Jean-Christophe Duchon-Doris m’ayant fait l’honneur d’un commentaire sur le post que j’avais consacré au premier roman de cette série des aventures de Guillaume de Lautaret, et m’ayant un peu tancé sur mes reproches en m’enjoignant de lire le bouquin suivant (sous-entendu : « Avant de faire mes remarques perfides ! » Arf !), je me suis exécuté. Je lui devais bien ça, bien surpris même qu’il ait commenté mon blog (merci google).
Comme pour le premier bouquin, je suis obligé de faire la comparaison avec son concurrent : Jean-François Parot et mon cher commissaire du Châtelet, Nicolas le Floch. Même si ce dernier évolue dans le Paris de Louis XVI (qui débute son règne, les premières aventures étant marquées du sceau de Louis XV) tandis que Guillaume de Lautaret est un sujet de Louis XIV (1701, fin de règne), on retrouve un environnement assez proche en termes culturels et sociaux, même si les faits et personnages historiques sont évidemment distincts. J’ai retrouvé les mêmes spécificités et différentiations entre les deux auteurs que ce que j’avais noté la dernière fois.
Jean-Baptiste Parot utilise ses personnages et ses intrigues comme des prétextes à raconter la grande et la petite histoire de cette frange de nos annales dont il doit être féru. Il évoque les endroits, les coutumes, les métiers, la cuisine, et bien des détails d’époque qui sont un bonheur à découvrir plus de deux cents ans après. Du coup, ses héros ne sont pas toujours très crédibles, et ses intrigues pas toujours bien ficelées. Mais le voyage dans le temps et le dépaysement sont extraordinaires, les personnages très attachants et savamment étudiés. Jean-Christophe Duchon-Doris me parait tout autant érudit sur son époque de prédilection, mais bien meilleur romancier et il use (et abuse parfois) d’une plume à l’aisance et au panache impressionnants. Il se concentre beaucoup plus sur ses personnages et sur l’histoire qu’il raconte. Il élude plus facilement les anecdotes du quotidien (et ne cite que celles qui servent au récit) mais se plait à raccrocher aux wagons de l’histoire les faits de sa propre fiction. Ainsi on pourrait croire que ses personnages ont existé, et cette impression est des plus grisante lors de la lecture. Outre cela, ses protagonistes ont aussi les défauts de l’époque (Guillaume ne s’empêche pas quelques aventures, fait donner la question, et torture les huguenots !) ce qui leur donne beaucoup d’authenticité (plus que le bourreau en chirurgien de Parot…). Il y a donc un côté un peu moins exotique et docte, mais un souffle romanesque manifestement palpitant et prenant.
Cette fois, le roman emporte tous les suffrages. C’est simplement brillant, et j’ai dévoré le livre.
Guillaume de Lautaret est revenu à Paris pour assumer une nouvelle charge, avec sa fiancée, Delphine d’Orbelet, et la mère de cette dernière. Pour des raisons obscures, l’attribution de sa charge est retardée, et la mère de Delphine ne tarde pas à être embastillée par lettre de cachet, sans aucun motif exprimé. Rapidement, Guillaume comprend que tout est lié au père de Delphine qui serait mort dans des circonstances étranges aux Amériques, lors d’une expédition qui visait à remonter le Mississipi. Tout s’enchaîne alors avec une sombre histoire de conquête territoriale entre la France et l’Angleterre, de concurrence entre les missionnaires jésuites et les Missions étrangères, de tentative des huguenots français de s’installer en Louisiane et des circonstances troubles de la mort de Cavelier de la Salle.
L’aventure est menée tambour battant de Versailles et ses corruptions, à Saint Domingue, ses flibustiers et ses bordels, jusque ce mystérieux fleuve et cette région dangereuse pleine de bêtes sauvages et d’autochtones peu amènes. L’intrigue est haletante et captivante, elle mêle à la perfection les faits historiques avérés avec les personnages fictifs, dont on continue de suivre les évolutions et les histoires personnelles (Guillaume et Delphine). Je pense que le bouquin ferait un incroyable scénario de film. Alors que l’on se plaint de ne pas avoir d’histoire qui tienne la route, il y a là tout ce qu’il faut.
Cela commence comme l’ « Allée du Roi », et se poursuit en les « Mines du Roi Salomon » avec Stewart Granger et Deborah Kerr. Il s’agit là d’un très bon roman, très divertissant et intelligent. Si l’on aime un peu l’époque, le parlé du 18e (dont je suis fan), les récits gorgés de détails historiques et les mystères insondables, ce bouquin est résolument à lire.
(Cela n’empêche que j’attends avec impatience le dernier Parot… hé hé.)
lolol :mrgreen:
Sais-tu que JFP est un de mes collègues ? :cool: D’ailleurs sont bureau est à cinquante mètres du mien… :-)
oops ! j’ai écrit trop vite… “sont” bureau :redface::redface::redface: chu mort de honte là…
Toi, tu veux te faire offrir les prochains Duchon-Doris et Parot gratuitement! :mrgreen:
Tu dois bien aimer le cinéma puisque tu penses à un scénario pour film lorsque tu lis un livre (ce livre en particulier). Je ne sais pas ce que doit en penser l’auteur.
Le dernier Parot, La sang des farines, est franchement pas bien. Intrigue compliquée, c’est verbeux, ca rame, ca part dans tous les sens et tout se retrouve miraculeusement lié et expliqué dans les dix dernières pages. Grosse déception pour ma part ! J’ai eu beaucoup de mal à le terminer alors que j’avais dévoré les premiers volumes.