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Pectus est quod disertos facit. ∼ Pédéblogueur depuis 2003 (178 av LLM).

La route

Les choix d’un bouquin à l’aéroport, c’est toujours assez casse-gueule, donc je me dirige souvent sur les manchettes familières genre « Prix Médicis » ou bien « Pulitzer », histoire d’éviter les Marc Lévy et consorts… Et là je suis assez ravi de mon choix, « la route » de Cormac McCarthy a obtenu le Pulitzer 2007, et l’auteur, qui n’en est pas à son coup d’essai, a selon moi bien mérité ce couronnement.

Je ne m’attendais pas vraiment à un tel récit d’anticipation, qui décrit la quête et la survie d’un homme et de son jeune fils (8-10 ans je pense) dans un monde qui a subi l’apocalypse. On ne sait pas vraiment où on est, ni quand, mais il est arrivé un grand malheur… un gigantesque incendie qui a réduit à néant la quasi-intégralité de la faune, la flore et le monde tel qu’on le connaît. Ce dénuement complet laisse les survivants se débattre sur une terre stérile et couverte de cendres, et chercher une nourriture presque inexistante, se défendre contre des bandes dangereuses et parfois anthropophages.

C’est dans cet univers de fin du monde, menant un caddie contenant quelques biens et denrées, que l’homme et son fils (dont on ne connaîtra pas les patronymes, de toute façon ça ne sert pas à grand-chose) tentent de rejoindre l’océan. Il faut éviter les « méchants », trouver à tout prix de quoi manger, et essayer de ne pas perdre la raison.

Imaginez donc un décor et une ambiance à la « Mad Max », mais dont l’histoire et la quête ont pu me faire penser à « Ravage » de Barjavel, et les personnages, les réflexions, les « accents » avaient plutôt une résonance avec « Le voyage d’Anna Blume » de Paul Auster. Néanmoins Cormac McCarthy y apporte sa plume efficace et même parfois redoutable. Car il est à la fois excellent pour la manière dont il tient en haleine son lecteur avec des péripéties et une aventure constamment en ébullition, mais il élabore aussi l’univers intérieur des deux personnages avec beaucoup de talent et d’émotion.

J’ai été très très sensible au ton du roman et à son sujet, car il est très rare d’avoir une situation pareille. En effet, il s’agit avant-tout d’un père qui survit et se bat pour que son fils vive, pour que son fils survive dans cette vision apocalyptique d’une authenticité qui fait froid dans le dos à maintes reprises. Et le bouquin est le cri d’amour désespéré et sans limite de ce père pour son fils. Ce n’est pas si courant de voir traiter ainsi l’amour paternel, et surtout avec une telle force, et au final une telle évidence. On n’a pas trop l’habitude d’être ému pour le dévouement et le sacrifice d’un père pour son fils, et réciproquement de ressentir l’amour filial en retour. Mais le livre est assez bien écrit et originalement fagoté pour que cela tombe sous le sens. Du coup l’émotion est d’autant plus palpable, et est naturellement véhiculée au lecteur (enfin moi, en tout cas !).

On voit aussi le gamin évoluer à mesure que le récit se poursuit. Le père tente d’inculquer à son fils le minimum pour qu’il puisse se débrouiller, mais aussi certaines valeurs. Et réciproquement, le fils maintient le père dans une certaine humanité, et fait tout pour qu’ils restent « les gentils ». J’ai beaucoup aimé cette image de l’enfant qui n’est pas qu’une réplique miniature de l’adulte, mais un être à part entière, qui même s’il se « construit » possède une personnalité et des crédos.

Concernant l’écriture, on n’est dans une littérature américaine comme j’aime… Tranchante, efficace, agréable à lire et plutôt « simple », qui sans user d’artifice et de chichis ne verse pas non plus dans l’aridité ou « l’emporte-pièce ». Cormac McCarthy a le mot juste et l’expression qui fait mouche. Son style reflète incroyablement bien l’univers qu’il décrit, gris et violent, inhumain et imprégné des dernières notes d’espoir portées par les deux protagonistes.

La route - Cormac McCarthy

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  • C’est aussi lui qui a écrit No country for old men, adapté au ciné par les frères Coen et oscarisé 4 fois. La route est sur ma liste de bouquins à lire prochainement.

  • Comme tu évoques le style de McCarthy, je me permets de souligner le formidable travail du traducteur, François Hirsch… C’est un peu injuste (non?)de parler de la qualité de l’écriture en oubliant le traducteur.

  • C’est justement ma lecture du moment! Les ‘et’ à répétition de la traduction m’agacent un peu, mais le récit est vraiment captivant. Je suis bien curieux de voir comment il va se terminer.

  • Terriblement déçu par ce roman noir ! et pas du tout d’accord avec vos commentaires, mais après tout chacun son ressentit. Personnellement je l’ai trouvé bourré de répétitions, traduit trop mot à mot de l’américain, et très américain tout court dans l’âme (s’il en a une) car hanté par l’éternel problème du bien et du mal (et encore il nous a (presque) épargné la problèmatique religieuse !). Pour moi hélas, Zéro émotion, et zéro plaisir jusqu’à la dernière page….
    Seul conseil à ceux qui seraient intéressés: lire au hasard quelques pages (notamment les dialogues…édifiants) toutes les 50 p et vous serez fixés.

  • je ne suis pas une lectrice du fantastique, je n’ai pas complètement adhérée, mais le côté “mad max” ressort beaucoup. Beaucoup plus violent mais j’ai préféré “no country for old men” ne pas s’arrêter en chemin, il y aurait du bon chez chaque auteur. Tout dépend de son état d’esprit au moment de son immersion dans un livre.

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