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Drapeau du Portugal

Grândola, Vila Morena

Je suis tombé sur ce touite hier qui explique et montre que des militants anti-rigueur (le Portugal vit une politique d’austérité drastique qui réduit énormément les budgets publics) ont entonné le fameux Grândola, Vila Morena coupant la chique du Premier Ministre en plein hémicycle. J’ai découvert cette chanson emblématique de Zeca Afonso dans le film “Capitaine d’Avril” de Maria de Medeiros qui raconte la révolution des Œillets portugaise du 25 avril 1974. C’est une de ces chansons militantes qui racontait un épisode de fraternité et solidarité dans la ville de Grândola, et qui avait été censurée puisque trop bel exemple d’attitude communiste pour le gouvernement salazariste. Lorsque le mouvement des capitaines (c’est une partie de l’armée qui a libéré le Portugal) a lancé l’offensive, ils ont joué cette chanson à la radio comme symbole du changement et illustration de leur lutte.

Je connais peu la situation au Portugal ou le rapport des portugais à cette chanson qui n’est pas l’hymne national non plus, mais j’imagine qu’il était impossible de faire taire ces militants. Cette chanson incarne la révolution des Œillets et les idéaux portés par celle-ci, elle est à la base même de ce qu’est devenu le Portugal depuis la fin de la dictature. C’est un peu comme si on se mettait à chanter la Marseillaise dans l’hémicycle, je pense que personne ne saurait comment réagir, et serait aussi gêné que ce Premier Ministre. Mais autant la Marseillaise est un chant guerrier auquel j’ai du mal à adhérer (à replacer somme toute dans son contexte), autant Grândola, Vila Morena est une chanson d’une troublante beauté. Il faut dire que j’ai un grand amour de la langue portugaise, et là les paroles et cette musique très simples prennent immédiatement aux tripes. En outre, la solennité et la dignité qui s’en dégagent renforcent encore son impact.


Grândola, Vila Morena – Zeca Afonso

Grândola, vila morena
Terra da fraternidade
O povo é quem mais ordena
Dentro de ti, ó cidade
Dentro de ti, ó cidade
O povo é quem mais ordena
Terra da fraternidade
Grândola, vila morena
Em cada esquina um amigo
Em cada rosto igualdade
Grândola, vila morena
Terra da fraternidade
Terra da fraternidade
Grândola, vila morena
Em cada rosto igualdade
O povo é quem mais ordena
À sombra duma azinheira
Que já não sabia a idade
Jurei ter por companheira
Grândola a tua vontade
Grândola a tua vontade
Jurei ter por companheira
À sombra duma azinheira
Que já não sabia a idade

Grândola, ville brune
Terre de fraternité
Seul le peuple ordonne
En ton sein, ô cité
En ton sein, ô cité
Seul le peuple ordonne
Terre de fraternité
Grândola, ville brune
À chaque coin un ami
Sur chaque visage, l’égalité
Grândola, ville brune
Terre de fraternité
Terre de fraternité
Grândola, ville brune
Sur chaque visage, l’égalité
Seul le peuple ordonne
À l’ombre d’un chêne vert
Dont je ne connaissais plus l’âge
J’ai juré d’avoir pour compagne
Grândola, ta volonté
Grândola, ta volonté
J’ai juré de l’avoir pour compagne
À l’ombre d’un chêne vert
Dont je ne connaissais plus l’âge

[Source Wikipédia]

Je vous conseille encore une fois le film “Capitaines d’Avril” qui raconte cette journée extraordinaire du 25 avril 1974 qui a vu une poignée de capitaines (les généraux et autres gradés étaient complices ou soumis à la dictature) renverser ce gouvernement fascisant (régime autoritaire, conservateur, catholique et nationaliste), au pouvoir depuis 1933. J’ai toujours été épaté de cette révolution par son ampleur et son souffle de liberté, mais aussi parce que pour une fois l’armée libère le peuple, et ne s’en sert pas pour prendre le pouvoir et placer une junte à la tête de l’état. Non seulement ce fut une révolution qui n’a pas versé une goutte de sang mais elle a aussi eu le mérite de proposer une concorde nationale et une incroyable transition démocratique.

C’est aussi génial que surprenant quand on réalise comme ce pays a été muselé, comme la police secrète (la PIDE) a épié, enfermé, torturé, censuré ce peuple. On imaginerait une forme de vengeance ou bien un “nettoyage” de l’état, des dignitaires, et des administrations en place, même si cela mène forcément à une “Terreur” comme nous l’avons vécu dans notre pays dans les années (17)90. Au lieu de cela, le choix qui a été fait, et dont je ne reviens toujours pas, c’est de “pardonner” et d’accepter, pour éviter le bain de sang ou la guerre civile, que la démocratie s’instaure mais sans bouleverser les forces en présence. Ainsi les généraux salazaristes sont restés en l’état, et j’imagine que les collabos et les oligarques d’hier sont encore aujourd’hui en place (ou comme dans toute “bonne” société occidentale moderne — et donc népotiste — leurs enfants et petits-enfants). Mais quelle révolution !!!

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  • Personnellement, le fait que la Marseillaise soit guerrière ne me gêne pas, au contraire. La Révolution, c’est aussi la guerre, la conscription, la levée en masse – c’est aussi le meurtre politique, les épurations, et la guerre civile. Et notre Histoire, c’est tout ça. C’est complexe, ce ne sont pas des icônes de porcelaine : bref, la Marseillaise reflète la complexité et les paradoxes de cette époque qui fonde notre nation. Je suis affligé quand on parle d’en modifier les paroles. Ce serait comme enlever le rouge du drapeau parce que c’est une couleur trop violente pour notre époque molle et déconnectée de la dureté de l’Histoire :)

    • Oui c’est pour cela que j’évoquais le contexte de la Marseille qui explique ses paroles. Je ne voudrais pas non plus qu’on en modifie les paroles. En revanche, si on changeait carrément d’hymne pourquoi pas… :whistle:

  • Une réplique qui m’avait marqué dans le film que tu cites, c’est que lorsque les chars ont convergé vers le palais présidentiel, les chauffeurs avaient pour consigne de respecter le code de la route pour éviter d’écraser accidentellement des civils. Ce qu’un capitaine résume par : “La révolution qui s’arrête au feu rouge”…

    • Ah mais oui ! :yahoo:
      Et moi je pense que le plus beau passage c’est celui où les chars sont sommés de tirer sur d’autres soldats révolutionnaires. Et les soldats en question n’arrivent pas à tirer, ils finissent tous par rejoindre le mouvement de libération ! C’est beauuuuuuu !!! Et c’est Praça do Comércio, ça fait bizarre d’y aller à Lisbonne et de se souvenir….

  • Cette chanson est très émouvante pour moi, j’étais jeune ado en 1975 et je me souviens de la forte émotion, de la joie aussi, que nous partagions tous. Je me souviens de fêtes où l’on mangeait des boulettes de morue que les Portugais appelaient « les couilles de Salazar ». Je me souviens des copains portugais du collège, fiers, si fiers de cette « révolution des œillets ».

    Et puis, je peux me tromper et avoir réinterprété ma mémoire mais il me semble que la diffusion à la radio de Grândola était un signal convenu entre révolutionnaires de déclenchement des opérations.

    • Dans le film c’est cela en effet, ils évoquent le signal donné pour faire comprendre que la radio est entre leurs mains, et cela permet de coordonner les autres opérations. Mais ils évoquent aussi le signal donné aux gens…

  • merci de me donner l’occasion de réécouter zeca afonson qui chante ce chant révolutionnaire.
    peut être qu’un jour viendra où nous inventerons le notre un chant de colère et de détermination

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