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Pectus est quod disertos facit. ∼ Pédéblogueur depuis 2003 (178 av LLM).

Si tu mourais

Je suppose que vous avez déjà entendu parler de Florian Zeller. Ce dernier a absolument tout pour qu’on le déteste puisqu’il a publié son premier roman à 22 ans, qu’il en est à son quatrième, qu’il a 27 ans, qu’il est carrément joli garçon, et qu’il est prof de littérature à Sciences-Po. Donc je me suis dit qu’avec un peu de chance cette pièce était une sombre merde, qui arriverait à me faire apprécier le garçon. Mais non, je peux continuer à le haïr puisque j’ai trouvé que cette pièce de théâtre était absolument très bien.

Il faut dire que les interprètes sont de choix avec en proue une Catherine Frot, dont on peut penser que le rôle a été écrit pour elle. Une opinion à double tranchant d’ailleurs, car même si elle excelle dans le genre, elle ne fait que démultiplier ce qu’elle sait très bien jouer par ailleurs (un peu comme Huppert qui est relativement abonnée à des rôles similaires). Mais on ne va pas bouder son plaisir, d’autant plus qu’elle était accompagnée de Bruno « Rhaa Lovely ! » Putzulu, Robin Renucci et Chloé Lambert (que je ne connaissais pas).

Catherine Frot vient de perdre son mari dans un accident de voiture, Robin Renucci, et elle est épaulée par le meilleur ami de ce dernier (Bruno Putzulu). En fouillant dans les affaires de son mari, elle découvre des éléments qui pourraient lui faire penser que son mari la trompait avec une jeune actrice, Chloé Lambert. La pièce présente ensuite plusieurs « séquences » qui font penser à une structure de film plus que de pièce de théâtre. Flash-back, scènes rêvées, personnages fantômes, plusieurs « tableaux » nous expliquent ce qui s’est passé avant cet accident, et on suit Catherine Frot qui tente de savoir qui était véritablement son mari dans les derniers moments.

Le décor est très simple et minimaliste, tout blanc, un canapé et quelques éléments qui changent légèrement de positions selon les lieux, qu’on identifie rapidement (la maison, le bureau, l’appartement de la fille). Cette sobriété ne fait que renforcer l’attention sur le jeu des comédiens. Et c’est bien le problème de ce démarrage ! En effet, j’ai constaté avec beaucoup de surprise et de frayeur que les comédiens ahanaient dans des attitudes très statiques qui empêchent de correctement rentrer dans l’histoire. Vraiment les deux premières scènes sont presque pénibles, et on avait l’impression qu’ils avaient besoin de se chauffer.

Heureusement, rapidement on rentre dans le coeur de l’intrigue et surtout les comédiens se donnent de plus en plus. Les corps et les langues se délient, tout au long d’un texte à l’écriture qui sort de l’ordinaire, et frappe par ses qualités. En effet, à maintes reprises j’aurais voulu avoir le texte sous la main pour noter quelques répliques et dialogues à hauts potentiels « cultes ». Donc après un départ en demi-teinte, la pièce devient une sorte de film palpitant qui jongle avec une intrigue concrète et une habile peinture de moeurs. On flirte allègrement avec l’adultère, les notions de couple, de différences homme-femme, le mensonge et la dissimulation.

Encore une fois Catherine Frot est excellente, et elle sort ses répliques à la perfection. J’ai aussi été agréablement impressionné par Robin Renucci, qui endosse à merveille ce rôle, et dont le physique colle parfaitement avec le personnage. Mais vraiment ce texte est superbe, et son auteur est à saluer (enfoirééééééé !).

L’avis des copines : Romain.

Si tu mourais

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  • Allez, une petite vacherie pour la route ! ;-)

    Les illusions perdurent
    Par Christophe AYAD
    Libération, Mercredi 6 septembre 2006

    Cet automne, on se parfumera au Julien Parme. C’est la nouvelle fragrance de chez Flammarion, signée Florian Zeller, jeune créateur en littérature. Ça sent comme du Calvin Klein : jeune, synthétique, monochrome, monocorde, vite porté, vite oublié. Ça cogne, sans laisser de traces puis ça s’évapore. Dans le dernier livre de Florian Zeller, tout est dans le titre, Julien Parme, lourd d’effluves stendhaliennes, rehaussé dès la première phrase d’une note salingerienne. Le reste n’est ni écrit ni à lire.

    Dans la vraie vie, Florian Zeller est écrivain. La preuve, il habite boulevard Saint-Germain, dans un appartement à la déco bohème chic, à la même adresse que le Syndicat national de l’édition. Il fait une tête de gondole tout à fait crédible dans la catégorie jeune premier ­ de la classe : 27 ans, quatre romans, l’Interallié 2004 pour l’avant-dernier, trois pièces de théâtre, dont la dernière sera à l’affiche de la Comédie des Champs-Elysées à partir du 15 septembre, chroniqueur à Vol de nuit, prof à Sciences-Po, pigiste de luxe… Son créneau, c’est de faire croire qu’écrivain est un métier et qu’il en a la tête de l’emploi.

    Dans la vraie vie, Florian Zeller a les cheveux blonds et en pétard comme sur les pubs pour du gel ultrafixant. Quoique un peu moins que sur les quatrièmes de couv qui plaisent tant aux jeunes filles et aux grands-mères. Il n’est pas très grand, le torse large pour des traits fins, le teint pâle, l’air absent. Il n’est pas si beau qu’on a pu le croire. Son visage, sa fameuse «gueule d’ange», s’est comme déjà fané, un Dorian Gray à l’envers. Evidemment, on va dire que cette description n’est dictée que par la pure jalousie. Il y a de quoi : un gars si jeune, déjà riche et célèbre, des tirages conséquents, des salles de théâtre remplies, et pour compagne la jolie Marine Delterme, ex-mannequin devenue actrice vaguement ressemblante à Emmanuelle Béart et mère d’un petit garçon de 8 ans qu’il «coélève» avec curiosité. Le pire, c’est que Zeller est plutôt gentil et sympathique, pas trop ramenard, ni péremptoire.

    D’abord, Florian Zeller est bien élevé et ensuite, il a fait Sciences-Po, l’endroit où l’on apprend à parler de tout en ne disant rien. Ce qui fait qu’invariablement il répond à toute question par «oui, non, relativement» . Il n’est ni de droite, ni de gauche. Mais il ne faut pas se fier à cette indétermination apparente, cette façon un peu molle et lisse d’esquiver les aspérités, de ne pas finir ses phrases. Florian Zeller a su très tôt ce qu’il voulait par-dessus tout, être écrivain. Quitte à écrire des livres.
    Sa pire humiliation ? Il se souvient très précisément de cette prof de français de troisième qui lui avait demandé dans quel domaine il voulait faire un stage. Il avait répondu «la poésie» . «Donc, vous voulez un stage dans une entreprise de poésie ?» s’était-elle moquée. Des années plus tard, quand son premier roman est sorti, il a «pensé à elle» avec une joie mauvaise. C’est aussi à partir de ce moment-là qu’il a renoué avec sa famille : «J’avais le sentiment d’avoir accompli quelque chose par moi-même.» Avec le succès, l’idée d’avoir des enfants ne lui paraît pas plus aussi incongrue.

    Encadré par un grand frère et une petite soeur, Florian Zeller est de ces enfants du milieu, qui redoublent d’efforts pour se faire une place. Il ne s’attarde pas sur une enfance sans histoire : parents séparés mais sans dispute, père absent, mère fantaisiste, mi-cartomancienne mi-psy, pas de gêne financière, ni d’aisance non plus… De son enfance, il retient surtout un problème d’asthme qui l’a maintenu longtemps solitaire. La psychanalyse n’est pas sa tasse de thé ; pourtant, il ne cache pas un désir confus de «racheter» sa mère. Zeller parle de lui comme s’il avait été enfanté par sa propre ambition. Lucide, il aimerait un jour avoir écrit «un grand livre».

    On aurait tort de croire que tout lui est venu comme ça. Il faut, pour percer dans ce métier, un minimum de talent mais c’est accessoire, de l’audace, beaucoup, et surtout, travailler sans relâche : savoir qui est qui dans la jungle éditoriale, frapper à la bonne porte, trouver la bonne clé. Lorsqu’il était élève à Sciences-Po, il animait avec sa petite copine de l’époque un petit site Internet de critique littéraire assez complaisant, qui lui a servi à enrichir son carnet d’adresses. Le reste est une question de culot. Il en avait assez pour envoyer son amie harponner PPDA lors d’une journée dédicace. La nymphette a su y faire : Zeller s’est retrouvé chroniqueur sur l’émission littéraire du «démiurge» de TF1 et sa carrière à elle en a bien profité aussi. La même était allée, tous les jours à la même heure, faire le pied de grue chez Grasset pour y décrocher un rendez-vous et déposer le premier manuscrit de son écrivain chéri. Refusé. Finalement, ce fut Raphaël Sorin, l’ «inventeur» de Houellebecq, qui flaira la bonne affaire pour Flammarion. Il n’a plus besoin, désormais, de s’inviter à l’anniversaire de tel jeune littérateur en vue, au culot, pour enrichir son carnet d’adresses REP.

    Zeller n’appartient pas à la génération Beigbeder, les Nicolas Rey, etc. D’abord il est trop jeune, ensuite, il est trop aimé des vieux : Jean d’Ormesson l’a adoubé en successeur possible dans Match . Philippe Tesson en a fait un protégé. Lorsqu’il parle de ses confrères, c’est avec des précautions diplomatiques : hommage à Modiano et Houellebecq, «respect» pour le «talent» de Moix, «mais pas pour ce qu’il en fait», sympathie pour le drille Rey et «affection» pour le grand frère Beigbeder, à qui il doit, avec PPDA, un sérieux coup de pouce à l’Interallié ( «Beig» avait déclaré à l’époque : «Au moins, c’est un livre qu’on finit», comparant sans le dire avec les 900 pages de Daniel Rondeau). Le seul ami que Zeller se revendique dans le milieu est David Foenkinos.

    On peinerait à lui coller une étiquette tant ce garçon est un caméléon. Non pas qu’il change de style ­ il n’en a pas ­ mais d’argument publicitaire. Avant de donner dans le «stendhalinger», il avait rejoué Flaubert et Maxime Du Camp en goguette en Egypte dans la Facination du pire , tout en surfant sur l’ islam bashing assez en vogue par les temps qui courent. Il y eut aussi Proust et Jean-René Huguenin, passés à la moulinette. Au théâtre, le procédé est identique. Chaque titre appelle des réminiscences : l’Autre , carambole Sartre et Marivaux, le Manège fait Vienne fin de siècle. Les livres, chez Zeller, sont comme ces objets en vente dans les boutiques vintage : ils réveillent le parfum des vieux encriers et l’odeur du buvard.

    Tout est citation, emprunt. Il parle de la mort et dégaine, l’air pénétré, une citation de Montaigne. Tiens, se dit-on, on va apprendre quelque chose. Et l’on découvre que «philosopher, c’est apprendre à mourir» . Et dire qu’il a enseigné la littérature à Sciences-Po, sans jamais l’avoir étudiée d’ailleurs. Trop fort ! Dans l’édition, la presse et un certain nombre de métiers aux compétences assez floues, c’est celui qui veut le plus une position qui l’obtient : bref, c’est c’ui qui dit ­ le plus fort ­ qui est. Et comme le dit la jeune Lola Gruber, écrivaine au talent autrement corrosif mais assez méconnu : «En France, écrivain est un métier et les livres y tiennent lieu de carte de visite. C’est pour ça qu’ils sont si minces.»

  • De quoi Zeller après cet article assassin dans Libé ? Et puis, je flingue le premier ki di ke je pond de la daube parce que je suis prof à Sciences-pot !

  • j’avais beaucoup aimé “les amants du n’importe quoi” de lui aussi. Voici donc une petite citation rien que pour toi mon Matoo:

    “Nicolas avait vingt huit ans; c’est du moins ce qu’indiquait son dossier. En vérité tristan trouvait qu’il faisait plus jeune. Une sorte de fraîcheur innocente rayonnait sur son visage un peu rond. Tristan avait de la sympathie pour lui. Ainsi que de la compassion. il portait le même prénom que son meilleur ami. d’ailleurs de nos jours, tout le mond s’appelle un peu nicolas.”
    :kiss:

  • J’ai absolument adoré cette pièce que je suis allée voir 2 fois. J’ai vu également en DVD la pièce LE MANRGE également écrite par Florian Zeller et on reconnait bien son style d’écriture très particulière mais qui fait qu’on en redemande.
    Un seul regret est que Si tu mourais ne sortira pas en DVD.
    Véro

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