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Pectus est quod disertos facit. ∼ Pédéblogueur depuis 2003 (178 av LLM).

Le pouvoir du chien

En lisant ce livre de Thomas Savage, j’ai irrémédiablement pensé à la nouvelle d’Annie Proulx du recueil « Les pieds dans la boue » où elle mettait en scène deux cow-boys qui ont une sorte de liaison amoureuse. Mêmes décors incroyables de l’ouest sauvage américain, mêmes personnages durs, brutaux et impitoyables, et surtout même intolérance et agressivité envers les plus faibles. Dans le genre roman de cow-boy un peu plus déjanté, il y a aussi un peu de ce bouquin de Tom Spanbauer que j’ai tant aimé : « L’homme qui tomba amoureux de la lune ».

Les frères Burbank d’un côté sont à la tête d’un énorme ranch, et sont deux vrais cow-boys, tout en étant très différents de caractères. Georges est un peu pataud et bourru, tandis que Phil camoufle ses talents d’artisans et son intellect sous une épaisse couche de rusticité et virilité toute machiste. Les deux frangins vivent en symbiose dans cet environnement aussi superbe qu’hostile. D’un autre côté, Rose Gordon, une jolie veuve qui essaie de tenir un restaurant dans un trou paumé, s’occupe de son fils Peter qui est un garçon sensible et fluet (que les gens n’hésitent pas à appeler « chochotte »). Son père, Johnny Gordon, médecin au grand coeur, s’est suicidé alors qu’il avait été humilié par Phil (et ne l’a jamais avoué), et que sa vie lui était devenue insupportable.

C’est alors que Georges courtise et épouse Rose, et que Peter est amené à fréquenter le ranch. Phil perd tout discernement et révèlent toute sa perversité pour pousser Rose à bout (il la fait notamment sombrer dans l’alcool). Mais Peter n’est pas si innocent et fragile qu’il en a l’air.

Ce roman est brillant dans ses descriptions et la manière dont il plonge le lecteur dans une ambiance surannée de 1925 dans cet ouest encore sauvage, et où la loi du plus fort est plus en vigueur que jamais. Mais surtout Thomas Savage met en place tous ses personnages sur un échiquier, et peu à peu dessine une intrigue palpitante où l’on se demande comment les héros (Rose et Peter) vont se sortir du machiavélisme de Phil. Ce dernier étant l’archétype du macho viril qui est homosexuel refoulé. Il déteste les femmes, et ce métier de cow-boy est justement l’occasion de rester entre hommes. Outre cela, il entretient une relation louche avec son frère (il est d’une jalousie maladive par rapport à Rose) et plus tard, encore plus spécieuse avec Peter (qu’il abhorre aussi puisque c’est une chochotte). L’homosexualité latente de Phil est très bien dépeinte, avec beaucoup de finesse et de perspicacité, et c’est certainement parce que l’auteur s’est basé sur un personnage de sa propre famille (j’ai lu cela dans la postface).

Impossible de prévoir ou de se douter d’une telle fin, mais le « pouvoir du chien » n’a pas été invoqué en vain.

Thomas Savage - Le pouvoir du chien

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  • regrets qu’il n’y ai pas de commentaires sur ce livre, un des plus beaux que j’ai lu cette année. ca veut dire que peu l’on lu!
    J’ai adoré ce livre construit sur quelques personnages tres forts, qui progresse lentement, surement vers un denouement si paisiblement violent. Histoires d’amour, amour propre, amour paisible qui transfigure, amour violent qui transgresse. Jeu des apparences, des faux semblants. Rapports de force, mais qui est vraiment le fort, qui est vraiment le faible.

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