J’ai entendu parlé de ce livre pour la première fois dans la bouche d’Elisabeth Quin. Elle en vantait l’excellence en plus du fait que son auteur, Jeffrey Eugenides, était l’auteur de « Virgin Suicides » et qu’il avait remporté le Pulitzer avec ce nouveau bouquin. Ce furent trois arguments (Elisabeth Quin, Virgin Suicides et le Pulitzer) qui me persuadèrent de l’acheter au plus vite.
Ce bouquin est une saga familiale qui se tient sur trois générations, il s’agit de la chronique d’une famille grecque de Smyrne qui est contrainte à l’exil lorsque les Turcs s’emparent de la ville en l’incendiant. Le livre raconte l’histoire de Desdemona, la grand-mère, et de Calliope, la petite-fille, par le récit circonstancié dont cette dernière est la narratrice. Ainsi Calliope parle à la première personne, ou rapporte à la troisième l’histoire de sa grand-mère, celle des parents étant plus vue comme le lien tangible entre les deux.
Calliope n’est pas une fille ordinaire. Sa grand-mère, Desdemona, avait le pouvoir de deviner le sexe des enfants à naître grâce à l’orientation d’une petite cuillère sur le ventre d’une femme enceinte. Elle avait ainsi prévu que sa fille aurait un fils, et elle s’était manifestement trompée quand Calliope naquit. Mais pas complètement, puisque la petite fille est dotée d’une particularité génétique récessive très rare qui fait qu’elle est génétiquement un homme, muni des attributs sexuels des deux genres. A la naissance, personne ne remarque rien, et c’est seulement à quatorze ans que Calliope fait le choix de d’assumer son choix de se révéler en tant que garçon : Cal. Le narrateur, donc, explique sa spécificité génétique par un secret de famille, révélé par sa grand-mère. La consanguinité à l’époque était assez répandue et commune, or sa grand-mère était mariée à son cousin… qui était aussi son frère ! On apprend ensuite, que leur fils se marie avec une cousine de ce dernier, et qu’ils engendrent enfin Calliope, révélant ce gène enfoui.
Le bouquin comprend plusieurs niveaux de lecture et d’intrigue. En effet, il s’agit de l’épopée d’une famille déracinée, d’une intrigue sociale des années 60-70, de l’histoire de générations d’immigrants qui vivent le rêve américain et enfin de l’expérience de Callie, qui montre comment elle a vécu sa différence, et a fini par assumer son sexe génétique (celui d’un homme). On passe surtout à travers le temps et les lieux, dans des portraits de famille irrésistibles ainsi que des personnages attachants et fascinants. L’écriture est fantastique, et ne souffre pas du tout de la relative longueur de l’histoire (et le poids du bouquin de 670 pages). Le style global, au contraire, est tout le temps renouvelé et dynamisé par ces intrigues qui oscillent avec les générations et les contextes.
Enfin, l’histoire de Calliope est à la fois triste et belle. On ne peut pas dire qu’elle ait souffert de sa nature ambivalente, puisqu’elle est restée incognito pendant quatorze années. Et même si elle a enduré des années d’adolescence difficiles de son manque de puberté, puis de la révélation de sa nature virile, elle a été aimée par ses parents et a eu une belle enfance. La description de son calvaire et de sa quête est particulièrement émouvante et remarquablement présentée. Je suis épaté du brio avec lequel l’auteur a entremêlé des intrigues si diverses, tout en rendant chacune palpitante, et sans jamais friser la caricature. Vraiment c’est un roman dont on ne peut se défaire avant de l’avoir terminé.
D’accord avec toi.
Je l’ai acheté par hasard à sa sortie. Quand je dis par hasard, j’exagère.
Mais je ne me doutais pas qu’il me plairaît tant.
Ce n’est pas la littérature dont j’ai l’habitude…
Fortement conseillé.
La fin est un peu bâclée et ratée mais le livre reste intéressant. La famille grecque veut emménager dans une banlieue wasp. Bizarrement, les agences immobilières n’ont plus aucune maison à proposer. Le melting pot américain est très segmenté.