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Du refuge au piège : les juifs dans le marais

Cette exposition de l’Hôtel de Ville (entrée gratuite) ferme à la fin de la semaine, et je suis vraiment content de ne pas l’avoir manqué. Evidemment, ce n’est pas une immense exposition mais elle traite correctement son sujet, et en quelques salles, elle fait découvrir l’histoire singulière de ce quartier de Paris. La métaphore qui ressort du titre même est éloquente et en filigrane de toute la présentation. On découvre comment le marais, qui était un havre pour la communauté juive (et où les plus démunis venaient y trouver de l’aide) depuis le 13e siècle, devient pendant la guerre le guêpier qui permet aux autorités de rafler le maximum de personnes (notamment celle du Vel D’hiv).

L’exposition est organisée autour de neuf lieux du marais dont l’histoire est racontée par des affichages, des dessins, photographies, objets, papiers administratifs etc. Ces lieux racontent chronologiquement les événements clefs de l’histoire qui permettent de comprendre (lapidairement mais efficacement) la situation des juifs en France, et surtout à Paris, depuis le moyen-âge.

Les lieux décrits sont : Le clos des Billettes, la salle Saint-Jean, le Pletzl, la synagogue de la rue Pavée et la Fondation Fleischman, l’hôtel de Beauvais, l’école des Hospitalières Saint-Gervais, deux immeubles de la rue des Ecouffes et de la rue des Deux-Ponts, la demeure de Samuel Tyszelman, rue de Turenne, et enfin l’hôtel Lutetia.

« Le clos des Billettes » raconte l’histoire de Jonathas, un juif qui fut brûlé pour avoir voulu prouver qu’une hostie consacrée (donné par une cliente en échange de vêtements qui étaient en gage) n’était pas le corps du Christ. Après avoir poignardé, ébouillanté et tenté par diverses méthodes de détruire l’hostie, il fut arrêté. L’hostie apparemment n’avait pas été du tout abîmée, et elle avait même saigné. Voilà l’exemple typique du sentiment antisémite qui animait les parisiens de l’époque, et grandement attisé par les ecclésiastes. Une époque où les juifs étaient ostracisés par la royauté et maintenus dans certaines professions (dont l’usure), ce qui amènera aussi à des répressions.

« La salle Saint-Jean » marque un changement important puisqu’il s’agit d’une prise en considération des autorités religieuses juives par Napoléon. Ce dernier voulait une véritable concorde religieuse en France, et pour cela souhaitait que tous les cultes soient impliqués.

« Le Pletz » explique comment le marais fut peu à peu peuplé de juifs yiddishophones (110 000 personnes) qui venaient principalement d’Europe de l’Est (Ashkénazes). Cette partie de l’exposition nous montre beaucoup de très belles photographies du début du 20e siècle et avant-guerre qui figure le marais juif de l’époque. Le communautarisme bat alors son plein et les quartiers périphériques à ce Pletz (petite place) s’organisent pour aider les immigrants en terme de travails, logements, éducation. Et l’endroit devient aussi naturellement un lieu de culture et de culte avec des synagogues, écoles, magasins casher, coiffeurs etc. Le quartier est d’autant plus « teinté » culturellement que les devantures des magasins arborent des enseignes en yiddish (et donc en écriture hébraïque).

« La synagogue de la rue Pavée et la Fondation Fleischman » montre l’achèvement de l’installation des juifs dans le marais avec notamment cette synagogue dessiné par Hector Guimard.

« L’hôtel de Beauvais » démarre les sombres épisodes de la France occupée par les nazis. Cet hôtel qui appartenait à une famille juive, et dont les locataires se composaient d’une soixantaine de familles (dont une dizaine juive) fut « aryanisé ». C’est-à-dire que les propriétés des juifs devaient être vendues parfois pour des montants dérisoires à des non-juifs.

« L’école des Hospitalières Saint-Gervais » touche les rafles d’enfants et donc rend le sujet encore plus sensibles et terribles. Cette école était publique mais avait une organisation un peu particulière puisqu’on n’y travaillait le jeudi, mais pas le samedi. Ainsi beaucoup d’écoliers juifs y allaient même si les instituteurs ne l’étaient pas forcément, et qu’ils ne recevaient pas d’instruction religieuse. En 1942, 165 enfants furent envoyés dans les camps, et seuls quelques uns purent être sauvés, notamment par le directeur (Joseph Migneret) qui reste un des estimables personnages de l’époque.

« Les immeubles du 22, rue des Ecouffes et du 10-12, rue des Deux-Ponts » : ces adresses font écho aux rafles du Vel D’hiv. 112 locataires (dont 40 enfants) furent envoyés dans les camps. Sont présentés des photographies et les papiers officiels « d’extradition ». C’est une partie très difficile à soutenir… surtout quand on lit que la plupart des familles ont été entièrement exterminées quelques mois plus tard dans les conditions que l’on sait.

« 45, rue de Turenne : le souvenir de Samuel Tyszelman » Aussi surnommé Titi, il fut fusillé à 20 ans en tant que résistant communiste. On peut lire sa dernière lettre à ses parents. Poignant. Cela m’a replongé dans le bouquin des dernières lettres de fusillés qui m’avait bouleversé quand je l’avais lu.

« L’hôtel Lutetia » est le symbole du retour des survivants des camps de concentration, puisqu’ils y étaient logés à leur arrivée à Paris. Une joie en demi-teinte pour les déportés qui ont du faire face à un accueil « rapide » et dont la plupart avait perdu leur famille.

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