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Pectus est quod disertos facit. ∼ Pédéblogueur depuis 2003 (178 av LLM).

Lettres Portugaises

De temps en temps, je lis un classique pour changer un peu de mes romans 10/18 Domaine Etranger que j’aime tant. Et là, j’ai été attiré par le titre, et par ce que j’en avais brièvement lu en quatrième de couverture. Et puis c’est un bouquin plus que minuscule, dont les préface et postface font plus de pages que l’ensemble. En effet, il s’agit concrètement de 5 lettres d’amour écrites par une religieuse portugaise à un noble français, « traduites » et publiées en 1669.

Ces lettres ont été longtemps prises pour de vrais échanges épistolaires entre des personnages qui ont même été identifiés (une passion amoureuse de Mariana Alcoforado pour le Chevalier de Chamilly). D’ailleurs, j’ai même lu qu’elles avaient fait partie du patrimoine littéraire portugais après « retraduction » dans leur langue « originale ». Le caractère authentique de ces lettres était des certitudes pour Racine, Stendhal ou Sainte-Beuve, mais il est presque attesté aujourd’hui qu’elles sont un exercice de style attribué à un proche de Mme de La Sablière et de La Fontaine : Guilleragues. Elles entament d’ailleurs la mode du roman épistolaire en France, et suscitent un incroyable succès populaire.

Elles diffèrent considérablement du billet galant, et c’est aussi ce qui a certainement trompé les gens à l’époque car elles sont loin d’être d’une parfaite facture littéraire. Au contraire, elles se perdent en répétition, contresens, feux de la passion et expressions d’une folie amoureuse calcinant son auteur. Encore aujourd’hui, on peut facilement être sensible à ce débordement d’affect digne d’un Amok. On oublie vite le petit côté suranné du style et on profite justement de ce que la langue de cette époque offre en tournures délicates et dramatiques. J’ai vraiment apprécié ces envols lyriques qui sont le propre des lettres d’amour d’hier et d’aujourd’hui, et qui font les montagnes russes. La religieuse voue un amour si intense à son amant que tour à tour elle l’accuse de l’abandonner, ou bien lui balance des déclarations enflammées.

Cela m’a fait du bien de me plonger une journée dans ces quelques pages, et de vivre par procuration une passion de plus de trois siècles avec, j’en suis certain, la même candeur d’aujourd’hui. Je comprends vraiment comment les auteurs de l’époque ont pu croire en la supercherie, surtout avec une telle maîtrise du non-maîtrisé, un contrôle total de l’incontrôlable qui donne un rythme si naturel aux phrases, et surtout des imperfections qui trahissent la pseudo-authenticité.

Bon allez, suffit, je me remets aux romans contemporains jusqu’à ma prochaine incursion…

A lire en ligne si vous le voulez puisque c’est disponible gratuitement sur plusieurs sites… ;-)

Lettres portugaises

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