MatooBlog

Pectus est quod disertos facit. ∼ Pédéblogueur depuis 2003 (178 av LLM).

Le figuier

Je n’ai donc plus de maison de « famille », malgré le dernier épisode de recomposition familiale qui ne m’étonne pas plus qu’un rebondissement dans les « Feux de l’Amour ».

– Quoi ??? Susan a demandé à Richard de venir vivre avec elle et le petit Christopher, alors qu’ils viennent de divorcer après 30 ans le mariage ?
– Ouai. C’est ça… la routine. Quand t’as vu 200 épisodes, c’est dur de continuer à être surpris.
Enfin, trêve de baliverne, puisque si mon père était resté sur le carreau, on ne sait pas vraiment ce qu’il serait alors advenu de lui.

J’ai toujours été un OVNI dans cette famille. Par exemple, j’ai été très marqué par mon appartenance à quatre pays différents par mes quatre grand-parents, et j’ai tout le temps été attaché à recouvrer les cultures de mes ancêtres… Pourquoi sont-ils venus en France ? Comment se sont-ils rencontrés ? Ai-je encore de la famille là-bas ? Je cultive une grande fierté pour ce métissage hétéroclite (c’est bien tout ce qui est hétéro chez moi, je sais) : algérien, portugais, allemand et français. Même mes cousines/soeurs s’en foutent royalement. (J’ai essayé le néologisme fransines ou cougines mais ça ne fonctionne pas trop.)

En fait, dans ma grande et belle famille, tout le monde a l’air de s’en balancer mais alors totalement. Mes parents ne parlent que français, ils ne connaissaient personne de leurs familles étrangères, ils n’ont que des connaissances lacunaires sur la simple histoire de leurs parents. Pfff. Alors je mène l’enquête dès que je peux, auprès de mes tantes qui sont un peu plus curieuses et aiment en parler. Je pique des photos dont je fais des reproductions pour conserver tout ce patrimoine familiale (tout de même mon grand-père qui arrive d’Algérie avec son turban et, à cette époque, Allah tatoué sur le front, ça le fait grave), et je glane ça et là, des infos.

J’ai rapidement compris qu’à cette époque, on ne gardait pas trop de liens avec le pays. On s’intégrait le plus possible, quitte à en passer par cette amnésie générationnelle. Et puis, le fait qu’il n’y ait pas eu une paire au moins du même pays, n’a pas non plus aidé je pense. Mais surtout j’ai capté que mes grand-parents étaient venus en France poussés par une misère impitoyable. C’est aussi cela le silence sur mes origines, la honte de la pauvreté qui pousse l’émigrant à fuir sa patrie aimée, simplement pour nourrir ses mômes et gagner un peu de dignité.

Mon arrière-grand-père portugais s’est engagé pour la France en 1914-1918 pour échapper à une terrible précarité dans son pays. Il a connu les tranchés du nord, et il a été blessé. Il avait gagné sa place, et après la guerre, il est devenu mineur de fond dans le nord. Quelques années plus tard, il a pu faire venir sa femme, et leurs enfants… mon grand-père. Mon arrière-grand-père a trouvé un meilleur boulot à Paris où l’on recrutait alors des mineurs pour … creuser le métro !!

Mon arrière-grand-mère est venue sans rien. Enfin presque rien, elle avait une pousse de figuier qu’elle voulait faire pousser en France. Ils se sont installés, et plus tard en banlieue, cette pousse est devenue un magnifique et gigantesque figuier dans le jardin de mon arrière-grand-mère. Puis ma grande-tante (Ma Tante) a pris la relève dans la maison. Tout cela à deux pas d’où mon grand-père et ma grand-mère se sont installés. Ce même endroit où ma maman vient d’emménager, où elle est née.

Quand nous avons commencé à habiter notre maison dans le 95, mon père a voulu une pousse de ce figuier, car il était magnifique et il voulait des arbres fruitiers. Ainsi, les descendances humaines et végétales ont continué leur même chemin, et chacun de mes oncles et tantes possèdent un figuier de la même « famille ».

Le jour où j’ai quitté la maison, j’ai demandé à mon pôpa s’il voulait bien me choper une pousse du figuier, le figuier de grand-mère, de la maison pour ma maison à moi à Paris. Mes parents n’ont pas compris sur le coup, et puis je pense qu’ensuite oui. En tout cas, mon père m’a fait cela, et je les récupèrerai ce printemps.

Quand je pense à ce figuier, je revois mon arrière-grand-mère m’en offrir du sien. Et moi j’étais tout môme (5 ans), et je n’arrivais pas à manger ces figues trop mures correctement. Je les éclatais entre mes mains, et je les léchais en riant, en essayant de dévorer cette pulpe rouge et sucrée qui dégoulinait. Mon arrière-grand-mère, Maria Amelia, me parlait alors en portugais et me souriait (elle avait oublié le français sur la fin de sa vie alors qu’elle n’avait pas parlé portugais pendant 60 ans, et je ne m’en souviens pas avant), et je la regardais en me bidonnant.

Le figuier chez mes parents

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  • Moins de commentaire que pour le première sodomie, forcément. Mais c’est tellement plus beau (et pourtant le premier sujet m’intéresse plus!) que ça mérite un énorme BRAVO!

  • Alors c ca le sercret ? Manger des figues enfant tout en écoutant du portugais rendrait gay ? Hum. Ze suis victime de croisements spatiotemporels de forumamatoo kon dirait. :eek:

  • RebornMadeleine > Je crois qu’on peut affirmer que manger des prunes tout en écoutant du patois du Nordrend aussi gay, alors ^.^
    Forcément, toute cette pollution atmosphérique, ça détraque peut-être les arbres fruitiers…

  • T’écris trop, Matoo. Pas le temps de tout lire. Quelqu’un peut-il m’envoyer un résumé sur ma boîte e-mail ? Insister sur LE point capital : a-t-on une chance de pouvoir se le taper, cet écrivaillon :-) (je plaisante – pour “écrivaillon”, pas pour “se le taper”) ? Ou bien, c’est trop tard, il est déjà maqué ? Suggestion : lancer un blog à propos du blog. Un méta-blog constitué de brèves. Ex : aujourd’hui, Matoo a laissé une note sur tel film (il a aimé). Visite au Centre Pompidou. Allusion à un garçon dont l’identité n’est pas dévoilée. :cool:
    Signé : un loulou.

  • “La temps a passé et me revoilà
    cherchant en vain la maison que j’aimais.
    Où sont les pierres et où sont les roses,
    toutes les choses auxquelles je tenais ?”

    F. Hardy, “La maison où j’ai grandi”

  • Je ne sais pas si c’est moi mais quand j’étais gamin et que ma voisine ( charentaise aussi, tiens donc ! ) me donnait des figues parce que faut dire que j’étais très très sage, je mangeais les figues à la file, rassasié j’avais une drôle de sensation sur mes lèvres, poisseuses une sensation que j’ai retrouvée plus tard ( donc quand j’étais grand ) dans des moments plus intimes…:mrgreen:

  • L’ex-copine de mon ex-copain *adore* les figuiers. Comme elle est devenue une bonne amie, je cherche tout ce qui a trait à la figue et au figuier. Vous croyez que je peux aller boire un verre aux (ex-) Scandaleuses la tête haute maintenant ?

  • Présence de vitamines B2, B3, B5, B6, B8, E, de cuivre, de sélénium et de manganèse. Richesse en fibres et calcium, présence d’acide oxalique. Elle favorise un bon transit intestinal.

    Ah bah voilà, on y revient… c’est bon pour la sodomie !!

    :boulet:

  • Elle est géniale ton histoire. Moi aussi j’ai des racines un peu partout en Europe et en Algérie, mais j’ai pas d’histoire comme la tienne, rien à garder de mes ancètres. Le trou. Garde bien ton figuier, qu’il rende gay ou non.:-)

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