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Pectus est quod disertos facit. ∼ Pédéblogueur depuis 2003 (178 av LLM).

Le Projet Laramie par Green Paradise

Matthew Shepard et The Laramie Project

Je parcours les quelques liens qui ont retenu mon attention aujourd’hui, dans le registre familier que vous connaissez bien, et je trouve que c’est parfaitement représentatif de la situation actuelle, en tout cas de mon état d’esprit. Je suis ravi de constater que des jeunes homos sont de plus en plus à l’aise dans leurs peaux et leurs baskets. Cette vidéo de ces lesbiennes ironisant sur leur sacrosainte habitude de se coller aux basques lorsqu’elles sont en couple, est absolument désopilante. Je me reconnais bien dans cette génération qui bénéficie d’une grande liberté et à certains égard d’une joviale insouciance qui est essentielle à cette période de la vie. Il y a quatorze ans, je débarquais à Paris, et j’allais connaître aussi l’émancipation la plus salutaire de mon existence.

Mais tout cela n’est valable qu’après le fameux “it gets better“. Avant cela, et ça dure depuis des années et des générations, nous sommes toujours autant la proie de la pire opprobre lorsqu’on est plus jeune. Chaque pédé et goudou a alors pu vivre un véritable calvaire. Ce qui ne me tue pas me rend plus fort, oui c’est bien vrai, mais ce qui tue… tue. On a des exemples de ces gamins qui ont échoué à ces épreuves, et l’ont payé de leur vie… Aujourd’hui c’est Paul qui raconte dans une “lettre à sa mère” les difficultés et souffrances qu’il a dû endurer pendant sa scolarité. Il a dix ans de moins que moi, et je pourrais faire un récit peu ou prou similaire, j’imagine qu’en ce moment même des milliers de gamins souffrent des mêmes maux au collège. It gets better certes, mais il faudra bien qu’on arrive aussi à évoluer à ce moment là de la vie.

Enfin, Joe reposait le doigt sur les émeutes de Stonewall et le fameux 27 juin 1969. Ceux qui me lisent depuis quelques temps connaissent mon attachement à ces événements fondateurs de la lutte LGBT, et de mon militantisme pro-folles.

Une semaine avant la Gay Pride parisienne, et alors que nous militons pour le mariage pour tous, je n’oublie pas que l’homophobie est toujours aussi ancrée dans notre société. J’ai aussi évoqué à maintes reprises mon ressenti à ce sujet, et revenait souvent le cas de Matthew Shepard. J’ai été bouleversé en 1998 lorsque cette nouvelle était parvenue à nos médias (un peu gênés à l’époque d’ailleurs je me rappelle en devant préciser l’homosexualité de la victime) : un jeune homme de 22 ans avait été retrouvé battu à mort, et laissé pour mort, dans un champs au pied d’une barrière de fils barbelés. C’était à Laramie dans le Wyoming, à 7765 km de Paris (à vol d’oiseau). J’avais aussi 22 ans à l’époque, et je sortais autant que je pouvais, découvrant le Gay Paris et ses plaisirs, et réalisant ainsi mon initiation de jeune homo. Le parallèle m’avait troublé, et depuis je pense à lui à chacun de mes anniversaires, en me disant que Matthew avait tellement de choses à vivre…

En 2002, j’ai vu un film “The Laramie Project” qui revenait sur l’histoire du crime de Matthew Shepard. Il s’agit d’une étonnante mosaïque de témoignages des habitants de Laramie, et ainsi on reconstitue toute la narration de l’attaque au procès en passant par la mort de Matthew et l’extrême médiatisation de l’affaire. Car Matthew était vivant lorsqu’il a été retrouvé, et il n’est mort qu’une semaine plus tard à l’hôpital. Le film est basé sur la pièce du même nom, de Moisès Kaufman, et les deux oeuvres sont très proches dans leurs structures et approches (l’auteur de la pièce a aussi réalisé le film). La genèse de tout cela, c’est la troupe de théâtre new-yorkaise de Kaufman, le Tectonic Theatre, qui décide de débarquer à Laramie trois semaines après le meurtre. Ils veulent comprendre.

Ils ont passé ainsi énormément de temps, en tant que comédiens et artistes, à interviewer et collecter des informations sur les habitants, des témoins de l’affaire, des amis des uns et des autres, mais aussi sur les tueurs. Ils ont essayé de comprendre à leur niveau, à leur manière, ce qui s’est passé là. Et ils en ont témoigné avec leurs outils et leur expression : par le théâtre. En 2006, j’ai eu la chance d’assister à une représentation de la pièce “Le Projet Laramie” au Vingtième Théâtre, et j’avais trouvé le procédé assez extraordinaire. En effet, elle consiste, comme pour le film, en un patchwork des interviews qui ont été menées par les comédiens. Toute une partie de la pièce repose sur des comédiens qui jouent donc à la fois les intervieweurs et les habitants de Laramie, exactement comme si l’on était dans un reportage télévisé.

Cette candeur de l’interview du péquin local distille une kyrielle d’information sur l’homophobie, plus ou moins violente, politique ou “ordinaire” des gens de Laramie. Mais cela permet aussi une extraordinaire ouverture sur les événements et leur portée dans le monde. La pièce est aussi intéressante dans le fond que dans la forme, et elle arrive à couvrir l’ensemble des données qui sont forcément manquantes lorsqu’on lit un simple article de presse. Que ce soit via ces interviews, ou bien avec les vénéneux discours de Fred Phelps (le fameux leader du “God hates fags”), ou encore en prenant conscience des tenants et aboutissants (parfois inattendus) de ce crime homophobe, on ressort de là plus touché que jamais par la mort de Matthew. Cette mort cependant a fini par donner aux USA le Matthew Shepard Act et cette oeuvre, qui à son humble niveau, contribue à lutter contre l’homophobie, et nous donne un peu foi en l’avenir.

Si je vous reparle de Matthew Shepard et du Laramie Project, c’est parce que mon chérichou d’amour met en scène et joue dans cette pièce dans une dizaine de jours. Habituellement, je ne fais pas de publicité pour lui, mais là c’est Matthew Shepard, et je pense que ça va vraiment être très bien. Ce ne sera certes pas une comédie à se taper le cul par terre, mais je pense que vous n’en ressortirez pas indifférents.

La pièce de joue du 3 au 7 juillet 2012 à Confluences (Métro Philippe-Auguste dans le 20ème arrondissement de Paris). Vous pouvez achetez vos places sur BilletReduc.

Le Projet Laramie par Green Paradise

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  • Je suis prof dans une école (privée) américaine. Cette année, la pièce choisie et montée par le directeur du théâtre et les élèves était “The Laramie Project”. Les productions de théâtre dans notre école sont généralement excellentes, mais j’ai rarement été bouleversée comme je l’ai été par cette pièce. Les acteurs étaient remarquable, endossant tour à tour différents rôles, par un simple changement d’accessoire ou un déplacement sur scène. La violence, l’émotion, la haine, la compassion étaient palpables, difficile de ne pas retenir sa respiration. Pour la petite histoire, l’école avait engagé un flic pour les soirs de représentation, craignant les manifestations des extrémistes qui ne manquent généralement pas de se déplacer à chaque fois que cette pièce est montée. Ils ne se sont pas montrés cette fois (il faut dire aussi que nous avons eu une tempête de neige, très appropriée avec l’ambiance de la pièce…)
    Je ne serai pas à Paris début juillet, dommage, j’aurais aimé voir une autre mise en scène. Parisiens, si vous en avez l’occasion, ne manquez pas cette pièce!

  • Je pense d’ailleurs que la pièce passe tout de même mieux en version originale, c’est ce que j’avais pensé quand je l’avais vue en français ici. Il y avait quelques pics émotionnels avec lesquels j’avais eu du mal en tant que franchouillard élevé dans le cynisme. :redface:

    C’est marrant tu es la seconde personne à me parler de la pièce montée en ce moment (l’autre est normande et a eu lieu la semaine dernière !!). ;-)

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