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Pectus est quod disertos facit. ∼ Pédéblogueur depuis 2003 (178 av LLM).

L’odeur de la pomme verte

Hier soir, après une soirée entre collègues où je n’étais pas trop « dedans », j’ai attendu le métro à Miromesnil sur la ligne 9. Comme souvent, mon esprit divaguait et je me suis laissé à rêver éveillé comme je fais à peu près tout le temps dès que j’ouvre les yeux.

C’était d’abord un souffle de vent, chaud, salé et iodé que j’ai senti sur ma peau. Et ce bruit qui a commencer à vrombir dans toute la station. De l’eau, enfin des tonnes d’eau de mer, des vagues qui ont déferlé sur les voies et dans le fossé formé par les deux quais de métro. Les gens sont restés là, curieux, à observer ce curieux phénomène. Moi j’ai compris que la situation allait rapidement s’envenimer, j’ai donc couru vers la sortie, mais il était trop tard. Je savais que la lame de fond allait tout emporter sur son passage, et que je devais survivre au reflux d’eau. Mon instinct m’a alors fait enjamber la rampe de l’escalier, et coincer ma jambe dans l’interstice formé avec le mur. A peine avais-je fait cela, que je me sens submergé et emporté par la flotte.

Je sens que j’étouffe et que je frôle l’asphyxie, mais peu à peu la force de l’eau décroît, et je sens que le reflux est proche. En effet, je me retrouve rapidement emporté dans l’autre sens et ma jambe me fait souffrir le martyr, je sens qu’elle va se briser d’une seconde l’autre. Enfin, c’est terminé, plus de flotte, et plus de gens. Les deux quais ont été balayés. Je trempé, mais vivant. Je boitille et me dirige cahin-caha plus prêt du bord. Je sens de nouveau l’air s’engouffrer dans le tunnel, mais cette fois il est chargé des habituelles particules polluantes, entre résidus métalliques et fragrances délicates d’urine ou de rats en décomposition, qui empoisonnent l’atmosphère du métro parisien. Le vacarme se précise, mais il est aussi bien familier. Il s’agit du boum sériel et répétitif de la rame sur ses rails. Le métro arrive, je monte dans le wagon plein à craquer. Les quais sont de nouveau occupés, mon rêve est fini.

Je rentre chez moi, je suis naze de chez naze, j’ai un déficit de sommeil qui commence à bien se voir. Je n’ai pas trop envie d’aller me pieuter, donc je me dis que je vais me couper les cheveux. Une fois que c’est fait, je prends une douche histoire de me débarrasser de tous ces petits bouts de cheveux que j’ai dans le dos et sur la tête. Je n’ai plus de gel douche, ni de shampoing, donc je choppe un nouveau gel douche à la vanille, et un nouveau flacon de shampoing. Ce dernier est un truc aromatisé à la pomme verte.

Oh que j’aime prendre une douche bien chaude à une heure du matin. C’est aussi le moment idéal pour se perdre dans ses pensées. Je me savonne du haut en bas, et j’embaume la vanille. J’ouvre le shampoing, j’en verse un peu dans une paume et je commence à me masser le cuir chevelu. Je ferme les yeux. L’odeur de pomme verte me prend aux narines, et se marie incroyablement bien avec la vanille.

J’ai un flash-back immédiat, mais oui, cette odeur de pomme artificielle, c’est celle du shampoing vert fluo que ma maman achetait pour moi et mon frère quand on était tout mômes. J’adorais ce truc, et j’adorais me laver les cheveux juste pour sentir la pomme. Ensuite, ma maman me fait des bisous sur la tête et me disait que j’étais à croquer comme une pomme granny.

J’ai du rester sous la douche autant de temps que le ballon d’eau chaude pouvait me le permettre, et je me suis lavé les cheveux trois fois. Mentalement, je me repassais des images de mon enfance. L’ancienne maison, l’appartement d’encore avant avec ce papier peint décoré des animaux d’Afrique, les voisins, ma grand-mère… Je pense que j’ai finalement peu de souvenirs de cette période, mais les photos de mes parents ont été une manière de figurer ce qui n’est aujourd’hui qu’une sensation ou impression rémanente, telle cette odeur de pomme verte.

Ma mère s’était payée une caméra Super8 au début des années 70. Elle est en ma possession d’ailleurs aujourd’hui. On avait donc des bobines qui traînaient à la maison, mais je n’avais jamais rien vu de tout cela. En outre, on me soutenait que jamais je n’avais été filmé car… bah on y avait pas pensé, j’étais le deuxième môme aussi, et c’est vrai que le premier avait plus bénéficié du matraquage photographique des parents. Il faut dire qu’étant né en 1976, le caméscope n’existait pas et les photos n’étaient pas non plus autant un réflexe. En déménageant des affaires il y a quelques années, j’avais retrouvé au fond d’un vieux meuble trois bobines Super 8. Mes parents voulaient les mettre à la poubelle, mais j’ai tenu à les faire mettre en VHS simplement par curiosité.

Il y avait des gens que je ne connaissais pas, un mariage d’une partie éloignée de la famille, et ensuite des vacances en Espagne avec des oncles et tantes avant même ma naissance. Et puis, une petite séquence à la fin d’une des bobines, une petite séquence de rien du tout. Mon frangin tout gamin qui s’approche de la caméra, père avec son look seventies de terroriste iranien qui lui a valu tant de vérifications de papiers, je reconnais aussi mes cousins qui jouent à la pétanque avec. Oh ma cousine Virginie est aussi là en rouge. Je ne dois pas être né, et Chrystelle non plus.

Cela doit être une réunion de famille, peut-être un jour de Pâques puisque ma cousine a l’air de chercher des choses dans les fourrés. Ma grand-mère est assise avec un bébé sur ses genoux. Et voilà que je me découvrais en cette année 1977 dans les bras de mon aïeule bien-aimée. Un autre « moi » parce qu’un être que j’ai été sans m’en souvenir, un petit être maladroit et benêt, qui ne savait pas parler et à la coordination balbutiante. Eh bien cela fait un vrai choc de se voir ainsi pour la première fois !

Ce bout de film, il est aujourd’hui devenu comme l’odeur du shampoing à la pomme verte, lorsque je le visionne, un tas de souvenirs véritables, imaginés ou sublimés me reviennent en mémoire.

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