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Pectus est quod disertos facit. ∼ Pédéblogueur depuis 2003 (178 av LLM).

Mon frigo me trompe

La scène figure l’intérieur d’un appartement où trône un grand réfrigérateur blanc. En sort une énorme fille, Laura. Pendant 1h15, Laura va nous raconter comment une jeune fille de quatorze ans arrive à vivre son obésité, son rapport obsessionnel à son frigo, sa famille spéciale, un petit ami plus ou moins fantasmé, et surtout elle nous emmène au coeur de ses rêves en chansons.

Simplement accompagné d’un pianiste (Laurent Couson), sur la scène du Théâtre Le Méry, Rémi Cotta a revêtu un de ces costumes à la « Madame Doubtfire » qui lui donne son allure de pachyderme. Il nous apparaît tel qu’on voit les grosses justement, et c’est aussi embarrassant pour le public que c’est crédible, avec des vêtements informes qui dissimulent mal des membres difformes, une taille éléphantesque et une poitrine trop opulente. L’histoire de Laura est aussi celle d’un roman de Rémi Cotta, ainsi l’auteur/acteur incarne sur scène un personnage qu’il maîtrise parfaitement.

Je lui reprocherais peut-être un texte un tout petit peu trop écrit ou quelques formules précieuses superflues qui lui ont même fait fourché sur son texte. Mais sinon, c’est simplement génial ! Il alterne des monologues ou des déclamations au public avec des chansons qui illustrent plus encore les désirs et songes de Laura.

Elle évoque son rapport à la nourriture, à son frigo. Elle se rassure sur son physique, comme pour mieux se défendre de ce qu’elle est, au moins c’est une femme, et elle en a les formes. Et puis elle s’en moque, comme le dit sa mère avec une fallacieuse mansuétude « c’est la beau intérieure qui compte ». Evidemment, Laura exprime autant son mal-être et ses complexes, qu’elle essaye de nous convaincre du contraire. Et c’est là que la pièce est extraordinaire car elle nous met en porte-à-faux avec nos propres credo. Cette grosse fille sur la scène est gênante, on n’a envie de la condamner et de la plaindre aussi, sans ne jamais savoir s’il y a une cause ou une conséquence à cet état de fait. Mais c’est surtout la cruelle lucidité et clairvoyance de Rémi Cotta qui est frappante, une crudité anticonformiste qui tient en haleine et interroge pendant tout le spectacle.

Et bien sûr, c’est parfois drôle car le texte est plein de dérision et d’ironie, de blagues de grosses qui font sourire. Mais il va même jusqu’à la faire aller souvent aux toilettes (qui sont exposées sur scène), ce qui est assez terrible, et plus vraiment risible. Au fur et à mesure, on entre dans l’univers du personnage, et on se demande comment l’auteur a pu sonder si intimement et avec une telle acuité cette Laura qu’il « habite » ainsi. Après, on peut aussi se demander si le texte aurait autant de force si c’était une femme obèse sur scène… (Le type est plutôt mince et joli garçon.)

Les chansons sont très belles, et formidablement appariées aux répliques, l’ensemble fonctionne sans une fausse note. Il s’agit là d’un spectacle à découvrir, quelque chose qui ne laisse résolument pas indifférent.

Mon frigo me trompe - Théâtre Le Méry

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