MatooBlog

Pectus est quod disertos facit. ∼ Pédéblogueur depuis 2003 (178 av LLM).

10ème chambre, Instants d’audience

Je suis finalement allé voir le documentaire de Depardon ce week-end. J’étais déjà étonné de ne pas l’avoir raté aux halles, persuadé qu’il ne resterait qu’une semaine ou deux à l’affiche, mais à l’évidence, il marche plutôt bien, et la salle était comble. J’avais été complètement fasciné par « Délits Flagrants » que j’avais vu il y a dix ans, et que j’avais trouvé plus que passionnant autant dans le fond que la forme. J’ai déjà lu quelques blogocritiques (ici, , et ) sur ce film, et je dois dire que malgré la bonne impression générale qui se dégage, je suis très proche de l’avis de Jean-Sébastien.

Dans la forme, j’ai trouvé que « Délits Flagrants » bénéficiaient d’un traitement un peu plus élaboré de l’image et que le réalisateur avait aussi communiqué par la manière dont il avait cadré ses scènes et personnages. Là, on est dans un mode beaucoup plus simple et sobre, plusieurs caméras ont été posées et filment…

Dans le fond, on est sur une problématique identique… des gens comme vous et moi se retrouvent en justice et on sent que ce n’est pas une sinécure, ni pour les accusés, ni pour les juges ou les avocats. On ressent très vite les limites du système judiciaire, et la manière dont les gens les plus fragiles peuvent se faire happer par cet engrenage. Mais j’ai été un peu choqué par les gens dans la salle qui pensaient peut-être qu’il s’agissait d’un Jerry Springer Show à la française. Les gens commençaient à commenter tout haut, à discuter entre eux, et à rire de manière inconvenante. Mais c’est vrai que certains sont drôles, mais drôles parce que stupides ou psychologiquement très faibles, alors j’ai souri à plusieurs moments, mais un (sou)rire jaune et plutôt gêné. Après c’est vrai que certaines scènes sont cocasses et que le juge même ne peut réprimer un sourire ironique.

Mais du coup, je n’ai pas pu m’empêcher d’y voir un pastiche de l’émission Strip Tease. Je ne sais pas si c’est dû au choix des protagonistes avec leurs histoires abracadabrantes, ou bien si c’est simplement lié à la manière de filmer. Il n’en reste pas moins que l’effet est aussi saisissant que pour « Délits Flagrants », avec là en plus, une focalisation plus importante sur les artisans de la justice que sont les procureurs, juges, avocats. D’ailleurs ces derniers en prennent pour leur grade, puisque la plupart sont commis d’office et pas très « forts » dans leur plaidoirie (voire une catastrophe d’un bleu qui anone une défense à la limite du bon sens).

Et puis, on est évidemment touché et ému par la détresse de certaines personnes qui font des conneries en dépit du bon sens et se retrouvent là sans bien en comprendre les funestes implications. C’est drôle de constater le réflexe des gens incriminés qui expriment implicitement le fait de n’avoir pas eu de chance de se faire pincer (ce qui agace pas mal les juristes). Et cette justice fait peur dans ce qu’elle repose vraiment sur des hommes et des femmes que l’on sent fragilisés par un système qui évacue les cas par dizaines à l’heure, et finit par perdre pied.

Enfin, au début du document, il est précisé que les noms et adresses des personnes ont été changés, mais comment ça ? On entend clairement le président les appeler et les nommer, alors qu’est-ce qui a bien pu être changé ? Et ces gens avaient-ils le droit de refuser qu’on les filme ? Je me demande bien ce qu’on a pu dire à ces gens pour leur faire avaler la couleuvre qui consiste à les filmer lors de scènes que je considèrerais personnellement comme dégradantes.

10ème Chambre, Instants d'audience

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  • On voit très clairement dans le film que les “noms” prononcés ne correspondent pas aux mouvements des lèvres et sont donc des faux.
    Et évidemment que les gens avaient le droit de refuser, c’est déjà un miracle que Depardon ait eu le droit de filmer dans le tribunal ! Ce genre de choses est très strictement encadré…

  • Es-tu déjà allé assister à des audiences, Matoo ? J’ai évidemment peu d’expérience, mais ça ressemble beaucoup à cela. J’avais la première fois que je suis allé au tribunal (j’étais “victime collatérale” d’un vol) remarqué la similitude avec Strip Tease aussi. Mais pour le coup, c’était “la vérité vraie”, la confrontaiton à des petites frappes qui n’y comprenais pas grands, des grands imbéciles qui se laissent faire par des plus forts et plus malins, des histoires plus ou moins sordides (mais pas trop, c’était des comparutions immédiats pour la plupart, pour des vols, du deal de mariejeanne, de la conduite en état d’ivresse…)
    Et sans exceptions, les “coupables” avaient eu des explications abracadabrantesques genre le biélorusse qui expliquait qu’il servait d’indic aux flic et qu’ils lu permettaient de voler en échange (ben tiens) et en plus il se disait apatride parce qu’il était venu en France du temps de l’URSS et que son pays n’existait plus, etc.
    Je passe sur le mec qui battait sa femme et ne comprenais pas que ce soit mal… ou encore ce gars qui, privé de permi, conduisait ivre la voiture de sa femme qui l’avait quitté… etc.
    Non, mio j’ai trouvé ce film très proche de ce que j’ai vécu les quelques (3) fois où je suis allé au tribunal de grande instance.

  • Je n’y suis jamais allé. Et je suis d’accord avec toi Arnaud. C’est aussi ce qui me paraît terrible, et excellent dans ce film… Ouh lalala, les gens… :help:

  • Oui, de mon expérience aussi les audiences peuvent être d’une bouffonerie invraisemblable.

    Anecdote vécue, sur une audience de correctionnelle au hasard que j’étais allé voir :
    l’accusé est un petit bonhomme d’une cinquantaine d’années, monsieur Einstein, un type petit et laid, mal dans sa peau et chômeur de longue durée, chez maman depuis toujours ;
    le procureur décrit comment monsieur Einstein a pris la mauvaise habitude de battre sa maman octogénaire quand il est de mauvaise humeur, c’est-à-dire souvent, conduisant les voisins à le dénoncer à la police. Il n’a pas l’air bien sympa, monsieur Einstein ;
    c’est alors que son avocate prend la parole “sans refuser de reconnaître que ce n’est pas très bien ce qu’il a fait, je dois tout de même souligner que mon client a hérité d’une situation familiale douloureuse. Tout de même, quand, il y a cinquante ans, ses parents ont choisi de prénommer leur bébé Frank, ils pouvaient s’attendre à ce que ça tourne mal”.

  • Meuh… :'( Matoo, je sais que tu visites mon blog, alors j’ai été déçu de voir que tu ne m’as pas cité alors que je parle également de ce documentaire. Je n’ai certes pas commenté beaucoup ni trop donné mon avis, mais pour ceux que ça intéresse, je reviens sur les aspects judiciaires du documentaire dans le billet http://www.enroweb.com/dotclear/index.php?2004/06/28/26-complements-sur-10eme-chambre
    Allez, sans rancunes !! :redface:

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