MatooBlog

Pectus est quod disertos facit. ∼ Pédéblogueur depuis 2003 (178 av LLM).

Eloge de la philosophie antique

Attention les yeux, je viens de finir ce petit opus de Pierre Hadot qui est la « Leçon inaugurale de la Chaire d’histoire de la pensée hellénistique et romaine faite au Collège de France, le vendredi 18 février 1983 ». Soixante petites pages très digestes (pour un tel sujet) d’une très docte personne, mais qui sait véhiculer sa passion avec clarté et concision.

Pierre Hadot explique dans ce discours la raison de l’existence d’une telle chaire, et ensuite essaie d’expliquer rapidement, mais efficacement, les tenants et aboutissants d’un tel effort de recherche. Cela donne un texte passionnant et fascinant, qui est beaucoup moins rebutant que ce à quoi je m’attendais en l’ouvrant. Evidemment ma passion pour Marc-Aurèle (dont je n’ai pas fini de vous rebattre les oreilles) n’est sans doute pas étrangère au fait d’avoir beaucoup aimé ce petit ouvrage.

Il rappelle d’abord à la fois l’originalité de considérer dans sa globalité une « pensée hellénistique et romaine » alors qu’on pratique généralement l’étude de l’une ou l’autre, mais aussi le fait que cela tombe sous le sens étant donné les liens ténus qui existent entre les deux. On voit d’ailleurs clairement que les auteurs romains ont recopié, traduit, et enrichit les écrits des penseurs grecs. On retrouve cette transmission culturelle autant dans une pratique philosophique littéraire qu’au quotidien (les mouvements philosophiques en eux-mêmes ayant traversé les âges). Il cite notamment des écoles bien installées telles celles de Platon, Aristote, Théophraste, Zénon et Chrysippe, avec en plus de cela des « traditions spirituelles » telles le scepticisme ou le cynisme. Ensuite ces mouvements sont superficiellement décrits, de quoi donner une idée de leurs fondements, leurs points communs et leurs spécificités. Passionnant !

L’auteur évoque aussi la forme même des écrits philosophiques antiques, mais sous un éclairage que je trouve particulièrement sagace. En effet, il explique qu’on doit déjà comprendre que la très grande majorité des écrits des philosophes antiques sont perdus, et ne sont jamais parvenus jusqu’à nous. Certains ne nous sont connus que très partiellement, et parfois seulement sous forme de citations, ou commentaires sur des oeuvres. Aussi nous basons finalement notre connaissance sur des éléments très minces. Mais outre cela il est aussi intéressant de voir que ces écrits sont souvent comparés à de la littérature contemporaine. On les trouve donc souvent plutôt « mauvais » ou « mal écrit » de ce point de vue. Alors que ces textes philosophiques suivaient un formalisme et des contraintes complètement étrangères à notre manière moderne d’écrire.

Les contraintes étaient déjà de forme (papier, stylo… pas vraiment !), mais aussi de fond puisque les écrits servaient uniquement de supports de cours, d’exercices de raisonnement ou de formalisation de discours. Ainsi l’aspect « oral » des écrits était un des pré-requis essentiels (en plus du fait qu’ils devaient souvent être dictés à voix haute), ces philosophes ne se voulaient pas écrivains, ces traces étaient avant tout des outils d’apprentissage utiles.

Bref, il y a des kyrielles de remarques intéressantes et de choses à apprendre dans cet opuscule. Il renseigne d’ailleurs autant qu’il sème des graines de curiosité tout au long de son développement. Ainsi on en sort plus avide encore qu’avant, puisqu’à chaque « leçon » ou enseignement, on se retrouve alors avec autant de zones d’ombre dont on voudrait (littéralement) l’éclairage.

J’ai essayé de tirer quelques citations du discours, mais il me « parle » tellement que je n’arrivais pas à choisir, je l’aurais alors intégralement recopié ! J’ai encore tant à apprendre sur le sujet, c’est un vertige grisant.

Eloge de la philosophie antique - Pierre Hadot

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  • Hadot étant, évidemment, l’un des rares spécialistes et à la fois vulgarisateurs de l’oeuvre de Marc-Aurèle. Hé hé !

  • -Bon
    Cela fait plusieurs moi que je lis le blog du matto et une conclusion (philosophique) s’impose.
    Matoo n’existe pas.
    En effet, comme eut-il exister un être sur terre quo soit capable de lire à la fois de la philo antique d’une main tout en feuilletant une chronique féminine de l’autre et en dévorant un roman anglais de la troisième, ayant écouté deux pièces de théâtre et vu trois films -au moins – dans la même semaine. Comment un homme normalement constitué et salarié peut-il trouver le temps d’aller au Queen, en s’interessant aux discours socio-politique passant à la radio sur le chemin du retour, travailler ses amours et hanter le congrès du PC?
    Matoo est multiple.
    Matoo est une cybercréature faite de plusieurs entités charnelles, l’une correspondant au charmant Mathieu, qui n’est cependant qu’une facette de cette personalité scyzophrénique.
    CQFD
    Vous me ferez 2 copies double à ce sujet pour le semaine prochaine.
    Pouvez ranger vos affaires!

  • >Bruno : c’est à peu près pour ça que je lis Matoo.
    La première fois que j’ai vu apparaître Marc-Aurèle, je me suis dit que Matoo n’avait pas peur, qu’il allait faire fuir tous ses lecteurs. Et puis non. Depuis je me suis habituée, un post Mme de Pompadour, un post gorge profonde (après tout, mais oui, il y a bien un rapport).
    Il y a de grande chance pour que ses lecteurs non plus n’existent pas, ce qui ajoute d’un coup beaucoup de travail et beaucoup de personnalités au schizophrène.

    (Mais Bruno, ne te laisse pas si facilement impressionné, cet Hadot-là est vraiment très mince.).

  • et disnous d’où tu sors des bouquins de 1983???tu fais les bouquinistes? c’est réédité? bon en tous les cas j’adore aussi..et MArcAurèle est devenu mon livre de chevet ..une ou deux pages avant de s’endormir, c’est très serein et positif…j’ai aussi relu Epicure dernièrement..ca devrait te plaire..

  • Hadot est un très bon choix pour aborder la philosophie antique car il sait aller très loin dans la réflexion sans pour autant rebuter le lecteur.

  • la philosophie, c’est pas mal, moi j’aime bien lire Platon, Aristote manuel d’Epitècte et pensées pour moi-même les douze livres en un de Marc-Aurele.

  • J’ai bien dit que c’était un tout petit bouquin, juste une soixantaine de pages petit format. Disponible à la vente sans problème. Je n’aurais jamais eu l’idée de me l’acheter en fait, mais j’ai une copine qui me fait découvrir des choses comme ça… Ca le fait grave. :-)

  • Ton bouquin semble aborder les pré-socratiques. Je dois avoir dans ma bibliothèque un poche Gallimard sur ce thème franchement obscur.
    Tout ca me rappelle mes cours de philo de Khâgne :

    Les cavales qui m’emportent au gré de mes désirs,
    se sont élancées sur la route fameuse
    de la Divinité, qui conduit partout l’homme instruit;
    c’est la route que je suis, c’est là que les cavales exercées
    entraînent le char qui me porte…
    (Parménide, poème)

  • J’adore cette collection de bouquin ! Petit, bien imprimé, toujours intérressant, bref : idéal pour le métro !

    Je suis en train de lire des Leçons sur Tchouang-Tseu pas-sion-nantes !

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