Je savais que je n’allais pas voir le film le plus drôle de l’année, et je ne m’attendais pas non plus à être paralysé par l’action. Le film évoque les derniers jours d’un chanteur au succès ascendant, Blake, pour parler des derniers moments de Kurt Cobain avant son suicide. Michael Pitt qui interprète brillamment le rôle de cet artiste torturé et que l’on sent vraiment sur le fil du rasoir dès les premières images.
Le réalisateur est un oeil qui observe le monde déclinant de Blake. On suit aussi les quelques amis musicos déjantés qui crèchent dans une baraque immense perdue dans la verdure. On voit le corps et le mental abîmés des personnages. Drogue ? Oui on peut le deviner, mais on ne le voit concrètement jamais. La caméra va et vient dans le quotidien déliquescent de ces protagonistes d’une fin annoncée et aussi brouillonne que leur existence du moment. D’ailleurs, le film débute par deux couples « hétéros » dans un lit, jusqu’à ce que cela s’inverse et voit la nuit suivante les deux filles et les deux mecs ensembles.
Clairement, j’ai trouvé ça long et parfois un peu chiant. Mais Gus Van Sant est là, et il est vraiment doué pour donner une beauté stupéfiante à des scènes purement contemplatives. Du coup, cela passe plutôt bien, on entre dans ce cercle vicieux et on peut aussi se retrouver happé dans ces séquences minimalistes et méditatives. Les décors jusque dans les couleurs, le climat et les objets sont chiadés, mais la manière de filmer et de cadrer de Van Sant est surtout grandiose.
Blake décline mais on pourrait l’imaginer durer comme cela pendant beaucoup plus longtemps. On sent donc à la fois l’inexorabilité de sa mort, mais aussi la surprise de la voir arriver à ce moment là, et « pour ça ». Outre cela, Michael Pitt ressuscite deux fois son personnage avant la tombe. Evidemment c’est une guitare entre les mains que le musicien moribond renaît de ses douleurs existentielles et chimiques, pour livrer quelques instants surnaturels où le temps se suspend et où la magie opère de nouveau.
Ce film est beau, incroyablement beau et puissant. Certes un peu trop « vide », mais cette vacuité est justement l’instrument même de la mort à venir. Elle souligne encore plus la détresse du personnage, et arrive à nous plonger dans cette même atmosphère humide et suicidaire, cette ambiance de fin de vie où les perceptions sensorielles s’annihilent, et où l’artiste souffle son ultime chant avant de mourir.