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Pectus est quod disertos facit. ∼ Pédéblogueur depuis 2003 (178 av LLM).

Les équilibres aléatoires

Voilà un roman qui n’est vraiment pas comme les autres, et qui m’a incroyablement titillé les méninges. Angela Vallvey signe non seulement une belle histoire, madrilène comme j’aime, avec un brin d’Almodovar et de Lucía Etxebarria, mais y ajoute une dimension philosophique qui m’a particulièrement touché. D’ailleurs les citations qu’elle met en exergue de ses chapitres m’ont tellement frappées que j’ai commencé à les recopier, jusqu’à ce que je réalise que je n’en manquais pas une. On peut trouver quelques explications à cette accointance dans une « note de l’auteur » en fin d’ouvrage :

Schopenhauer est un de mes penseurs préférés (avec Marc-Aurèle, Montaigne, Sénèque, Cicéron, Epicure, etc.), même s’il ne s’est pas précisément distingué par son optimisme. Il était plutôt comme l’a dit Jean Rostand, un philosophe qui faisait preuve d’un grand optimisme quant au devenir du pessimisme.

Je crois que vous comprenez à quel point je me sens proche de cette auteure. Et avoir mis tout cela dans un roman, tout en conservant de l’humour, une verve bien acérée et un style très alerte, fait que j’ai été particulièrement sous le charme. Même si l’on sent un peu trop par moment les propositions philosophiques qui sous-tendent le récit, elle ne se perd par non plus dans des digressions trop brumeuses ou théoriques.

Les deux personnages principaux sont Ulysse et Pénélope… Oui oui. Et ils ont eu un fils : Télémaque. Oui oui. Seulement, leur histoire est terminée. Pénélope a plus ou moins abandonné son fils à Ulysse, et est devenue une styliste reconnue sur le plan international. Le père célibataire est complètement rentré dans ce rôle, et va même jusqu’à s’occuper de la grand-mère de sa femme qu’il recueille chez lui. Il assiste aussi régulièrement chez son beau-père, le charismatique Vili, à des sortes de conférences où les gens échangent sur la notion de « bonheur ». Le roman est alors une sorte d’aventure philosophique qui tente de débroussailler un peu les différentes options que la vie nous offre. Evidemment Ulysse et Pénélope auront bien des épreuves à surmonter, et un voyage initiatique dont il faudra revenir sain et sauf, avant de comprendre ce qu’ils sont l’un pour l’autre.

On peut lire au tout début de la note de l’auteur dont je parlais au début :

Contre toute attente, le bonheur n’est pas l’art de savoir se résigner, mais peut-être et, bien plutôt, l’art d’apprendre à jouir de ce que nous sommes, et secondairement de ce que nous possédons, sans trop nous soucier de ce qu’il est évident que nous ne pourrons jamais être ou de ce que nous ne posséderons jamais.

Cela résume bien la trame de « raison » sur lequel repose le roman. Mais le talent vraiment notable d’Angela Vallvey est d’avoir narré une histoire et construit des intrigues qui peuvent se lire sans avoir (ou lire dans le texte) aucune réflexion philosophique sous-jacente. Aussi certains pourront simplement y voir un roman « comme les autres », et quelque-chose de plutôt léger, drôle et ironique, voire cynique. Mais voile est assez transparent pour laisser apparaître, à qui voudra le soulever, une bien jolie fable de la vie.

La première partie du bouquin pose la narration, et évoque beaucoup de « cas », en se focalisant sur des personnages qui assistent aux conférences de Vili. Cela donne lieu à une savoureuse galerie de portraits, parfois un peu vitriolé. Ensuite, c’est vraiment Ulysse et Pénélope qui sont au centre des préoccupations de l’auteure, et rapidement nous entrons dans une nouvelle phase plus mystérieuse, et plus intrigante (et fascinante et palpitante) aussi.

Le bouquin n’est pas la perfection même, comme je le disais plus haut, il y a quelques ficelles un peu trop grosses, et des passages un peu trop « café philo » à mon goût (pour un roman). Mais c’est une oeuvre qui ne manque pas de donner du grain à moudre à nos synapses, ce qui n’est pas déplaisant du tout. Et ce contexte madrilène, tant dans le décorum que les picaresques personnages, a tout pour fonder un roman d’excellente facture.

Les équilibres aléatoires - Angela Vallvey

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  • Je suis incapable de résister à un roman avec un personnage nommé Télémaque. Ceci depuis que ce personnage m’a fait ‘rêver’ dans Ulysse 31 … Oui oui, chacun ses références :redface:

  • Je profite de ce billet livre pour vous dire que je vous ai découvert récemment.Le lien a été le “journal de PaCa Kolher” trouvé peu de temps avant le vôtre et pratiquement lu d’une traite scotchée par son ton drôle, sensuel(bien qu’il n’y soit jamais ou presque question de sexe)capricieux aussi.Un vrai bijou de blog!
    Mais pas de jaloux!Le vôtre n’est pas mal du tout et m’a consolée du sien mais je ne l’analyserai pas car vous êtes toujours de ce monde(vituel).Grâce à votre rubrique livres j’ai lu “Le pouvoir du chien” et “L’agneau carnivore”.Merci pour ces découvertes!
    Un peu triste de ne trouver dans votre choix aucun “Edmund White”;”L’homme marié” et sa trilogie sont des chefs-d’oeuvre!Il ne se ménage pas dans ces écrits ce qui le rend attachant et trés touchant.Mais bon c’est votre blog et vous y faites ce que vous voulez!
    Fait appréciable aussi :vous ne vous jetez pas sur les livres dont tout le monde cause et si souvent décevants(exception faite l’année dernière pour “Les bienveillantes”.)

  • Poison Ivy> Le blog de PaCa était absolument génial, je le regrette beaucoup. Je le lisais avec autant de délectation que son premier roman, et j’ai eu de ces crises de rire en le lisant. Je suis à 3000 kilomètres de son talent ! :ok:

    Edmund White, je les ai lus mais avant de tenir ce blog ! :book:

    Fanfreluche> :redface:

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