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Pectus est quod disertos facit. ∼ Pédéblogueur depuis 2003 (178 av LLM).

L’odeur de l’homme

Marie-Ange Guillaume a fait la Carrie Bradshaw du magazine « Comospolitan », entre 1999 et 2004, où elle a publié de drolatiques et spirituelles chroniques. Carrie Bradshaw donc puisque c’est une de ces femmes modernes, libérées et décomplexées (normales pour moi quoi !), mais plus Bridget Jones dans l’humour et la (auto)dérision, on y retrouve aussi une pincée de Maïa Mazaurette pour les propos sur les hommes, et une acrimonie bien sagace. Mais celui à qui j’ai tout de suite pensé avec ce même penchant pour l’absurde et les blagues de potache c’est l’incontournable helvète : « Bon Pour Ton Poil ». Si j’ajoute à cela que Daniel Pennac affirme toute son assuétude aux écrits de cette dame dans la préface, je pense que j’ai convaincu l’assistance, non ?

C’est donc très marrant, bien écrit, et intelligent. De quoi bien pouffer dans le métro, avec ces anecdotes où l’on se retrouve tous (nous les femmes quoi !). De ses expériences masculines, aux diverses péripéties avec ses copines, ses potes, son boulot ou bien ses réflexions philosophiques sur le temps qui passe, son foie ou son chat. Tout y passe, et le bouquin se lit avec beaucoup de plaisir.

Afin de bien percevoir le genre d’humour et son style, j’ai recopié intégralement une des chroniques (courte celle-ci, d’autres sont plus étoffées). Le genre de bouquin qui laisse le sourire aux lèvres, et qui fait rêver d’avoir un tel sens de la dérision au quotidien.

Les hommes préfèrent les myopes

Officiellement, si on compte en dioptries, je suis « moyennement myope » seulement. Bonne nouvelle, mais sans lunettes je suis incapable de distinguer au premier coup d’oeil un buffle d’un canapé en cuir. (Je m’en sors par le raisonnement : si je suis chez mon dentiste, c’est forcément un canapé. Dans une prairie, c’est plutôt un buffle.) Donc je suis myope et j’ai du pot. J’ai un avantage énorme sur les non-myopes, qui, à moins d’être alcoolisés ou de se taper les diapos de vacances des voisins, ne connaîtront jamais le flou. D’ailleurs, dans les civilisations anciennes du Moyen-Orient, être capable de voir flou était très bien vu : c’était un don des dieux. Quatorze siècles av. J.-C., le Hittite infoutu de déchiffrer ZU chez son ophtalmo sortait content, il avait de quoi snober ses voisins. En revanche, chez les romains, un esclave myope était considéré comme de la pure camelote et on avait le droit de le rapporter chez le marchand.

Pour la bonne tenue de mon moral, je préfère donc penser aux Hittites et à la veine que j’ai chaque fois que je passe trois heures à cherches mes lunettes dans le brouillard. Je pense également aux Hittites quand je teste des nouveaux Varilux, la Rolls du verre progressif. « Vous allez vous habituer, c’est l’affaire d’une heure ou deux », disent les opticiens qui n’en portent pas. En effet. Les six premiers mois, vous vous payez toutes les bordures de trottoir, et les trois premières années vous êtes prise d’un mal de mer virulent chaque fois que vous regardez de côté.

N’empêche, les choses progressent. Par exemple, en 1924, une fille à lunettes était très difficile à marier. Elle devenait institutrice, carmélite ou chimiste. De nos jours, c’est différent. ET savoir que Sharon Stone, Monica Vitti, Adriana Karembeu et les trois quarts des top models sont myopes me ravigote énormément. Sans parler de Cléopâtre, qui a perdu la bataille d’Actium parce qu’elle n’avait pas vu venir les bateaux de Caius Julius Octavianus, paraît-il. Sans parler non plus de Maria Callas. Elle était tellement miro que, sur scène, elle n’a jamais réussi à voir un chef d’orchestre. Elle ne savait même pas à quoi ça ressemblait. Et maintenant, voilà que « les hommes préfèrent les myopes », d’après le livre très sérieux de Carolyn Fitz. Surtout Woody Allen, Edgar Faure et Jean-Luc Delarue. Et pas seulement les myopes sans lunettes, avec ce fameux regard éperdu et mouillé qu’elles attrapent à force de vous chercher le nez au milieu de la figure – et qui leur donne un air d’abandon tout à fait érotisant. Non : 62% des hommes interviewés munis d’une épouse myope la préfèrent avec ses lunettes.

Quand j’avais vingt ans, j’ignorais cette passion des hommes pour la lunetterie. Au cinéma, je traînais les copains à un mètre de l’écran sous prétexte de les immerger plus intensément dans le zoom et de contrechamp. Et pour retrouver un fiancé au bistrot, je préférais naviguer comme une mouette saoule jusqu’au moment où je butais dedans, plutôt que de « chausser » mes lunettes. Il faut dire qu’à l’époque la myopie n’était pas un privilège et choisir des montures n’avait rien de ludique. On disposait de quatre modèles : Nana Mouskouri, Trotski, Kissinger (Henry, et non Kim Bassinger) et le modèle papillon pour les allumeuses. Côté verres, ça pesait une tonne et ça cassait dès qu’on s’asseyait dessus. Vous me direz, les lunettes ne sont pas faites pour qu’on s’assoie dessus. On voit bien que vous n’en portez pas.

Malgré tout, mes lunettes me procurent un certain plaisir. Surtout quand je les enlève : aucun bouton, aucune pellicule et autre mocheté sur mes concitoyens – tout le monde est lisse et beau. Et puis, bizarrement, le fait de voir flou me rend sourde. Dans les situations énervantes, je peux devenir aveugle et sourde à la fois, ça rend bien service.

De plus, une étude très sérieuse aussi (ben voyons) révèle que les myopes ont un QI plus élevé et le goût de la lecture. Rien d’étonnant : une autre étude révèle que la lecture provoque la myopie. Plus étrange, il paraît que les myopes sont plus belles et plus sexy que la moyenne. Exemple : Grace Kelly. Certes. Quand on est myope, il vaut mieux être d’une beauté renversante, ça met les lunettes en valeur.

L'odeur de l'homme - Marie-Ange Guillaume

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  • Matoo, pour les verres progressifs, tu es provocateur !
    Je suis myope ‘grave’ et je porte des verres de correction depuis petit.
    Les verres progessifs depuis dix ans ! Il faut bien sûr plus d’une journée pour s’habituer mais c’est quand même un confort certain !
    Ce que j’apprécie le plus, ce sont les verres photochromiques que j’ai adopté dès 1969 ! C’est vraiment une invention formidable !

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