nous rendre invisibles à nous-mêmes.

Avec Diego, on écoute en souriant et on papote doucement comme deux vieilles copines, même si je vois bien que Douglas Fairbank nous regarde du coin de l’œil en train de contrevenir au règlement comme les deux bons français que nous sommes. Mais c’est qu’il doit avoir l’expérience le bougre ! En effet, l’ascenseur s’arrête au 3ème et l’homme tend la main vers Diego l’invitant à avancer. Diego s’exécute ne remarquant pas que je suis stoppé dans mon élan par l’homme en question qui me barre le chemin. Je ne vois que le regard perdu de Diego dans les portes qui se referment inexorablement sur mon ami. C’est deux étages plus haut que nous sommes tous relâchés dans cet hôtel mystérieux, tous un peu refroidis et craignant à présent un traitement similaire à celui expérimenté par Diego.

Je pénètre dans un couloir blanc et nu, un peu moderne, rien de spécial, mais je suis tout de suite emporté et abasourdi par la musique qui s’insinue dans tous les recoins de l’endroit. La musique est forte, mais de toute façon on ne doit pas parler, et elle est vivante et narrative. Ce sont des musiques de film que j’ai reconnues à quelques reprises, notamment du Bernard Herrmann (qui a signé la plupart des bandes originales des films d’Hitchcock), et elles se prêtent particulièrement bien à la déambulation dans des mises en scène telles que celles que j’allais expérimenter fébrile. Nous étions nombreux, mais en quelques minutes d’exploration, on se perd, et on n’aperçoit plus que des errants masqués qui tentent de comprendre ce qu’ils sont en train de vivre.

Et voilà que je débarque dans ce qui ressemble à un hôpital psychiatrique, des bureaux de médecins, des chambres de malades, des laboratoires aux expériences interdites, un alignement de baignoires remplies à l’allure flippante. Bref, un vrai décor de jeu vidéo gore ou de film que je déteste !!! Mais je suis pris par cette mise en scène parfaite, ces instruments réels, ces armoires qui fourmillent de dossiers médicaux (des trucs vrais, écrit à la plume et tout !!), d’échantillons et de bouts d’histoires incompréhensibles. Je m’assois et passe dix bonnes minutes à lire des rapports médicaux, des dossiers de patients et c’est fliiiiiippant !!

C’est alors qu’un attroupement se fait autour d’une baignoire, du coup je m’y rends panurgement. Une fille est dans l’eau nue, et elle marmonne des trucs chelous tout en trempant des lettres dans la flotte… Une infirmière débarque et la tire de là, et elles partent toutes les deux suivies par une horde de visiteurs affublés de leurs masques vénitiens blancs. Je décroche, et décide de prendre la direction opposée… Bien m’en a prit, j’ouvre une porte, et me voilà seul devant une scène digne du pire des cauchemars pour moi. Je suis dans une pièce immense, des centaines de mètres carrés, aux murs de briques nus, et couverte d’un labyrinthe de taillis et hautes branches coupées… Là dans ma tête, ça dit “REDRUM REDRUM” quand en plus je me retrouve avec une montée hallucinante dans la musique (de “Vertigo”). Outre cela, il n’y aucun éclairage sinon une fantomatique lumière noire qui donne à l’ensemble une sensation de nuit à l’extérieur. Je parcours le chemin tracé par le dédale, et au bout je découvre stupéfait un immense bouc empaillé avec des yeux plus vrais que nature. Aaaaaaaaahhhhh !!!!!

Je sursaute quand je réagis au fait que d’autres invités m’ont rejoint, ils suivent l’infirmière qui a pris une personne au masque vénitien à partie. Elle l’entraîne dans un chalet à part, et ferme précautionneusement les volets en bois, nous n’en saurons pas plus. Je rebrousse chemin, et voilà qu’un salon de l’hôtel se découvre comme par magie. Un bar, des fauteuil, des tables et chaises, et une femme blonde diaphane à robe rouge toute lynchienne qui paraît être une cartomancienne “joue” une scène. La salle est pleine d’invités aussi intrigués que je le suis, et j’en reconnais un parmi eux. Diego !!!! Ouf, on s’est enfin retrouvés. On échange quelques mots discrètement, et l’on ne se quittera plus.

J’ai l’air d’en raconter beaucoup, mais il n’en est rien puisque le nombre de pièces à explorer est énorme, et les comédiens sont là pour ajouter un peu de piment au tout. Il s’agit souvent de sortes de chorégraphies ou de pantomimes, parfois quelques scènes plus explicites, mais on n’est loin d’être dans du théâtre formel. L’histoire tourne autour de “Macbeth” mais j’avoue que j’ai du mal à avoir compris quoi que ce soit à ce que j’ai vu. Macbeth vu par Lynch sans doute… Huhuhu. Mais cela ne gâche aucunement le plaisir, car le temps passé à chercher un sens à tout cela est le véritable but du spectacle.

Le mélange d’inquiétude, d’amusement, d’intrigue et de performance (à la fois celle du spectateur, et celle des protagonistes non masqués) produit une expérience extraordinaire que je n’avais jamais vécue. Si vous allez à New York, je vous conseille plus que jamais ce “Sleep no more” au McKittrick Hotel.

Sleep no more au McKittrick Hotel

Les publications voisines

Post navigation

Répondre à Olivier Autissier Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

:sourire: 
:clindoeil: 
:huhu: 
:bisou: 
:amitie: 
:mainbouche: 
:rire: 
:gene: 
:triste: 
:vomir: 
:huhuchat: 
:horreur: 
:chatlove: 
:coeur: 
:doigt: 
:merde: 
:ok: 
:narval: 
:mitochondrie: 
:croa: