Je suis féru de littérature américaine et j’aime beaucoup 10/18 pour leur choix en la matière, donc j’ai naturellement choisi de commencer par ce livre de la généreuse liste de Monsieur CRE. Brady Udall signe là un livre qui, en effet, rentre typiquement dans mes canons dans le domaine. Il y narre avec une jolie plume une existence atypique, celle d’Edgar Mint, un petit garçon métisse indien-WASP dont la vie bascule lorsque le facteur lui roule sur la tête devant sa maison au sein de la réserve.
Le bouquin commence par le récit de cet événement assez inattendu et singulier, mais surtout qu’on apprend que le facteur s’est enfuit en pensant avoir tué l’enfant. Mais ce n’est pas tout car le petit garçon est envoyé aux urgences et en réchappe miraculeusement après l’acharnement « mystique » d’un médecin iconoclaste. Et encore plus étrange, la maman de l’enfant de 7 ans, une indienne alcoolique au dernier degré, a fuit la région sans se soucier de son gamin. Edgar se retrouve donc en longue convalescence à l’hôpital, il y fait la rencontre de personnages bien déglingués mais attachants. Et plus tard, il est intégré à une école pour indiens, où Edgar subit bien des déconvenues et des souffrances. Et cette véritable saga de l’enfant se déroule sur des années, jusqu’à ce qu’il trouve son chemin, et retrouve ses marques originelles.
Un de ces bouquins bien américains donc avec des personnages secondaires complètement frapadingues et parfois improbables, mais dans un contexte social tellement spécial (réserve indienne, alcoolisme, centre quasi-pénitentiaire…) qu’il en devient crédible. Mais surtout, le récit est porté par Edgar lui-même, le narrateur donc, dont la parole innocente et sincère apporte beaucoup d’émotion et de puissance au ton général du bouquin. Un procédé assez intéressant et parfois troublant consiste d’ailleurs à alterner, au sein d’un même paragraphe, des phrases où le narrateur parle à la première puis à la troisième personne. Les « je » se succèdent donc aux « Edgar » et donnent l’impression que l’enfant a parfois besoin de se distancier pour tenir le choc. Et des chocs, on peut dire qu’il s’en prend, tant métaphoriquement, psychologiquement que physiquement.
La quatrième de couv évoquait « Le monde selon Garp », et je vois en quoi on peut en effet rapprocher les deux livres. Il y a un peu de John Irving là-dedans, mais vraiment j’ai plutôt pensé à deux livres que j’ai déjà lu. « L’homme qui tomba amoureux de la lune » pour l’aspect saga et pour cette forme américaine irrésistible, en plus d’un environnement social connexe (amérindiens, enfance particulière, récit en longueur, personnages secondaires importants), mais aussi « Autobiographie d’une courgette » qui est un ouvrage français injustement méconnu. Ce dernier livre parle aussi avec la voix d’un enfant qui vit de manière bien singulière ses années d’enfance dans la violence des adultes, et finalement sa propre violence.
Edgar Mint n’est pas un héros parfait et irréprochable, c’est un enfant qui est élevé dans un milieu pourri, qui subit une maltraitance effroyable de ses camarades d’école, et indirectement des adultes qui l’entourent. Son accident l’empêche de pouvoir écrire et de tenir un crayon en main. Par contre, on lui donne à l’hôpital une machine à écrire antédiluvienne qui lui permet de taper tout ce qui lui passe par la tête. Il s’agit là d’un beau fantasme d’écrivain, mais qui fonctionne à 1000% pour moi, et l’enfant est aussi sauvé par cette capacité à écrire et verbaliser les choses. Il noircit des milliers de feuillets et son ineffable espoir vient aussi de là.
J’ai été surpris par le dénouement et les pirouettes assez vertigineuses qui terminent le bouquin, mais bon… pourquoi pas après tout ?! Il s’agit d’un très bon bouquin et certainement un must pour qui aime les ouvrages de ce type. Bien écrit, savamment construit et aux sentiments finement ciselés.
Entierement d’accord avec toi concernant Autobiographie d’une courgette… J’ai beaucoup aimé également ce destin d’egard Mint…
Bonjour. Je ne peux que réagir. Voilà sans aucun doute le meilleur livre que je n’ai jamais lu. Incontestablement mon préféré sur la bibliothèque. Je me souviens l’avoir lu en quatre jours tout en m’interdisant d’avancer trop vite pour en garder pour le lendemain. Ce fut un pur bonheur, un régal. Inoubliable à mon sens. Ensuite, je m’étais précipité sur son recueil de nouvelles “Lâchons les chiens” qui m’avait procuré un plaisir moindre mais non négligeable pour autant. Je me jetterai sur le prochain, si prochain il y a un jour.
Tiens, voilà de quoi on aurait pu parler hier :salut: