L’autre fois, je parlais de ce bouquin en disant qu’il était de Gore Vidal dont j’avais déjà lu « Le garçon près de la piscine ». Et puis, je me suis rendu compte que ce dernier titre était celui d’un film de Cadinot, et pas « Un garçon près de la rivière » le vrai ouvrage de Gore Vidal qui est un standard de la littérature homo (paru en 1948). Mais bon j’étais pas loin !
Eh bien, ce bouquin-ci n’est pas construit sur une histoire homo, mais alors constamment ponctué de références pas anodines, à commencer par notre héros : saint Timothée (évêque de Macédoine). En effet, ce dernier est un ex de saint Paul qui n’arrêtait pas de vouloir le trombiner (et saint Timothée nous le confie : « ça fait vraiment mal ! »).
Ridicule ? Oui au premier abord, mais finalement pas tant que ça… Irrévérencieux, ça oui complètement, du début à la fin, et c’est un bonheur.
Je me sens bien incapable de raconter l’histoire, on pourrait croire que j’ai fumé la moquette, alors voilà la quatrième de couv :
Nous sommes à Thessalonique en 96 après J.-C., lorsque d’étranges personnages font irruption dans la vie de Timothée, évêque de Macédoine, ex-secrétaire et petit ami de saint Paul. Ils le pressent d’écrire sa version de l’Histoire sainte, car, loin dans le futur, un cyberpunk, appelé le Pirate, est en train de falsifier ou d’effacer toutes les bandes et tous les volumes contenant les Évangiles ; seul celui de Timothée serait à l’abri du terrifiant virus informatique. Simultanément, grâce à l’intervention de nouveaux logiciels, une équipe de techniciens de NBC s’apprête à remonter le temps pour filmer la Crucifixion en direct du Golgotha. Sous la plume de Timothée, le lecteur ahuri découvre un saint Paul bonimenteur et homosexuel, inventeur des claquettes et du rap, un saint Jacques résolument plus juif que chrétien, un Jésus obèse et boulimique.
Si si si, c’est vraiment ce qui se passe dans le roman, et je vous assure, le plus flippant de tout ça, c’est que cette histoire est tout à fait crédible. En tout cas, c’est irrésistible et cela m’a rendu hilare à maintes reprises. Et le pire c’est qu’on ne sait pas vraiment si ce récit est une déformation due au virus informatique ou bien la parole authentique d’époque (raconté par Timothée en personne). Et quand on pourrait croire que l’auteur fait et dit tout et n’importe quoi, c’est là qu’il nous offre le plus dingue des retournements de situation… un truc à ébranler la foi chrétienne (la mienne est déjà trop compromise, j’en ai peur). Ce bouquin est tellement fin, intelligent et délirant, il se lit en un trait.
L’écrivain est super gonflé de raconter ça comme ça, et en même temps le fond de ce qu’il dit est si juste à certains égards que ça en donne le vertige. Et c’est là que la bouffonnerie apparente révèle un discours critique très bien construit et à la redoutable argumentation.
Vous savez vous pourquoi est-ce que Ponce Pilate a fait crucifier Jésus ?
Eh bien voilà :
Ponce Pilate, avant d’être nommé gouverneur de Palestine, avait été un des premiers économistes de la Banque centrale de Rome. En fait, il avait été propulsé dans les hautes sphères par les anti-inflationnistes qui, sous le règne de Tibère, avaient investi le ministère des Finances. L’empereur, on le savait, préconisait des taux d’intérêt élevés afin de maintenir un taux d’inflation quasi nul – au risque de voir augmenter le nombre de chômeurs parmi la population des hommes libres. Ponce Pilate, comme Jésus, était un tenant de l’économie de l’offre. Il applaudissait donc, intérieurement, à la politique monétaire de Jésus et eût été parfaitement disposé à le nommer roi des juifs, comme Hérode avant lui, mais à condition qu’il se soumette à l’autorité romaine.
Or, Jacques était un des arbitragistes que Jésus avait chassés du Temple, et il était de plus résolument hostile aux mesures inflationnistes de son populiste de frère. Cependant, il payait également tribut au mythe du Messie à jamais vivant dans les milieux juifs : il se devait de suivre son frère en tout. Et puis, pensait-il, une fois que Jésus et Pilate seraient parvenus à un accord, lui, Jacques, pourrait relever subrepticement le taux d’escompte, puisque Jésus aurait alors d’autres chats à fouetter – les préparatifs pour le jour du Jugement et la promotion de l’Etat juif au rang de premier Etat du monde afin que Dieu puisse plus aisément solder toute l’affaire.
En l’occurrence, le ministère romain des Finances ordonna à Pilate d’éliminer Jésus et de rappeler à l’ordre les banquiers du Temple en les plaçant sous l’autorité directe du gouverneur, même si cela devait signifier l’occupation pure et simple du Temple et, par conséquent, la guerre civile. Ponce Pilate se résolut donc, bien tristement, à faire crucifier le premier économiste hostile à un taux d’intérêt élevé que les juifs eussent produit depuis le roi David, un ancêtre de Jésus, lui aussi adepte de l’argent facile.
Il va s’en dire que nous ne dévoilons pas la vraie raison de la Crucifixion ; nous nous bornons à raconter les événements tels qu’ils se déroulèrent. En fait, Jésus était bien roi, et il a réellement menacé à la fois l’autorité romaine et la toute-puissance des rabbins du Temple, dont la banque déterminait la politique monétaire non seulement au Moyen-Orient mais également en Grèce et en Egypte, comme l’atteste une blague financière de l’époque : « Quand Jérusalem mange une huître avariée, Alexandrie vomit. »
C’est un fou cet écrivain !
En tout cas je me suis bien marré rien qu’à lire tes extraits, :mrgreen: je note ça sur ma liste de livres à lire !
Ah mon Dieu, que de blasphèmes ! Diableries que tout cela !
Tiens, il fait du Philip K Dick maintenant, Gore Vidal ?
En tout cas, on ne retiendra pas le passage à l’écran de son Caligula pour la belle écriture (assez :censure: et :petard:, surtout dans la version complète que mon chéri a achetée)… j’imagine par le même réalisateur une version film de ce livre :langue:
Tu lis dans mon esprit Arnaud !!! En fait, le bouquin, dans sa façette SF, fait énormément penser aux éternels de la Fin de l’Eternité. :book:
Ouh pinaise ça a l’air génial faut que je me mette son nom de côté. Ca me fait penser à certains des Brigitte Aubert, où ils se font poursuivre par une boule de caca dans des toilettes géantes à cause de zombis, ce genre de trucs. Miam
un coffee-shop d’amsterdam:
ah bonjour M. Vidal, j’vous 30 g de super skunk com’d’hab’?!
En fait il y a eu une grave crise dans l’Eglise de l’époque : les rites juifs tels que la circoncision étaient respectés, et Timothée, non juif et non chrétien au départ, n’était pas circoncis, et la position de Paul (dont le vrai nom était Saul), qui était très rigoriste sur tous ces trus-là, s’est retrouvé dans une drôle de situation entre son Tim et les règles religieuses.
Autre chose : quand tu écris Saint-Timothée c’est comme si tu parlais d’une église, et quand tu veux mentionner une personne, c’est saint Timothée.
Voili voilou je voulais pas jouer les :boulet: ni les :croa:, faut que je sorte ?
Je peux ajouter que les deux romans de Vidal sont vraiment super, c’est à lire, et aussi les James Baldwin, etc.