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Pectus est quod disertos facit. ∼ Pédéblogueur depuis 2003 (178 av LLM).

Les Invisibles

Les Invisibles (Sébastien Lifshitz)

A la base, on vous explique que c’est un documentaire de presque deux heures à propos d’homosexuel(le)s âgé(e)s de (bien) plus de 70 ans qui parlent de leur vie… Evidemment, on peut présager le pire. Mais là, il se trouve que c’est simplement et justement : le meilleur. Sébastien Lifshitz livre là à la fois un film formellement accompli, mais surtout des messages en filigrane d’une richesse et authenticité qu’on n’aurait pas mieux expliqué en des heures de débats ou d’études. Et en plus de tout ça, c’est drôle, si drôle qu’on se marre franchement à maintes reprises, et qu’on retient ses larmes à d’autres, par émotion, par petites tranches de bonheur ainsi véhiculées, ou par la frustration du militant qui sommeille en chacun de nous.

Ces témoignages sont fascinants car ils font l’étonnante synthèse de toute une communauté. Oui c’est fou mais on se retrouve tous dans ces personnages, et tant et si bien qu’on réalise à quel point les gays et lesbiennes sont à la fois des individus caractéristiques et en même temps des gens parfaitement “comme les autres”. J’ai aimé trouver la filiation entre mon histoire et la leur, alors que plusieurs générations et révolutions sociétales nous séparent. Nous n’avons donc pas traversé notre homosexualité de la même manière mais nous avons bel et bien des points communs. C’est fou ! Et au final, on voit des gens en couple, célibataires, à la ville comme à la campagne (et étrangement surtout là !), des professions intellectuelles ou manuelles, des gens fidèles ou d’autres plus volages et légers, des militants ou des quidams plus discrets, bref on retrouve à la fois des caractères familiers et “standards” du gay actuel, mais le film est avant tout la peinture d’individus et de personnalités aux caractères bien trempés.

Il faut aussi vraiment saluer les qualités formelles de ce documentaire qui bénéficie d’une véritable patte de cinéaste. Les portraits sont brillamment filmés, et le montage est extrêmement habile et efficace. Malgré un rythme assez classique et presque lancinant qui voit se succéder les personnages par bribes et réminiscences, le réalisateur compose une série de portraits authentiques et troublants. Chaque personnes ou couple se raconte et explique son vécu, ses expériences, la manière dont l’homosexualité fut révélée et “digérée” puis pleinement assumée. C’est l’occasion de moments émouvants, parfois historique notamment avec les lesbiennes qui furent souvent des activistes de la cause féministe dans les années 60-70, mais aussi de belles rigolades. Les anecdotes sont parfois croustillantes, et la parole déliée ou désinhibée de la personne âgée est un régal dans ce film. On rit de bon coeur à certains mots crus, ou bien à des démonstrations affectives parfois retenues mais souvent bien éloquentes. Il y a notamment des deux petits vieux à Marseille avec l’un des deux qui coupe l’autre et est “haut en couleur”, ou bien ce couple de lesbiennes qui vivent à la campagne, dont l’une est d’ailleurs maire, et qui racontent une histoire d’amour qui touche fabuleusement.

Ce documentaire est génial parce qu’il n’est pas du tout une oeuvre militante ou un manifeste, mais tout naturellement la composition de l’ensemble touche n’importe qui. Ces histoires et récits du quotidien provoquent autant de résonances avec les histoires de nos parents et grands-parents, et le fait que ce soit des personnes âgées avec une grande vie “derrière eux” nous donnent des perspectives sur nos propres vies. On ne peut pas déconner avec eux en leur promettant un avenir de tel ou tel type lié à leurs comportements ou actes, non non, ils sont vieux, ils peuvent d’ores et déjà eux-mêmes nous expliquer ce qui a fonctionné ou pas, ce en quoi ils croient et la manière dont ils ont été influencés et par qui, par quoi, comment. Et ils sont vieux, donc on les respecte, ils sont sages, ils n’ont plus rien à perdre quelque part, et on ne peut qu’apprendre de leurs expériences et manières d’appréhender la vie.

Ce film est programmé dans 6 salles à Paris, 2 en banlieue… et apparemment une cinquantaine d’autres pour toute la France. Donc ce n’est pas un raz-de-marée qui lui donnera une longue vie, mais il faut espérer que le bouche-à-oreille va fonctionner car ce docu a le potentiel de toucher n’importe qui, homo ou hétéro. Allez-y, c’est beau, intelligent, sensible, drôle et percutant !!!!!

Les Invisibles

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