MatooBlog

Pectus est quod disertos facit. ∼ Pédéblogueur depuis 2003 (178 av LLM).

Le livre de Jérémie

Je suis très circonspect pour ce film… en gros j’en suis sorti plutôt déçu, et pourtant il y a plein de choses très bien. Bon encore une fois, une traduction de titre qui est plutôt une adaptation que je ne trouve pas géniale mais bon… The Heart is deceitful above all things.

D’abord c’est une adaptation de Sarah, le livre de J.T. LeRoy dont j’avais fait une critique si dithyrambique il y a quelques mois. Je connais bien le travers qui veut que l’on soit déçu par les transpositions des livres qu’on a aimé à l’écran. Mais normalement j’arrive à faire la part des choses, et là je savais qu’elle n’avait quasiment récupéré que les personnages. Et vu le roman, je me doutais bien qu’il serait ardu de mettre en images tant de pensées abstraites et délires mystiques.

C’est bien ce que j’ai beaucoup aimé dans ce film : les personnages. Asia Argento incarne à la merveille cette mère détraquée qu’est Sarah, et les comédiens qui jouent son fils Jérémie sont aussi très bons, ainsi que les rôles secondaires qui sont tous assez connus. C’est marrant car au niveau des comédiens, on peut facilement faire des recoupements. En effet, on retrouve toute une clique de personnes qui jouaient dans des films connexes ou bien qu’on sait liés aux auteurs. Gus Van Sant avait découvert JT LeRoy à l’époque de « Sarah » justement, et on retrouve John Robinson (le blondinet d’Elephant avec le ticheurte jaune). Pote de Gus Van Sant, on pense à John Cameron Mitchell (Hedwig and the Angry Inch) et, à juste titre, Michael Pitt (le Tommy Gnosis de Hedgwig) joue dans le film. Tous ces gens étant artistiquement proches, je me doute que Jonathan Caouette doit aussi faire partie de la bande (découvert par John Cameron Mitchell aussi). On trouve aussi le Billy de Six Feet Under : Jeremy Sisto (qui jouait aussi dans le déjanté « May »), ou bien Winona Ryder ou Ornella Muti…

On retrouve donc les personnalités de Sarah et de son fils Jérémie. Elle est complètement folle et larguée, elle récupère son fils de 6 ans chez ses parents adoptifs et décide de s’en occuper. Le gamin est déjà bien perturbé par ce choc, mais en plus il subit de plein fouet l’univers de cette fille qui se prostitue plus ou moins, se met avec des gars puis les largue, abandonne régulièrement l’enfant, lui fait avaler des médicaments qui lui donnent des hallucinations ou le défoncent, laisse des hommes abuser de son fils etc. Le môme perd tout discernement, ce mélange contrasté entre amour et violence achève de le perdre dans ses valeurs. Et lorsqu’elle le « largue » dans un trip de plus, le voilà récupéré par ses grand-parents qui sont des catholiques intégristes à la limite de la barbarie humaine. C’en est presque à se demander ce qui est le mieux pour l’enfant. Et puis, elle finit par le récupérer, et hop, c’est reparti pour une autre partie de road-movie. D’autres amants, clients, routiers à sucer, d’autres mecs qui abusent de Jérémie qui s’identifie de plus en plus à sa mère. Est-ce l’amour qu’il lui voue qui fait qu’il se travelote à 12 ans à peine et cherche à faire comme elle avec les mecs ? Il cherche à attirer l’attention, à attirer la violence, la punition, l’amour…

Oui oui, on est dans un univers complètement tordu et chelou, un univers extrêmement proche de celui du livre, et remarquablement filmé. Les personnages sont aussi tour à tour attachants et repoussants. Mais le gros problème vient du manque de scénario. En effet, tout le décor est bien posé, les personnages sont correctement campés, mais alors on attend un peu de matière, une structure narrative un peu plus construite, une histoire quoi ?! Mais non, il s’agit simplement d’une succession de saynètes qui donne une impression de décousu, et concourt à nous mettre dans le même flou que ces gens paumés qu’on voit à l’écran. Cependant, la forme ne m’a pas suffit, j’avais vraiment envie de suivre une intrigue, de voir les choses évoluer, de mieux sentir et percevoir les personnages. Or j’ai l’impression qu’Asia Argento est restée dans l’évocation superficielle de leur misère.

Je suis déçu car je pense qu’elle aurait finalement gagné à plus récupérer l’intrigue du bouquin, même si c’était difficile. J’ai vraiment trop de mal à accrocher à un tel scénario en roue libre, et c’est dommage car les interprètes avaient le talent pour donner un excellent film.

Le livre de Jérémie

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  • Je n’ai ni lu le bouquin ni vu le film mais ces réalisations (pas très nouvelles d’ailleurs) décousues tendant à appuyer le caractère déstructuré des protagonistes enlèvent un peu de la magie du cinéma dont parlent souvent les réalisateurs quand ils visionnent, pour la première fois, leur oeuvre enfin terminée. C’est déstabilisant de ne pas retrouver le fil conducteur d’un bouquin dans le film dont il est tiré. J’aime bien tes critiques, il est important de dire comment c’est au-lieu de donner un avis trop personnel et orienté.:salut:

  • si je ne m’abuse, le film est en fait une adaptation du livre “The heart is deceitful above all things” et non de “Sarah”. La mère est d’ailleurs presque absente de “Sarah”…

  • Ok… c’est moi qui me leurre alors. J’ai cru que les deux bouquins n’en étaient qu’un seul. Il y en a donc deux… je comprends mieux du coup la distance entre les deux histoires, malgré la proximité entre les protagonistes.
    :boulet:

  • Je l’avais vu à l’ouverture du festival du film gay et lesbien de paris (je pense toujours que ce n’était pas le meilleur choix pour ouvrir le festival d’ailleurs…). Bref, je m’étais vraiment fait la même réflexion : pas de narration. Mais l’évocation n’est pas superficielle Matoo, elle prend quand même TRES fortement aux tripes, non ? En tout cas moi j’ai aimé, c’est très bien joué, bien mis en scène.

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