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Pectus est quod disertos facit. ∼ Pédéblogueur depuis 2003 (178 av LLM).

Jean Hélion (1904-1987)

Encore une exposition au Centre Georges Pompidou en nocturne où j’étais presque seul ! Un vrai bonheur pour découvrir ce peintre exceptionnel, et exceptionnellement inconnu. En effet, avant de voir les gigantesques affichages du Centre avec ces personnages et des citrouilles, je n’avais jamais entendu parler de cet artiste.

Après avoir vu l’exposition, je trouve incroyable que ce type n’ait pas une plus grande notoriété en France. Il démontre tout au long de cette rétrospective de son oeuvre à quel point il fut un génie de la peinture, et surtout un homme qui n’est jamais resté statique mais qui, au contraire, à toujours cherché de nouveaux moyens d’expression et de nouvelles voies d’abstraction pour mieux manifester ses sentiments et ses idées.

Et là où son talent avant-gardiste est le plus original, le plus fou et le plus audacieux, c’est dans la simple chronologie de son oeuvre et son attitude « à rebours ». L’exposition a la bonne idée de simplement présenter les oeuvres de manière quasi-chronologique pour mieux encore mettre en exergue cette curieuse progression artistique à « l’envers » de ce dont on a l’habitude.

Car Jean Hélion démarre son existence de peintre en tant que chantre de l’abstraction. Né en 1904, il se trouve exactement au bon moment pour fréquenter et subir l’influence des grands maîtres de l’abstrait que sont Mondrian ou Malévitch. Ainsi il est dans les années 30, à la tête de l’avant-garde des abstraits et toutes les premières toiles de l’expo ressemblent beaucoup à du Mondrian (notamment les toiles de Mondrian sur le Jazz). Des peintures tout en rythmes et réduites à leurs plus simples expressions : aplats de couleurs primaires et lignes noires. D’ailleurs Jean Hélion est très connu aux USA où l’on trouve les toiles de cette époque dans les plus grandes collections d’Art Moderne.

Voilà, Jean Hélion est une star de l’Art Moderne dans les années 30. Reconnu et apprécié pour cela. Mais peu à peu, il s’émancipe de cela et réintègre d’autres éléments dans ses oeuvres. Il souhaite recouvrer le bonheur de la courbe, des formes plus organiques, des formes que l’on reconnaît, que l’on associe au réel. Ce fou repart dans l’autre sens, et tout en célébrant l’abstraction, il réaffirme des codes graphiques beaucoup plus « humains » pour mieux exprimer ses sentiments et ses pulsions.

La rupture vient en 1939 avec la guerre. Il sombre alors dans le « côté obscur de la Force » et désormais, il peint de l’abstrait à l’aide du « concret ». Il veut redonner du bonheur aux gens qui sont touchés par les malheurs de la guerre. On sent bien que l’expression abstraite géométrique ne l’intéresse plus vraiment, et qu’il se passe des choses trop graves dans le monde pour continuer à s’en détacher ainsi. Donc il peint des symboles et des allégories sous forme de choses simples et belles, des choses qui lui parlent et qu’il transcende par sa peinture. D’où les femmes, les citrouilles, des parapluies, des baguettes de pain etc.

Le point d’orgue de l’exposition est un documentaire italien qui présente l’artiste et son oeuvre. Vraiment, il ne faut pas manquer cela. Il faut voir ce truc génial où un journaliste ne pose que quelques questions à un Jean Hélion intarissable et passionnant. On n’a pas souvent l’opportunité d’avoir un peintre (de son vivant !) nous parler ainsi de son parcours artistique, de l’explication de ses codes, de ses envies et ses désirs. Et le discours du peintre est clair comme de l’eau de roche, ce type s’exprime comme rarement j’ai entendu un artiste parler. Il explique ses différentes évolutions et ce qu’il a vécu pendant toutes ces années avec une simplicité et une passion communicative.

Donc il faut aller voir cette exposition avant qu’elle se termine le 6 mars 2005. L’oeuvre de ce peintre et l’homme sont trop géniaux pour rester dans l’ombre.

Jean Hélion, Grande citrouillerie, 1948

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  • ah ah !
    j’ai vu cette expo et l’impression que j’en ai retiré, c’est ce sentiment d’avoir eu affaire à différents artistes, selon ses époques, tellement le style avait évolué

  • Je suis d’accord avec toi, c’est un peintre intéressant et finalement très attachant. Le critère de satisfaction étant fondé pour ma part sur celui de la résistance biologique et psychique qui s’instaure quand on scotche devant les mêmes tableaux pendant des heures et des heures, plusieurs jours d’affilée, et bien pour Hélion c’est concluant, il ne me sort pas par les yeux! :petard:
    D’ailleurs j’y suis normalement demain, chouette! J’évite ainsi le Musée qui va être envahi pour cause de gratuité… :boulet:

  • c’est drôle, moi je n’ai pas du tout pensé que cet artiste était un génie, mais plutôt un raté qui n’a jamais réussi à trouver sa voie, qui a essayé un peu de tout sans jamais vraiment s’y attardé, qui est parti de l’abstrait le plus mathématique pour finir sur des barbouillages acrylique sans intérêt. Une exposition que j’ai faite au pas de course, ne m’attardant que sur les Grande Citrouillerie, Grande Mannequinerie, Grande Journalerie… Comme quoi les goûts et les couleurs…!

  • Dans le cadre de L’ATELIER D’ECRITURE de GENEVIEVE, PARIS, nous avons écrit (cycle Fragments) de courts textes, (instantanés) sur certains tableaux exposés. Cet exercice (pratiqué avec succès les années passées autour du peintre SAULO PORTELA) est un peu dur, mais laisse parler un imaginaire simple, modeste, et désacralise toute théorie, pour ne laisser place qu’à l’émotion. Vous pouvez en consulter des fragments dur le site ci-dessous. Ou bien : 01 53 26 79 28. (Coord : Ts Jeudis soir Café le Fallstaff, 10 pl de la Bastille), site : http://groups.msn.com/Ot3)

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