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Pectus est quod disertos facit. ∼ Pédéblogueur depuis 2003 (178 av LLM).

Joan Miró, 1917-1934 La naissance du monde

Le Centre Georges Pompidou organise toujours des expositions d’une grande qualité et cette fois encore, je n’ai pas été déçu. La manière dont les œuvres sont agencées, les explications qui introduisent chaque salle, ou apportent un éclaircissement historique et artistique, le choix des compositions, l’aspect didactique global, vraiment c’est une réussite. Et puis, c’est cool d’y aller le soir comme ça en nocturne, il n’y a pas grand monde et c’est hyper agréable d’arpenter les couloirs d’un musée quand le soleil se couche sur Paris.

Il s’agit en fait d’une rétrospective assez énorme sur les peintures et compositions de Miró de 1917 à 1934. Or, on est habitué à des toiles avec ce style unique qui le caractérise, ces peintures avec ce bleu incroyable et ce langage pictural onirique, cette logorrhée géométrique et colorée abstraite que chacun peut interpréter à l’envi pour créer sa propre histoire. Et là, l’expo démonte cette idée reçue et cette vision ultime de Miró pour nous présenter un artiste qui a cherché, exploré, testé, visité, étudié, fouillé, tenté pendant des dizaines d’années avant d’aboutir à ce style que nous connaissons. En même temps, c’est cette même quête et cette recherche d’expression qui nous fait comprendre les remises en question artistiques qu’il a formulées, les différentes phases de sa peinture et le cheminement logique jusqu’à sa vision du monde à la « Miró ».

Il est donc passionnant de voir les premières toiles de Miró et de constater l’influence galopante des artistes de son époque sur ses œuvres. C’est dingue de voir que les deux premières salles semblent être remplies de Klee, Braque, Malevitch, Kandinsky, etc. Chaque salle a un texte d’introduction qui situe un peu le contexte biographique, mais des passages de lettres échangées entre Miró et des artistes et amis émaillent l’exposition pour donner une idée de l’état d’esprit de chacun. Parfois, c’est comme si Miró en personne venait nous expliquer son œuvre, traduction simultanée et spontanée de son état d’esprit, son humeur ou ses désirs fantasques. Et peu à peu, on réalise l’évolution du peintre. Il invente de plus en plus son propre code d’expression, sa propre symbolique géométrique et colorée, son bestiaire plus ou moins abstrait. Il abandonne la peinture à un moment, pour faire des collages avec du goudron même à une période, ou bien il se met à créer des sculptures avec ce qui lui tombe sous la main. Et puis, hop, il se réconcilie avec la peinture, et repart dans un autre souffle créatif, explorer d’autres voies.

L’avantage de ce genre de peintre et de peinture, c’est qu’il n’est pas nécessaire d’avoir une énorme culture pour apprécier, ni même de connaître l’artiste et ses toiles, puisqu’il n’existe pas vraiment de règles pour décoder une telle expression. Chacun est libre d’aimer ou pas, de comprendre ou pas, de trouver que c’est moche, choquant ou troublant émouvant, sensible ou nul à chier. Miró lui-même réfutait toute critique de son travail, et fait partie de ces artistes qui attendent un simple exercice de sensibilité de la part de celui qui regarde la toile. Aussi, il n’y a pas à s’appesantir sur les techniques ou les diverses dissertations sur le sujet, il faut simplement s’abandonner à cette lecture instinctive des rêves d’autrui. L’expo est aussi agréable pour cela, j’ai zappé des parties entières qui ne m’intéressaient pas du tout, tandis que je suis resté scotché sur des choses qui ont du saoulé d’autres.

Il y a deux parties de l’expo que j’ai trouvée particulièrement bien faites. La première c’est une création pour Beaubourg. Il s’agit d’un tableau (le carnaval d’arlequin) qui est déconstruit et reconstruit d’un écran à un autre sur une musique particulière. C’est une démonstration originale de la vigueur et la dynamique des toiles de Miró, avec ce jeu des bestioles qui animent ce tableau aux mille interprétations. Et puis, une petite salle rassemble aussi les diverses études que le peintre avait faites (croquis de vêtement, décors de scène en bois, graphismes et couleurs des rideaux) lorsqu’il avait participé en 1932 au ballet « Jeux d’enfants » pour les ballets russes de Monaco. Et la salle diffuse aussi un enregistrement d’époque du ballet qui est très impressionnant.

Et puis, l’apothéose… ce qu’il faut voir en grand, en vrai, en couleurs réelles de la vie qui tachent et éclaboussent tes yeux, ta tête et ton cœur, le triptyque qui déchire tout : Bleu.

Bleu I

Bleu II

Bleu III

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