Je continue ma découverte de l’oeuvre de Gilles Leroy, qui ne cesse de me fasciner par son écriture incroyable, ses thématiques et des bouquins qui ne me laissent vraiment pas insensibles. « Soleil noir » est résolument un de ceux-là, un livre au style « américain » que j’aime tant chez cet écrivain, avec malgré tout des accents de « Regain » (le bouquin de Giono) qui sentent bon (et mauvais) la France méridionale.
Dans Vaucaire, on ne peut pas se perdre : le bourg étant traversé par la nationale (et comment dire ? décapité, pulvérisé par elle, si bien qu’on a répliqué sur chaque trottoir, les mêmes commerces, boucherie, épicerie, banque et boulangerie, et que seuls les inconscients ou les suicidaires s’aventurent à changer de trottoir), on ne s’oriente qu’avec les deux mots, l’entrée du bourg et sa sortie, comme on parlerait d’un boyau plus ou moins engorgé selon les heures, les jours et les saisons, et donc le transit, en ce mois de mai, commence à peiner. Bientôt, ce ne sera plus que le magma ordinaire, l’aveuglement des ruées humaines et cette image parfaite pour les télévisions d’un lent exode populacier, puant et bruyant, vers un soleil en location.
Et dans cette ville de Vaucaire, dans le sud de la France, débarque Nadia, une femme à l’allure étrangère, et qui sort de 15 ans de prison. Elle est à la recherche de son fils qui lui a été retiré par les services sociaux, et dont elle n’a pas eu de nouvelles depuis. Elle pénètre donc dans cet univers singulier, où tout le monde se connait, fait partie de la même famille à quelques alliances près, des gens qui se détestent, cancanent et complotent les uns contre les autres. Le fils de Nadia serait peut-être bien un jeune homme qui s’appelle Marco, le petit protégé d’Anicette, une femme médecin obèse et profondément humaniste. Marco qui a été exploité pendant des années par une des familles de Vaucaire, avant de prendre son indépendance en retapant un domaine abandonné dans les collines. Le garçon est d’ailleurs à moitié et à la fois craint, aimé, respecté ou dédaigné pour son opiniâtreté, son homosexualité et son côté bohémien.
En lisant ce livre, j’ai pensé à cet écrivain qui s’était fait agresser par ses « personnages », et j’ai pensé que si c’était la même chose pour cette histoire-ci, alors il valait en effet mieux dissimuler les identités. Parce que Gilles Leroy taille des portraits à la serpe dans une région presque consanguine et ravagée par la méchanceté et la bêtise de ses autochtones. On retrouve tous les travers d’une pauvreté intellectuelle à pleurer, et de gens sans scrupule. Le roman se déroule comme un road-movie dans l’ouest américain, on débarque au milieu de nulle part, dans un coin isolé et à la population aussi recluse que revêche.
Tous les personnages qu’on rencontre au cours de ce livre sont hauts en couleurs, autant les gentils que les méchants. Ils sont esquissés en quelques phrases, et prennent consistance très rapidement pour devenir les rôles majeurs du « drame » à venir. Et la dichotomie entre bon et mauvais est facilement identifiable, on s’attache rapidement à quelques personnalités qui vont ponctuer ce récit à l’atmosphère étouffante et « estivale ».
L’auteur délivre encore un texte d’une qualité d’écriture qui me parle toujours autant, avec ce niveau de langue et de littérature qui me fait relire plusieurs fois certains passages dont la musique est sublime. Et pourtant l’action est tendue, le rythme de lecture se syncope sur des émotions tangibles, les dialogues s’enchaînent et il s’agit encore d’un bouquin qui pourrait être écrit par un américain.
Mon seul bémol est certainement lié au fait que j’ai été absorbé par le récit dès les premières phrases, et que j’attendais beaucoup du coup du dénouement. Or, il y a un moment où le roman bascule, change de « genre » et m’a vraiment déconcerté. Et la fin parait comme expédiée, racontée, sagement narrée alors que je ne voulais que vivre l’instant en compagnie des personnages. Du coup une petite déception sur la fin, alors que ça avait si bien commencé…
Gilles Leroy se dessine encore un peu plus en tant que romancier, et j’adore ce que je découvre. D’autant plus, que son prochain roman sort dans un peu plus d’un mois !! Chic chic chic !
Je connais pas ce livre, j’avais bien aimé “Champsecret”. En voilà un autre à ajouter à ma ma liste.
Bonjour!
Comme vous, je découvre l’œuvre de Gilles Leroy. Après cinq titres je suis toujours aussi aspirée par ses romans. Passée de « Dormir avec ceux qu’on aime » à « Soleil Noir » j’admire sa faculté à passer d’un univers autobiographique à une fiction, sans rien laisser de son art. RESPECT!