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Pectus est quod disertos facit. ∼ Pédéblogueur depuis 2003 (178 av LLM).

Rize

Je mets un vrai bémol sur la dimension sociologique que David LaChapelle a mis dans son documentaire, en effet je ne crois pas que ce soit sa spécialité. Outre cela, on ne saura jamais si son désir était d’être le premier, le découvreur ou bien s’il était vraiment investi d’autre chose. En tout cas, il y est allé, et il en a ramené de superbes images.

Où est-il allé ? Eh bien dans la ghetto de Los Angeles, dans ces quartiers sud où les blancs ne traînent pas, et où les blacks se regroupent depuis des années en gangs. Le nombre de morts va grandissant et dans cette zone de non droit, plus aucun espoir n’est permis. Bref, le film « Boyz’n the Hood » en avait déjà fait un effrayant et réaliste récit (dans le début des années 90). Voilà où commence le récit de LaChapelle, et où il nous raconte ce qu’il s’y passe depuis quelques temps.

Dans cette ambiance de violence, de gangs et de désillusion, un homme un jour a fait autre chose. Tommy fait le clown depuis une dizaine d’années (en gros depuis Rodney King) dans le ghetto, et contre toute attente il a fait des émules, et une nouvelle forme de d’expression, d’art, de danse en a émergé. Les premières images sont extrêmement troublantes, en effet on se dit vraiment que ce gigantesque black à la mine patibulaire (mais presque) n’a pas le physique du rigolard. Mais il explique comment il se maquille, d’abord la pâte blanche, le rouge, les dessins, le talc etc. Et oui, c’est bien un clown. Il a eu tellement de succès dans le quartier que les gens l’engagent pour faire des anniversaires. Et puis, il est imité par d’autres, car il développe un groupe de clowns aux valeurs qui sont un nouvel espoir pour cette jeunesse. Pas de violence, pas de baston, pas de sexisme, les filles et les garçons à égalité, et surtout un ensemble de valeurs morales et du rire, beaucoup de rigolade et de clowneries à tous les âges.

Moi l’anticlérical de base, j’ai bien évidemment un peu tiqué lorsque Tommy parle de Dieu, Dieu comme étant ce qui l’a sorti de son marasme, et lui a donné de l’espoir pour changer les choses autour de lui (il était délinquant). Et durant le documentaire, la plupart des jeunes parlent aussi de Dieu avec le même espoir et la même foi. Je dois reconnaître que dans des situations pareilles, en effet, cette foi est salutaire, et a certainement été un élément positif.

Voilà donc qu’aujourd’hui (en 2002), les jeunes optent entre le clowning ou bien intégrer un gang ! Et les clowns sont aussi des adeptes de la danse, ils dansent sur du hip-hop, sur du rap, et un jour, ils ne se souviennent pas comment c’est arrivé, ils se sont mis à remuer leurs bassins comme des fous. Et d’un jour à l’autre, le clown-dancing est né. Après quelques temps, les groupes ont évolué, ont fait sécessions, et cela a notamment donné le krumping.

Les krumpers ont gardé de leurs clowneries les mêmes valeurs de non-violence et d’espoir, les maquillages qui sont comme des marques tribales, et cette manière de combattre par la danse. Comme les rappeurs combattaient avec leurs mots, les krumpers dansent et joutent avec leurs performances. Leur rapidité est dingue, et on y retrouve des attitudes de danses africaines et de tout ce qui existe aujourd’hui, mais en différent !

David LaChapelle montre ces danseurs et on découvre avec bonheur quelques personnages sympathiques ou drôles. Il faut voir les bouts de chou de 6 ou 8 ans qui se déhanchent comme des fous. J’ai particulièrement aimé un type, vraiment le genre racaille, qui explique que cette gamine de 8 ans qui oscille du bassin à 150bpm a une attitude sexuelle qui peut choquer certains. Mais ce n’est pas du tout ça, il explique qu’au contraire dans leur groupe, il n’y a aucun sexisme, et aucun problème de cet ordre. Juste de la danse, juste de l’expression de soi, de sa haine, de sa fougue, de son énergie, de son amour et de son talent !

On voit aussi un grand combat entre krumpers et clowns pour savoir qui remporteraient le titre de meilleur « combattant ». Il faut voir alors ce ring avec ces danseurs et danseuses qui se donnent complètement dans leur art. C’est magnifique, et LaChapelle filme cela avec pas mal de talent (belles couleurs saturées comme il aime).

Bref, j’ai aimé cette démonstration d’espoir dans un endroit où on ne l’imagine pas, ou plus. Je me suis identifié à ces endroits où j’ai grandi, où les flics n’allaient plus, où les gens ont peur d’aller. Je me suis imaginé ces racailles en train de danser au lieu de se battre, de retrouver des valeurs de respect, de considération de leurs parents, des femmes, du travail etc. Si seulement, on pouvait nous importer cela…

Mais à chaque fois que je vois ce genre de reportage, je ne peux pas m’empêcher d’être cynique. Si le ghetto devient un repaire de pauvres qui dansent pour exprimer leur ire (comme les esclaves ont inventé le blues ?), finalement rien ne changera pour eux. Cela arrangerait tellement les autorités qui ont fabriqué de tels ghettos. Autant on est rassuré par des jeunes qui trouvent là de l’espoir, autant ce n’est pas la danse qui fait vivre (ie : gagner sa vie), et fait s’intégrer à la société. Alors c’est certainement une bonne chose, et la naissance d’un mouvement artistique passionnant, mais on retrouve les mêmes gens qui n’attendent que de devenir célèbres (on dirait des blogueurs !). Si seulement tous les gens « mécontents » pouvaient entrer en politique ou aller manifester dans la rue pour lutter pour leurs droits…

A voir pour les morceaux de danse qui déchirent, la musique qui est particulièrement bonne, et aussi ces petits morceaux d’espoir qui font chaud au coeur (même si certains passages abusent du pathos à mort à la sauce hollywoodienne). Après David LaChapelle ne fait qu’effleurer le sujet, et ce qui l’a manifestement intéressé c’est la danse, le mouvement et les gens. Il ne faut pas y chercher autre chose.

Rize

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  • Tu considères donc qu’une forme d’expression artistique très maîtrisée, qui exige discipline, énergie, dépassement de soi, et qui de plus tente de véhiculer des valeurs morales positives n’est qu’un gentil passe-temps tout juste bon à occuper les pauvres…

    Je trouve ça super triste comme opinion…

    Surtout quand on pense à des artistes qui exigent reconnaissance sociale, privilèges et beaucoup d’argent en échange d’une production artistique infiniment plus médiocre, mais tellement plus « intégrée dans la société ».

  • Mais naaaaaaaaaan, c’était juste mon côté cynique qui s’exprimait. Je ne peux m’empêcher de penser que cela arrangerait bien certains politiques, c’est tout. Et sinon, je trouve que c’est 1000 fois plus positif comme dépense d’énergie, que la destruction de soi et d’autrui ! Certes !! Ce serait encore plus génial si les gens confrontés à l’injustice se servaient aussi des outils politiques à leur disposition. Les “émeutes” en sont quelque part l’expression finale (comme une “révolution”), mais trop destructrices et violentes.

    Mais quant à l’aspect créatif, j’en ai dit tout le bien que j’en pense. Et je persiste. :-)

  • Tes deux derniers paragraphes résument très bien pourquoi j’ai préféré ne pas aller voir Rize.
    Et puis trop de La Chapelle (Rize, H&meuh, rumeur du clip de Mado…) tue La Chapelle…

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