MatooBlog

Pectus est quod disertos facit. ∼ Pédéblogueur depuis 2003 (178 av LLM).

Le coeur est un chasseur solitaire

Impossible de me souvenir de qui m’a offert ce bouquin dernièrement, mais je l’en remercie ! J’ai beaucoup aimé ce roman, et pour deux raisons. Déjà pour son histoire, son écriture et ses qualités intrinsèque, mais aussi pour ce qu’il représente. En effet, j’ai lu que cette oeuvre et son auteure, Carson McCullers, représentait une des figures émergentes de la littérature américaine contemporaine. Lors de ma lecture j’ai été stupéfait par ce mélange entre des propos et un récit très « 10/18 domaine étranger » (les initiés comprendront, de ma part il s’agit d’un certain gage de qualité), et un brin de désuétude apporté par l’âge du roman, tout simplement, puisqu’il été rédigé en 1940.

Cette jeune femme a mis beaucoup d’elle-même dans ce premier roman, écrit à l’âge de 23 ans (!!). Apparemment, elle était de constitution assez fragile, autant physiquement que moralement. Elle était bisexuelle, tout comme son mari, ce qui explique un couple qui battait de l’aile (tu m’étonnes). On retrouve beaucoup de ses facettes dans le personnage féminin majeur de son roman, Mick, une toute jeune fille férue de musique et garçonne.

Le roman a pour personnage central un muet, John Singer, qui vit avec un autre homme muet qui est son meilleur ami. Ce dernier devient fou, et doit être finalement interné, au grand dam de son ami. Du coup Singer déménage et se retrouve dans un autre quartier de cette ville du sud des USA, dans une atmosphère aux cruels relents de ségrégationnisme et pauvreté. Le muet habite dans une pension, et dans ce nouvel environnement, quatre personnages principaux le fréquentent et sont fascinés par l’homme et son handicap. Il y a Mick, une gamine de la famille à qui la pension appartient. Il y a aussi Biff Brannon qui tient le bar-restaurant où Singer prend ses repas. Dans ce même bar, il rencontre un jour Jake Blount, un type paumé qui tente de convertir le muet à la révolution bolchévique. Enfin, le docteur Copeland, un médecin noir et cultivé, voit en ce muet un homme blanc très différent des autres. Ces quatre personnalités gravitent autour de John Singer, et trouve en lui alors qu’il ne peut parler ou entendre, comble du comble, une personne attentive, à l’écoute, et source de tous les apaisements. Singer lit sur les lèvres, sans toujours bien comprendre, et finalement ne pense qu’à son ami qui est interné.

Le roman décrit les interactions entre ces personnages dans un quartier pauvre, et dont la population noire est encore plus misérable, et dans une situation sociale d’une criante injustice. Carson McCullers décrit cet environnement et cette réalité tout en nuances et avec habileté en utilisant beaucoup de dialogues et une peinture très psychologique de ses personnages. C’est d’ailleurs en cela que j’ai reconnu le roman américain, tel que je le conçois, et que son talent est manifeste. Malgré un petit peu de poussière sur les phrases et les tournures (peut-être est-ce aussi une question de traduction ?), le roman est passionnant et il entraîne le lecteur dans les « coeurs » de ses héros, et surtout dans leurs tourments. Ces gens qui n’expriment pas beaucoup leurs sentiments, trouvent dans le muet une sorte d’oracle ou de Pythie à qui ils se sentent le droit de se confier.

Le livre est éminemment politique, et à l’époque où il a été écrit, on y retrouve des évocations du nazisme, du fascisme mais aussi des conditions déplorables des noirs. Il s’agit d’une remarquable plongée dans le sud des Etats-Unis, et dans les moeurs de ces gens à l’existence si difficile, et parfois indigente. C’est un roman parfois difficile, construit comme une saga avec pas mal de personnages, qui dresse un portrait contrasté de cette singulière région. J’ai adoré les études psychologiques des personnages, qui sont sur le coup vraiment originaux et marquants, et la manière dont elle les fait, peu à peu, tous interagir. Pour le meilleur, et pour le pire…

Le coeur est un chasseur solitaire - Carson McCullen

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  • Bouh Matoo !! Ca m’étonne que tu n’ais pas lu ce livre avant ! Il est vraiment passionnant en effet. Et pour la petite info, le personne de Singer représente Dieu : tout le monde lui parle, mais il ne répond jamais.
    PS : Dans la même veine, je te conseille très vivement “Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur” d’Harper Lee. ;-)

  • J’ai tellement apprécié l’oeuvre de Carson que j’ai fait une maîtrise d’anglais sur elle^^ Dans ce bouquin, les personnages se comportent comme des monades de Leibnitz, au comportement devenu aberrant car Singer ne peut être le Dieu dont elles auraient besoin

  • salut toujours beaucoup de plaisir à te lire connais tu tarzoon la honte de la jungle? fritz the cat? Gordon Flesh? si oui OK sinon fonce et découvre de même connais tu de Flannery O’Connor A good man is hard to find? tu devrais aimer Cheers and don’t do things I wouldn’t do JM unversitaire natif de 1944 :-)

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