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Pectus est quod disertos facit. ∼ Pédéblogueur depuis 2003 (178 av LLM).

A l'abri de rien

Le dernier bouquin d’Olivier Adam (le troisième que je lis personnellement) m’a fait l’effet d’une bombe. Il allie les qualités littéraires et le style des autres romans, ainsi que ce fascinant talent pour se mettre dans la peau de personnages « populaires », tout en distillant un récit qui m’a profondément touché. Attention, ce n’est pas un roman qui fleure bon l’alacrité et la joie de vivre, mais c’est une histoire qui respire la sincérité, et dont la crudité sociale est une véritable bouffée d’oxygène.

J’ai eu beau lire quelques critiques négatives, rien ne peut diminuer l’émotion qui est véhiculée dans ce roman. Et pourant l’auteur est sur le fil, du début à la fin, dans son choix d’incarner une femme d’un milieu modeste « du nord », dans la longue description de la neurasthénie qui englue la moindre parcelle de vie, dans le libelle politique et social, et dans son intrigue majeure, mais jamais il ne flanche ou ne verse dans la médiocrité, la facilité ou le populisme de bas étage.

Marie est mariée à Stéphane, qui est chauffeur de bus. Elle élève ses enfants, Lucas (l’aîné) et Lise (la petite), et elle déprime. C’est un foyer très modeste comme il y en a tant dans ce coin, vers Calais on suppose, vers Sangatte, on est certain. Car il y a ces réfugiés qui continuent à affluer, les « kosovars » on les appelle, qu’ils soient africains ou roumains, et ils sont traqués comme des chiens, et ils risquent leur vie (la perdent dans bien des cas) pour passer en Angleterre. Marie se laisse complètement aller, et ses enfants sont son seul refuge et son unique bonheur. Et un jour, un de ces réfugiés lui vient en aide, et elle décide de grossir les rangs des quelques bénévoles qui continuent, contre les interdictions préfectorales, de nourrir et soigner les migrants. Alors sa vie change et prend un sens, même si ce choix met en péril tout l’équilibre familial et sa propre fragilité.

J’avais déjà reconnu en Olivier Adam un auteur qui parlait avec une authenticité incroyable, et qui rendait avec une acuité hallucinante la vie des banlieusards et un milieu vaguement classe moyenne prolo. Là on est en plein dedans, avec la description minutieuse de cette famille du nord de la France, juste en face de l’Angleterre, qui a du mal à joindre les deux bouts. Tout est terriblement crédible et parvient à constituer un portrait criant de vérité pour moi. Les meubles, les lotissements, les voitures, les odeurs, les couleurs, les ambiances, les personnages, Olivier Adam a ce génie de brosser tout un univers en très peu de phrases. Et si je suis extrêmement touché par cela, c’est simplement parce que c’est une partie de mon patrimoine social que je reconnais là dedans, sans faute. Il a aussi cette qualité d’être dans le vrai et le sincère, sans trop en faire, sans romancer, il tape juste où il faut, avec l’expression idoine et le verbe adapté.

J’ai été très sensible à la manière dont il décrit le sentiment familial dans ce foyer, et surtout l’amour que la mère et le père vouent à leurs enfants. Un peu comme si c’était la seule chose qui leur restait, qui était accessible. Et ces enfants qui représentent l’espoir et la pureté, en face de destinées déchirées, de ces réfugiés qui meurent de faim et de maltraitance. Pourtant, le père ne comprend pas que Marie se mette à aider les « kosovars », et ne supporte pas les quolibets qu’on lui envoie à ce sujet. Elle se retranche de plus en plus dans cette vie parallèle, elle y voit toutes ses valeurs et son système moral se repenser, s’affiner et s’affirmer. Elle reprend vie en les aidant, et en pensant les soulager un peu, mais « ils » sont trop forts… Les enfants sont toujours là, jusqu’au bout, et ils expriment aussi sans faillir et sans fléchir leur amour à leur mère, en profitant de chaque moment pour rire, sourire, jouer, l’embrasser, et s’assurer qu’elle reste avec eux.

C’est un roman qui est dur et terrible, mais qui recèle des moments d’une beauté inouïe et si simples. Je lui reprocherais juste cette monomanie dépressive, alors que tous les espoirs sont finalement permis. En tout cas, moi je reste avec cette idée en moi. Ce livre mérite qu’on s’y intéresse car rarement j’ai lu des romans si actuel dans le ton et le contenu, tout en étant d’une si bonne facture littéraire. Ce bouquin possède un souffle vraiment singulier et touchant, j’espère que beaucoup de lecteurs ressentiront tout cela.

A l

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